TGRLIFRA 6 C 800
TGRLIFRA 6 C 800
La TGRLIFRA est la Très Grande Randonnée LIttorale FRAnçaise, une promenade pédestre de quelques milliers de kilomètres sur la côte manchoise puis atlantique, avec quelques particularités…
– le parcours suivi est préférentiellement et autant que possible, au plus près du flot, quel que soit le niveau de marée.
Bien entendu, il peut arriver que des structures artificielles interdisent tout passage pédestre, que la maréerende impossible un franchissement durant des heures, ou qu’un arrêté municipal, préfectoral, voire ministériel déclare un passage illégal.
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– le randonneur, la randonneuse, sont autonomes, sont donc indépendants de tout commerce, mais susceptibles de quémander de l’eau potable si aucune source ou fontaine n’est accessible durant leurs étapes. Bivouac systématique.
– L’impact écologique est réduit au maximum, donc pas deux véhicules pour les navettes…ouvertes à l’auto-stop ou transports en commun locaux, selon les cas
– Equipe de 1, 2, 3 ou 4 personnes au maximum.
– étapes calibrées à 25/30 km en moyenne, conditions rustiques, portage minimalisé.
Cette activité ne pouvant être menée en continu (estimation à 100 journées de la Belgique à l’Espagne) car nécessitant une trop importante disponibilité, elle est menée selon un séquençage chiffré, chaque séquence.
(Ici la cinquième: 6 ) étant composée d’étapes lettrées… (Ici la troisième : C )
Les points kilométriques maritimes (PKM) sont comptés depuis la frontière belge, en suivant le trait de côte majeur.
Il peut donc y avoir des longueurs non parcourues à pied du fait d’obstacles incontournables. Les parcours pédestres sont comptabilisés en kilomètres effectifs, (PK) qui diffèrent régulièrement des PKM du fait d’incursions dans les terres ou dans les villes et villages.
Etape 6C : le Havre à Honfleur ( PKM 437 à PKM 469 général)
Réveil campagnard paisible en pleins champs, avec le spectacle rare de la longue course d’un chevreuil, certainement très surpris par la soudaine irruption d’êtres humains là où il n’y en a jamais d’ordinaire !
Petit déjeuner et rangement, réorganisation de l’équipe et du déplacement car de grosses vilaines ampoules confluentes ont eu raison de la forte volonté de la victime… nous ne serons donc plus que trois à marcher pour ce dernier jour. Dommage !
Mais, de ce fait, la voiture va pouvoir suivre les marcheurs par petits sauts routiers, ce qui va offrir le grand avantage de ne pas avoir à retourner la chercher en auto-stop et à faire la navette du soir… soit environ deux heures de gain, voire davantage.
A quelque chose malheur sera donc bon…
Les pieds atteints le sont tellement qu’il sera opportun de porter des baskets avec trois pointures au-dessus, limitant ainsi les douleurs pour la conduite et de petits déplacements aux étapes dans l’étape !!!
Le démarrage de terrain sera donc un peu tardif, et s’effectuera à la limite de Luc-sur-Mer.
On a 8 km de plage agrémentée d’îlots rocheux tous contournables, mais semés d’épis artificiels qui transforment le trajet en un parcours d’obstacles, dans un style » 8000 mètres-haies »…on en comptera en effet plus de 40 !
Espacés de 50 à 200 m, ils ont l’intérêt de diversifier la progression, de rompre une certaine monotonie. Comme il est très facile de s’en écarter pour marcher sur le GR 223 qui reste constamment parallèle à quelques mètres du haut de plage, on peut jouer sur les deux tableaux et bénéficier alternativement de paysages distincts.
On passe ainsi Saint-Aubin (PK 02,50), Bernières (PK 05,50) pour atteindre le grand ponton de Courseulles au PK 08,40.
Là, nous avons la bonne surprise de découvrir une fête de village thématisée, beaucoup de véhicules anciens étant réunis pour une exposition automobile « rétro » avant un grand défilé.
Nous profitons donc de cette distraction, en louvoyant entre des dizaines de voitures parfois très anciennes, tantôt luxueuses, tantôt modestes, de la berline familiale classique au véhicule tout-terrain militaire en passant par le coupé sport ou l’ambulance ! Le tout dans une ambiance populaire détendue, souriante, chaque propriétaire de modèle exposé conversant allègrement avec les visiteurs… dont certains connaisseurs et même complices…
Nous poursuivons par les quais, jour du Marché poissonnier, et ratons de peu le pont tournant du Maréchal Foch…
Bien que le contournement du bassin ne coûte que 700 m, nous attendons le quart d’heure nécessaire à sa remise en fonction, ce qui permettra à un petit gourmand d’aller s’offrir un sandwich de luxe pour le déjeuner à venir.
