Les « Blanchettes » de polypropylène…. 453

Les « Blanchettes » de polypropylène…. 453

9 novembre 2021 Spéléologie 0

Les « Blanchettes » de polypropylène…. 453

Voilà bien un matériel aussi décrié que méconnu, trop formatés que nous sommes à nous ranger voire nous réfugier dans des normes.
Les normes sont fort utiles, on aurait tort de les mépriser ou les ignorer.
Ce qui ne va pas toujours bien dans les têtes et les mœurs c’est de vouloir les appliquer coûte que coûte, à tort et à travers, parce que c’est la norme établie, sans même réfléchir à la pertinence ou non de cette application…
Par exemple, la normalité pour un piéton est de traverser la rue au passage prévu pour lui. Mais face à une rue rectiligne, offrant une vue dégagée sur 100 m de chaque côté, et vide de tout véhicule, le passage « piétons » reste-t-il légitimement incontournable ?
Sortir de cette normalité sera-t-il un problème ? Cela sera-t-il préjudiciable à quiconque ?

La norme usuelle pour les cordes en spéléologie est d’utiliser des cordes en Polyamide (Nylon), en polyester (Tergal), et des cordelettes en aramide (Kevlar) ou en polyéthylène Haute Ténacité  (Dyneema).

Le Polypropylène a très mauvais presse, et pourtant, il est le matériau de la plupart de s cordes utilisées par les alpinistes au Népal…faute de trouver mieux, et, comme le dit l’article dont lien ci-après, finalement pas d’accident notoire connu à s’en servir, bien que les conditions d’utilisation soient dures (UV, froid, eau, abrasion, chutes sévères souvent en facteur 2 ou proche…)

http://www.paulogrobel.com/corde-fixe-en-expedition-un-test-de-resistance-edifiant/   

Ses principaux défauts sont la sensibilité aux UV, la raideur pour les cordes tressées, l’abrasivité, l’écrasement aux endroits en appui donc une érosion accrue, mais surtout, surtout…son inélasticité.
Très statique, les chutes sur polypropylène engendrent de grosses forces-chocs, et plus elles sont grosses, plus elles peuvent rompre une corde et malmèner le corps humain.


On comprend alors que divers utilisateurs sportifs l’évitent au maximum pour lui confier leur vie, voire la condamnent carrément et la réduisent aux usages vulgaires tels les cordes de balançoires d’enfant ou la ficelle à ballots de paille !
Mais c’est bien dommage et bien excessif par manque de discernement.
Une câblette de ce matériau neuf ( 2 à 2,5 mm de diamètre) résiste en effet largement à 100 daN, même nouée, en charge statique.
Une cordelette torsadée à 6 câblettes tient aisément plus de 600 daN. Pour 6 mm  de diamètre…
1040 daN en 8 mm pour 1090 en polyamide 8mm…quasi-équivalent donc.
Le tableau ci-contre est édifiant dès que l’on passe à 10 mm !
Les « Blanchettes » utilisées par SJV sont soit du 6 mm soit du 8 mm.

Quand on veut du costaud, il suffit de les tresser par trois, et on s’approche de 1800 daN avec du 3 X 6 mm c’est à dire la résistance nominale des corde de type « B » des spéléologues normalistes.
Bien sûr, ces Blanchettes ne sont pas compatibles avec un descendeur à poulies fixes classique, mais le restent avec un descendeur « huit » par exemple, s’il fallait s’en servir ainsi.

 

S’il fallait, car de fait l’usage prévu des Blanchettes se limite (sauf nécessité extrême) à en faire des mains courantes, des aides à la progression, de la manutention  d’objets…
Les plus fines peuvent aussi être utilisées pour la technique « Cordelette » développée par Georges Marbach.

Dans l’usage « main courante » classique, elles sont souvent nouées à espace régulier car leur préhension est délicate, la propension à glisser dans les mains, gantées ou non, est assez grande.
Donc, on en fait alors des cordes à nœuds !
Exemple d’utilisation : corde de facilitation de remontée d’un  toboggan terreux sans inclinaison justifiant l’usage d’une corde avec bloqueurs.

