Les concrétions ferriques bivalviformes 317

Les concrétions ferriques bivalviformes 317

26 juillet 2020 carrières diverses 2

Les concrétions ferriques bivalviformes       316

Tout commence par une petite exploration d’une carrière de gypse abandonnée par un trio de subterranologues du club.
Lors d’une pause, au terminus d’une galerie, l’un de nous aperçoit une curieuse formation en relief sur une vieille vis de fixation de rail encore implantée dans une traverse de chêne. 


D’un peu plus près, l’objet, de 15 mm environ, ressemble fortement à un coquillage, plus précisément à un bivalve…
Etonnement…
En manipulant l’ensemble pour photographier, une pression malencontreusement exercée sur l »animal » brise une des « valves » et il apparaît alors à l’intérieur une masse visqueuse verdâtre, qui donne une petite idée d’huître…


Il va alors se développer une discussion entre tenants de l’idée que oui, c’est peut-être bien un coquillage et ceux pour qui, non, ça n’est pas possible sauf processus artificiel anthropique.
Des tas de questions se posent, mais les pro-bivalves ayant réponse à tout, à coups d’hypothèses plus ou moins élaborées, on finit par se rendre à ce qui est peut-être une évidence : ça doit être un Bivalve !


Première hypothèse qui élimine plein de questions secondaires : le bout de bois avec son bout de ferraille provient d’un plan ou d’un cours d’eau extérieur, et portait donc déjà l’animal…quand il a été déposé là où on le trouve. L’ennui fut ensuite que, le regard affûté pour en trouver d’autres, nous finissons par dénicher plusieurs « bivalves »…il aurait donc fallu que pas mal de bouts de bois proviennent eux aussi d’un stockage dans de l’eau…peu probable.


Seconde hypothèse, un essaimage de larves lié au fait que les wagonnets de bois allaient et venaient régulièrement de la carrière à la rivière pour y charger des chalands…ce qui colle avec la disposition des individus sur les fers de rails…là où les roues passent et s’égouttent.
L’eau douce nécessaire ? On contourne le problème car il n’était pas rare que les carrières soient un peu ennoyées, ne serait-ce que de quelques centimètres…suffisant pour de petits bivalves…


Nourriture ? Certains Bivalves se nourrissent de bactéries, de micro-organismes qu’une carrière active recèle, et, comme pour l’essaimage, les wagonnets apportent de l’eau de rivière régulièrement, en petite quantité, mais ça peut suffire…
Comme ces « animaux » semblent morts, on associe cette mort au fait que actuellement il ne sont plus dans l’eau depuis des années peut-être !
Nous oublions que leur mort ainsi supposée aurait fait s’ouvrir leur coquille (plus de muscle adducteur).
Mais, même si on y avait pensé, on se serait dit que le ligament élastique se serait décomposé et donc les valves se seraient refermées…soudées ensuite par un concrétionnement de surface.

Ayant acquis une sorte de conviction que ce sont des « bivalves », en dépit du côté extraordinaire de la chose, nous transmettons l’histoire au groupe Biospel de la FFS.
Et là, la réponse arrive assez vite par deux ou trois interlocuteurs : non, ce ne sont que des concrétions ferreuses.
D’une part, certaines assertions sont balayées par la connaissance plus fine de la biologie des Bivalves, d’autre part le phénomène physico-chimique responsable de ces formations, assez surprenantes tout de même, est connu et décrit.


(Les intéressé(e)s trouveront ci-après l’exposé de Michel Wienin, que nous remercions vivement).
Du coup, nous nous sommes penchés un peu plus sur ces « choses », avec un appareil photographique, et ça nous a donné une satisfaction d’esthètes !!! Une consolation car…
Nous n’avons pas découvert une espèce de Mollusque troglobie…zut !

Cela étant, la longue séance de photographie dont cet article ne ressort que quelques images a permis de constater :

  • que ces formations se développent aussi bien sur des ferrailles « aériennes » que posées au sol
  • qu’elles peuvent être positionnées aussi bien sur que sous ou sur les côtés des ferrailles porteuses
  • qu’elles se développent selon des plans (on admet ici comme plan celui déterminé par la ligne de « suture » de « valves ») indifférents de l’orientation.
  • que leurs dimensions dans cette carrière s’étend de quelques millimètres (pour ce que l’on peut en voir) à 50 mm pour les plus grandes.
  • qu’il n’y a pas de secteur privilégié dans cette carrière, sur 2 km de galeries visitables, donc pas de zone physico-chimique particulière nécessaire au processus de formation


Mais nous les aimons bien quand même, nos concrétions ferreuses bivalviformes !!! 

 

 

 

 

 

 

Exposé (simplifié) du processus de formation (Michel Wienin, Groupe Biospel)

En pratique, ces concrétions, souvent discrètes, se développant sur des ferrailles, se trouvent généralement sur les points particuliers : plis, pointes, contacts, fissures…. Le phénomène est favorisé en milieu acide et par la présence d’ions SO42-  (sulfuriques), provenant souvent de l’oxydation de sulfures métalliques (pyrite, galène…) mais aussi de la présence de gypse, sulfate de calcium.

Le processus est assez complexe. Je résume :

–       Formation d’une couche de rouille +/- étanche à la surface du métal (mélange d’oxydes et d’hydroxydes de fer, avec Fe2Odominant), toujours légèrement poreuse,

–       Poursuite de l’oxydation en profondeur mais avec un apport en oxygène limité à cause de la croûte d’oxyde, d’où formation d’ions fer bivalents (Fe2+) et non trivalent comme précédemment (Fe3+), soit sous forme solide : oxyde pulvérulent jaune, soit liquide. Ici la couleur verte de la 3e photo correspond probablement au bien connu sulfate ferreux (FeSO4) utilisé en horticulture. 

–       Cette oxydation entraine une augmentation de volume : le liquide est repoussé vers l’extérieur  en suivant la première fissure qu’il trouve.

–       A l’extérieur, l’oxydation du fer reprend avec précipitation et dépôt d’une nouvelle pellicule de rouille… Cette croissance périphérique rappelle celle des disques de calcite des grottes. 

–       En présence d’acide sulfurique, même très peu concentré, le liquide sortant redissout en partie par l’intérieur la paroi de l’excroissance… avant de redéposer le fer oxydé à l’extérieur. La concrétion grandit ainsi progressivement et le creux intérieur suit le mouvement, d’où la structure de coquille.

 

2 réponses

  1. bonjour,
    je suis très intéressé par votre article sur les « bivalves », merci d’avoir publié !
    Je suis géologue, et je fais de la « spéléo minière » dans les Pyrénées (64, 65), et nous trouvons aussi de très nombreux bivalves de rouille, toujours liés à des contextes humides, dans diverses mines.

    Est-ce que vous auriez le contact de Michel Wienin, pour que je puisse discuter avec lui du thème de la genèse de ces concrétions ?

    en vous remerciant, salutations spéléo

    • Michel Wienin dit :

      On m’a signalé que ma réponse avait été mise en ligne et je me réjouis qu’elle serve.

      Voici mon contact : speleo [ad] wienin . com

      Amitiés spéléo.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *