TGRLIFRA 8 A 829
TGRLIFRA 8 A 829
La TGRLIFRA est la Très Grande Randonnée LIttorale FRAnçaise, une promenade pédestre de quelques milliers de kilomètres sur la côte manchoise puis atlantique, avec quelques particularités.
– le parcours suivi est préférentiellement et autant que possible, au plus près du flot, quel que soit le niveau de marée.
Bien entendu, il peut arriver que des structures artificielles interdisent tout passage pédestre, ou que la marée rende impossible un franchissement durant des heures.
Ou encore, qu’un arrêté municipal, préfectoral, voire ministériel déclare un passage illégal.
– le randonneur, la randonneuse, sont autonomes, sont donc indépendants de tout commerce, mais susceptibles de quémander de l’eau potable si aucune source ou fontaine n’est accessible durant leurs étapes. Bivouac systématique.
– L’impact écologique est réduit au maximum, donc pas deux véhicules pour les navettes…ouvertes à l’auto-stop ou transports en commun locaux, selon les cas
– Equipe de 1, 2, 3 ou 4 personnes au maximum.
– étapes calibrées à 25/30 km en moyenne, conditions rustiques, portage minimalisé.
Cette activité ne pouvant être menée en continu (estimation à 100 journées de la Belgique à l’Espagne) car nécessitant une trop importante disponibilité, elle est menée selon un séquençage chiffré, chaque séquence.
(Ici la huitième : 8 ) étant composée d’étapes lettrées… (Ici la première : A )
Les points kilométriques maritimes (PKM) sont comptés depuis la frontière belge, en suivant le trait de côte majeur.
Il peut donc y avoir des longueurs non parcourues à pied du fait d’obstacles incontournables. Les parcours pédestres sont comptabilisés en kilomètres effectifs, (PK) qui diffèrent régulièrement des PKM du fait d’incursions dans les terres ou dans les villes et villages.
Etape N°22 8 A : De Cap Lévi à Omonville la Rogue ( PKM 565 à 601 général)
La séquence N° 8 a ceci de particulier qu’elle se déroule en trois étapes séparées de quelques jours et non pas contiguës.
Intégrée dans un séjour estival personnel, elle est réalisée en solo.
Partant du fameux phare aux murailles concaves, le niveau de la mer ne permettra pas de s’approcher de l’eau de façon constante, il sera donc nécessaire de fouler le GR 223 quelque temps, GR qui, de toute façon suit de très près l’estran, dans son écrin coutumier d’ajoncs et de fougères. Je couvre ainsi très aisément le premier kilomètre qui mène au Fort Lévi, restauré, entretenu et voué désormais à des villégiatures touristiques et autres séminaires.
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On peut en visiter librement la vaste cour intérieure et apprécier la pose d’une vitre géante dans l’embrasure de l’ex-portail septentrional, conservant la vue sur la mer, ou encore accéder au fâite du mur d’enceinte à 16 m d’altitude et embrasser l’immensité visible…mais ne pas rêver voir les côtes anglaises qui sont ici distantes de 100 kilomètres environ !
En effet, la distance visible de l’horizon, si la planète est supposée parfaitement sphérique et sans atmosphère influant sur la trajectoire des rayons lumineux, se calcule par d= racine carrée de (2Rh+h2), où R est le rayon terrestre (≈6371 km) et h la hauteur des yeux de l’observateur.
Au sommet des murailles du Vieux Fort, ça livre un secteur d’à peu près 14 km sur 110°, angle visuel allant du Cap Lévi au Fort de Querqueville, une sacrée position stratégique donc ! PK 00,95
Mais l’heure n’est pas à la contemplation durable, car l’étape est prévue longue avec un retour en auto-stop a priori peu commode.
Je dois encore poursuivre sur le GR jusqu’à atteindre le petit port du Cap Lévi, longer ce dernier avec son incroyable jungle de lignes d’amarrage en va-et-vient pour garder les bateaux à flot. C’est au PK , 01, 70 que je peux remettre le pied sur l’estran inférieur, à la limite de la longue digue.
On trouve là un parcours rocheux aux formes arrondies, peu difficile, avec des plantes sauvages fleuries mêlées à des cultivars échappés des propriétés. Un court intermède arénitique est offert pas l’Anse du Pied Sablon au PK 02,25, pour repartir vers la Pointe du Brûlé dans des rocs un peu plus chaotiques, puis jusqu’à l’Anse du Brick au PK 04,10.
On ne peut s’empêcher d’imaginer des bricks de corsaires flottant là !
Avant de parvenir au coeur de cette dernière, je constate l’édification désastreuse de plusieurs défenses contre la mer d’une indiscutable laideur, sans doute efficaces, mais qui auraient pu être réalisées avec des matériaux et une technique propres à mieux les intégrer au paysage.
L’Anse du Brick est connue par les géologues pour être le site d’une accumulation de plages perchées d’époque éémienne ( environ 120 à 150 000 ans avant le présent) surmontée d’un « head » géologique, c’est à dire une strate de solifluxion composée de blocs et cailloutis agglomérés, très vulnérable à l’érosion.
Ce site est témoin d’une époque géologique interglaciaire, les spécialistes estiment que la température de la mer y était de 2°C au-dessus de l’actuelle, et celle du climat terrestre annuel supérieur de 10°C en moyenne…ce qui est énorme !
Elle recèle par ailleurs une formation granitique formant la Pointe, qui a été exploitée.
Je reprends l’estran rocheux puis remonte momentanément de quelques mètres pour voir la casemate octogonale de la Pointe PK 03,80.
Revenu auprès du flot, je me heurte rapidement à une échancrure rocheuse très étonnante pour n’être que naturelle, qui me contraint à remonter à la petite route touristique au PK 05,10.
Mais cet obstacle aura l’avantage de me conduire face à un ancien tunnel militaire dévolu à l’hébergement de Chauves-souris, barré d’énormes tuyaux d’acier d’une part et muré de l’autre pour éviter les courants d’air. En face, une casemate ornementée d’une peinture moderniste… et il faut repartir en longeant la D 116. (Route des Deux Anses).
Je la quitte dès que possible au PK 05,35 par un bon sentier qui n’est plus le GR 223 partant ici dans les terres vers Maupertus.
Au lieu de retourner à l’estran par une sente raide, je me maintiens sur ce joli sentier qui circule au bas d’une série de parcelles à usage agricole, et y côtoie moutons, chêvres, en longeant des haies de ronces couvertes de mûres !
Après 500 m, une trouée à pente favorable me permet de revenir auprès du flot avec des rochers en strates dressées qui impliquent de bien faire attention où l’on pose les pieds, torsions de chevilles potentielles à la clé !
Une succession de plagettes et de caillasses en retrait d’une berge en basses falaises précède la plage de Bretteville.
La descente de mise à flot marque le PK 07,50.
Le contournement du Fort de Bretteville sur la Pointe du Heu demande un peu d’efforts…c’est très rocheux !
J’atteins alors le débouché en cascatelle du Ruisseau du Pas Vastel, au creux de l’Anse du Moulin PK 08,60 (Saint-Germain).
La suite se développe d’abord sur des roches en dalles claires faiblement inclinées aux formes rotondes, très curieuses, puis, vers la Roche Toinette, des dalles bien plus anguleuses et sombres, pour arriver au Port du Becquet et son bassin tout en longueur (300 m x 50 m).
Etant à marée basse, tous les bateaux sont au sol ou sur béquilles, car on a là un port d’échouage.
PK 10,20. Je croise alors la « crustacerie » du Bécquet, et sa façade décorée, spécialisée en élevage de crustacés, donc !
Ce sont à présent les 2500 m de la plage Collignon qui permettent d’atteindre la limite praticable à pied de l’Estran cherbourgeois, en croisant à mi-parcours la digue du Fort de l’Île Pelée, digue de 2 kilomètres ! (dotée d’une passe quand même !).