Si l’on veut corriger le manque d’élasticité, il suffit de faire des nœuds amortisseurs, avec de petites ganses, qui, en cas de chute sévère, constitueront autant de points de dissipation énergétique en se resserrant, transformant alors la Blanchette en cordelette dynamique.
De plus ces petites ganses peuvent être utilisées pour longer des objets.
Notons que ces nœuds simples ou en huit ou amortisseurs avec de la cordelette de 6 ou de 8 laissent passer les mousquetons en les accompagnant mais qu’en cas de coulissement sous tension, ils tendent à freiner voire arrêter le mouvement, réduisant ainsi la force choc lorsque la longe arrive au point bas de sa course sur la main courante..
Si on en utilise deux simultanément, elles ne sont pas solidarisées mais indépendantes, ce qui fait que la moins lâche « encaisse » la première le choc potentiel, et au cas où elle se romprait, la seconde n’aurait plus qu’une force choc résiduelle très atténuée.

Malgré tous les services qu’elles peuvent nous rendre, les « Blanchettes » ne sont en aucun cas substituées aux cordes normalisées pour les verticales, les tyroliennes, les guides obliques exposés au vide, et autres usages dont dépendrait l’intégrité physique des pratiquantes et pratiquants.
Même si, objectivement, techniquement, cela pourrait se faire, nous nous en abstenons.

Sur le plan financier, c’est évidemment bien dommage, car la bobine de  160 m en 8 mm (résistance statique supérieure à 1000 daN) ci-contre ne coûte même pas 30 euros…contre 125 en polyamide (résistance 1300 daN) c’est à dire  4 fois moins cher !
Un autre avantage est la légèreté, (28g/m au lieu de 35)  auquel s’ajoute la flottabilité.

Une vertu insoupçonnée est aussi de réduire fortement les tentations de « vol » de matériel posé en extérieur. Les mains courantes dites « de confort » c’est à dire plus ou moins facultatives selon les personnes selon la configuration, selon la météo…qui sont donc aisément accessibles aussi par un peu tout le monde y compris un monde peu recommandable et irrespectueux ou inconscient des conséquences de ses actes.
Ce sont généralement les mousquetons qui attisent la convoitise, mais tant qu’on y est, piquer la jolie corde vaguement « dispensable » n’est pas sans intérêt.
Il en va autrement d’une Blanchette pleine de nœuds, dont bien peu de gens s’encombreraient !

C’est donc en posant une Blanchette directement sur les amarrages naturels (souvent des arbres ou des poteaux, racines, piquets solides…) sans aucun connecteur coûteux, que l’on a le plus de chances de dissuader ces dangereux énergumènes malhonnêtes de subtiliser nos mains courantes d’accès extérieures.
Les esprits coloristes ne manqueront pas de faire remarquer que ces cordes et cordelettes d’appoint ou de substitution dans les contextes où elles ne compromettent en rien la sécurité peuvent aussi être dénommées « Jaunettes », « Bleuettes », « Verdettes », « Noirettes », « Rosettes », « Orangettes » voire « Polychromettes »  pour les coloris les plus fréquemment rencontrés !

Loin d’être une simple amusette, cette diversité de couleurs peut aussi être mis à profit pour déterminer des longueurs caractérisées par des couleurs spécifiques, ou encore attribuer une cordelette ou corde de telle couleur à tel usage. Ou encore personnaliser les lassos pour chaque équipière ou équipier…etc.

Donc on l’aura compris, le polypropylène ne mérite pas le mépris qu’on tend développer à son encontre.

S’il n’a pas toutes les qualités requises pour en faire de bonnes cordes de progression avec agrès, il en a quelques-unes fort intéressantes, il suffit de les mettre à profit avec intelligence et sens pratique sans jamais négliger la sécurité.
Chez SJV, on ne s’en sert pas souvent, mais quand c’est le cas on en est très content !

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