Le passage rétabli, on poursuit dans Courseulles-sur-Mer par le bassin à flot et la ferme ostréicole pour franchir la Seulles et retrouver la plage dominée par une grande croix de Lorraine en acier inoxydable, et fouler « Gold Beach » qui va nous mener à Arromanches.
On est au PK 09,80.
Et on retrouve ici une belle collection d’épis… 80 au moins, pour rallier la « promenade » d’Asnelles.
Des pêcheurs regroupés regretteront le passage d’un phoque chasseur qui aura « vidé » la mer des gros poissons sur une large étendue, en faisant fuir tout ce qui nage !
Là encore, un bon sentier longe fidèlement le trait de côte, à faible hauteur, et on peut soit l’emprunter en permanence, soit jouer à saute-mouton avec les épis (grands moutons quand même !) soit rester sur le sable dur si la mer est suffisamment retirée.
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En l’occurrence elle ne l’est pas !
Sur ce parcours, on trouvera (hélas) un jeune dauphin mort.
Point de pique-nique dès Asnelles, et comme c’est à la limite du grand marais, on n’échappera pas aux petits insectes volants qui pullulent…et qui aiment beaucoup le jaune de la polaire d’un d’entre nous ! PK 17,90
Pour le sourire, le ruisseau alimentant ce marais se nomme « Roulecrotte »…
Ce temps de repos vécu en équipe reconstituée, il va falloir passer au dernier segment de la séquence N°6, prévu « sportif » dès sa préparation à domicile, le gentil site Géoportail révélant déjà pas mal de choses…
Au programme, 4 km de plage pour la mise en jambes suivis de plus de 9 km de rocher(s) plus ou moins couverts d’algues.
Le coefficient de marée à 70, et repartant après l’étale de haute mer, mer calme, on se sait déjà tranquilles quant au franchissement réalisable, mais ce sera effectivement « sportif » !
On attaque l’affaire au PK 22,10, par un platier à reliefs, rapidement couvert de goémon lequel dissimule de nombreuses anfractuosités pleine d’eau, les chaussures seront alors définitivement trempées.
Pour éviter de trop mauvaises torsions aux chevilles, voire aux genoux, on se rapproche du pied de falaise, juste pour franchir cette grande zone algaire, où un amoncellement très épais rend la progression hasardeuse.
On peut en effet s’enfoncer de près de 50 cm par endroits, ce qui est peu agréable dans cette masse un peu gluante, mais surtout risquer de s’encastrer une jambe dans un vide masqué et se faire très mal !
Bien que d’une quarantaine de mètres seulement (comparé à la côte d’opale, plus de 100 m) et globalement un peu moins verticales, ces falaises n’inspirent pas confiance, la roche étant plutôt fragmentée, et on va limiter au maximum leur immédiate proximité.
A leur base, en s’appuyant pour se stabiliser, on a un agréable contact avec les algues vertes (entéromorphes) qui créent une moquette humide. Des « banquettes » verdoyantes sont ainsi développées, avec de petites « pissettes » d’eau douce de résurgence donnant lieu au développement de grandes tapisseries de mousses.
Revenus aux platiers, on va désormais naviguer sur plusieurs niveaux, la marée n’étant encore que peu descendante, entre zones algaires, zones de rochers épars, zones de blocs serrés, zones de galets stabilisés, zone de talus de galets roulants…et parfois zones sableuses.
Plus complexes et piégeux sont les éboulis plus ou moins récents, mal stabilisés où il faut se montrer très prudent…
On avance, on avance…et une petite pluie vient troubler l’affaire, rendant les rochers lisses plus glissants, mais elle ne durera que peu de temps.
Dans une partie de côte formant une petite baie, de nombreux objets flottants ont été rejetés, dont balles et ballons, bidons de plastique, bouées, et…un gilet flotteur qui nous rappelle ceux des migrants du nord français.
Durant quelques kilomètres, nous sautillons de roc en roc, avec toute la concentration nécessaire pour éviter absolument de chuter, car ce serait certainement très traumatisant !
Durant tout ce trajet, nous n’aurons vu strictement personne, tant au sol que sur mer ou dans les airs !
On peut prendre la mesure de la désertitude avec le recul de la mer, le silence, et l’aspect ruiniforme de la côte.
Port-en Bessin se profilant dans le lointain, on marque une courte pause.
On sait que le final sera moins difficile, car la mer descendant maintenant rapidement, bientôt à mi-marée, découvre de plus en plus de platiers différents, dont des strates entières, infiniment plus stables et faciles à parcourir…encore que celles de marnes grises restent dangereuses si elles sont mouillées et que le pied n’y est pas posé bien à plat !