Je suis alors au bord du port des Flamands, PK 12,70 où un grand escalier remonte sous la grande rocade à deux chaussées dite « Barreau des Flamands », qu’on traverse par en-dessous puis longe jusqu’à un rond-point de la Pyrotechnie PK 17,20.
De là, c’est une longue marche sur les trottoirs de boulevards maritimes longeant des entreprises dont une entretenant des vedettes et croiseurs militaires. On arrive au rond-point de Minerve et sa statue fleurie, PK 19,10, puis au passage obligé du Pont Tournant, PK 19,60.
On passe alors près du monument du Colonel napoléonien De Bricqueville (mort en 1844, à 59 ans après de multiples blessures graves dont un coup de sabre lui ayant fendu le crâne en 1815 mais dont il n’est pas mort cette année-là !), puis la statue équestre de Napoléon Bonaparte lui-même, pour ateindre le site de l’abbaye ruinée du Voeu, au PK 21,60.
Bâtiment du XIIe siècle, maintes fois attaqué, partiuellement détruit, reconstruit, agrandi, modifié…en partie restauré et valorisé depuis 1913, classé MH en 2002, mais seulement protégé de dégradations, faute de fonds énormes qu’exigerait une restauration significative.
Après un petit pique-nique dans l’espace vert justement créé pour la valorisation de proximité de ce site historique, PK 22,70, il faut repartir au long de la grande piste de voie partagée jusqu’au rond-point de Querqueville où l’on peut à nouveau redescendre sur l’estran, face au Fort de l’Ouest, au fort de Querqueville et celui de Chavagnac. PK 26,00.
Un parcours de 1900 m dont 700 m le long de douves très impressionnantes surmontées de remparts coiffés de rouleaux de barbelés à lames conduit au blockhaus de la Dame Blanche PK 27,90.
Ces fortifications de défense cernent le Fort de Querqueville…ce fort, construit sous Louis VVI, remanié, censé abriter 53 canons qui ne serviront pas, revendu pour une misère (50 000 euros) à des investisseurs en 2013, sur fond de promesses culturelles diverses, (alors qu’il était estimé à 600 000 euros !) sera racheté à 10 fois plus cher par un hôtelier parisien en 2017…
La suite alterne un estran rocheux schisteux fort irrégulier et des plagettes jusqu’au petit fort de Nacqueville (XVIIIe siècle) devenu pôle nautique. PK 31,00.
Cette limite côtière comporte un secteur de défense contre la mer à base de grande plaques de béton coulé, en voie de destruction, et des tonnes de tronçons de poteaux de déton armé type EDF, particulièrement « moches »… quand on pense aux tracas causés aux particuliers désireux d’enrocher leurs rives exposées au seul motif que la roche utilisée n’est pas exactement celle du sous-sol où ils résident…
Débute alors la grande plage de Urville-Nacqueville, forte de ses trois kilomètres, et qui héberge de nombreuses activités et animations nautiques…mais ce jour-là, les « clients » étaient fort rares, les équipements divers de tous types restant sur les chariots !
On y aperçoit aussi de petites maisonnettes de plages alignées, en retrait.
Deux petits ruisseaux sont à franchir, la Biale et le Caudar, sans aucune difficulté, avant de toucher l’embarcadère des Moignes.
Ce dernier précède deux très gros blockhaus fortement basculés, environ 300 mètres avant la fin de plage, qui sont à 20 ou 30 mètres de leurs lieux d’implantation voici 80 ans, témoins d’un évident recul du trait de côte !
On quite la plage au PK 34,00.
La suite, qui doit mener à Omonville-La-Rogue, est à 95% rocheuse sur près de 7 km à finir, et, malheureusement, le temps a bien passé et c’est déjà la mi-marée remontante bien avancée…
J’attaque malgré tout cette progression, et franchis le ruisseau du Hubiland ( moins de 4 km de cours, nom d’origine Viking), pour un parcours assez sportif dans des rochers escarpés. Malheureusement, malgré plusieurs crans franchis, je bute sur une « faille » infranchissable sans passer à la natation répétée sur des hectomètres de côte cisaillée, et cela d’autant plus que le niveau de la mer s’élève notoirement.
C’est donc face au Trou de Sainte Colombe (ça ne s’invente pas ici !) que je dois tourner bride.
J’avais précédemment longé quelques propriétés privées sutiées en hauteur dont une dotée d’un bel escalier à flanc de falaise, et la chance ne fait croiser un pêcheur venant de s’installer, justement propriétaire de cet escalier !
Et qui, en toute confiance m’autorise à l’emprunter et traverser sa propriété (sans personne pour m’y surveiller) et sans dogue allemand en liberté (plaisanterie échangée avec lui avant de me lancer !), m’évitant ainsi un kilomètre supplémentaire à boucler. PK 36,00.
Ceci m’amène dans la rue des Douanes puis à un petit parking de panorama doté de toilettes publiques…avec eau potable !
Je fais le plein d’eau, car la journée est loin d’être terminée …
Ces toilettes ont été décorées de très nombreux dessins d’enfants et adolescents, mais cadrés, sur les thèmes locaux, essentiellement marins.
La rue permet de rapidement se reconnecter au GR 226 dit Sentier du Littoral.
Il n’y a pas d’autre choix que de l’arpenter, et 3500 m me conduisent au Mur Blanc (Holtermann) construit en 1887, à usage d’amer et de jalon. Ce jalon est associé à la racine de digue de Querqueville, (ou son fort) distante de 9300 m, soit 5 miles nautiques.
Il permettait d’estimer la vitesse de déplacement des navires entre ces deux points.
Je suis au PK 39,60 !
Encore 1200 m pour atteindre la seule jonction possible avec la D 45 « auto-stoppable », je ne pousserai pas jusqu’à Omeville car je pressens un retour qui sera long, et l’heure optimale pour lever le pouce ne doit pas être dépassée.
Au PK 40,80, la promenade littorale s’arrête, et sera complétée par 2 km de cheminement sur petite route déserte poura atteindre la départementale visée.
C’est donc avec 43 km dans les chaussures que le premier « point de stop » est testé…avec succès car il faudra moins de 10 minutes pour être embarqué jusqu’à Cherbourg ( Abbaye du Voeu) par un aimable jeune couple.
Là, je sens que ça pourrait être complexe, car il est difficile de se placer sur cette voie rapide urbaine, pas ou peu d’arrêt de voiture possible.
Après une tentative infructueuse juste après un feu tricolore, je prends le parti de marcher…ça risque de durer 6 km au moins pour atteindre une départementale extra-urbaine utilisable par un auto-stoppeur… règlementation routière obligeant.
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Un bon kilomètre plus tard, une rencontre de trottoir fortuite avec un second jeune couple m’amène à demander l’heure, puis conseil pour m’orienter, puis un message téléphonique offert pour rassurer la famille (il est déjà 20 heures)…et finalement je me vois offrir le déplacement juqu’à la sortie de ville, tout près d’un emplacement idéal…comme quoi il existe encore une solidarité, même intergénérationnelle !
De là, une sympathique dame et sa fille m’accueilleront après seulement cinq minutes d’attente, pour me déposer à Saint-Pierre-Eglise.
Il ne reste que quelques kilomètres a faire à pied si nécessaire, mais j’en ferai à peine un avant qu’un couple de retraités, probablement octogénaires, ne me propose non seulement de m’amener au village de Fermanville, mais de me conduire à ma voiture même, soit au phare du Cap Lévi ! Presque inespéré !
Vers 21 heures 15, il n’y a plus qu’à rentrer « à la maison », soit un peu avant 22 heures, 45 km dans les pattes !
Bonne petite journée de 14 heures d’activité quasi-continue, de quoi s’endormir assez vite…
Bleu = parcours pédestre littoral vert = retour stop N°1 noir = retour stop N°2 rouge = retour stop N°3 Rose = retour stop N°4.
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