De même devons-nous éviter les couches superposées de fucus qui forment de véritables « peau de banane » !
La mer ayant maintenant mis au jour les platiers « récifaux », et n’étant plus qu’à un kilomètre de la jetée finale, on va s’offrir quelques huîtres de rocher, bien fraîches, moyennant un peu de patience pour les ouvrir sur place grâce à une petite lame d’acier trempé « tous usages »…elles s’avèreront délicieuses selon les connaisseurs présents.
Respectueux de l’écosystème local, on se limitera à une douzaine… d’autant qu’elles ne se consomment pas aussi confortablement qu’au restaurant…la plupart étant conformées au substrat rocheux, donc à peine creuses, et n’en étant pas détachables aisément.
C’est vers 17h30 que l’on atteindra Port-en Bessin, pour découvrir, à l’aplomb de la Tour Vauban, une rangée de grilles et une affichette d’interdiction d’accéder « à la plage » pour cause de « risque d’éboulement ».
Intéressant de l’apprendre alors qu’on y est depuis des heures, en toute ignorance (de l’arrêté municipal, mais pas ignorants des risques !).
Nous sautons donc la barrière pour sortir de la zone interdite !
L’interdiction parle de la « plage », alors que cette dernière, prise au sens touristique est très circoncrite, et ne se trouve aucunement sous des falaises !!!
Quant à la « grève » ou aux platiers, (qui forment une plage au sens large), ils peuvent s’étendre sur des centaines de mètres à marée basse, et donc ne présenter aucun danger quant aux éboulements pour peu qu’on se tienne à bonne distance de ces falaises (disons 100 mètres pour être très prudent, car 60 m suffiraient déjà très largement.)
Bref…arrêté pris dans l’immédiateté d’un éboulement datant de février, sans doute plein de bonne volonté protectrice … et dont le libellé est devenu évidemment excessif 3 mois plus tard.
Qui plus est, affichage inefficace pour toute personne évoluant sur l’estran à marée basse ou sur la mer dans une embarcation ou autre engin flottant qui ne l’aura pas fait passer par un quai de ville !
Enfin, tournure absolutiste, protégeant le Maire quant à ses responsabilités certes, mais déresponsabilisant les citoyen(ne)s, plutôt qu’une formulation « aux risques et périls » suivant une bonne information quant aux dangers particuliers et aux comportements à adopter en conséquence.
Ci-après un extrait de document de la DDTM : (pour la construction d’immeuble, ici adapté au sujet de la randonnée)
En l’absence d’étude particulière, le risque lié à la propagation des blocs de pierre se détachant du flanc des falaises (détachement de blocs de taille modeste) peut être estimé au moyen d’abaques, tenant compte
essentiellement de la hauteur des falaises. Celui-ci se rapporte à la zone d’effondrement des plus gros rochers, à laquelle s’ajoute la zone de projection des blocs. Cette distance, fournie par le CETE, peut être estimée à une
fois et demie la hauteur de la falaise, mesurée depuis le pied de falaise. Si la falaise ne présente pas d’affleurement, mais s’avère déjà végétalisée et de pente inférieure à 50 % sans décrochement, alors on peut estimer n’être qu’en zone de glissement de blocs, sans effondrement.
Une zone interdite n’est donc pas à systématiser dans ce cas, dans la mesure ou la stabilité de la falaise a pu être justifiée.
Dans le cas présent, une interdiction portant sur une bande de 60 à 80 m suffirait donc largement, plutôt qu’affoler toute une population locale et dissuader une population de toutistes potentiels par une interdiction d’accès à la « plage »…
Ce terme n’étant pas défini avec précision, on se réfère au sens le plus large « Les plages sont des terrains en bord de mer recouverts, par intermittence, totalement ou partiellement, par les flots », ce qui, finalement est presque synonyme d’estran…
De ce fait, interdire un accès à « la plage », revient à interdire complètement tout accès aux étages médio-littoral et infra-littoral en plus du supra-littoral qui devrait être ici le seul concerné!!!
Il est inquiétant et regrettable que des maires (voire préfets) prennent des arrêtés aussi généralistes pour se « couvrir » alors que pour réellement « protéger » les usagers de l’estran, il suffirait de limiter ces interdictions aux seules zones objectivement exposées au risque. Et d’utiliser la notion de « aux risques et périls », responsabilisant ainsi les adultes.
On s’approche alors dangereusement, non de la falaise, mais de l’excès de pouvoir…
Cette étape de plus de 32 km porte le total de la séquence N° 6 à 101 km marchés (pour 82 PKM environ)
Bleu : parcours littoral Il n’y a pas eu de retour, car voiture en parallèle. (D 514)
Quelques lignes sur le port artificiel d’Arromanches ( https://archeologie.culture.gouv.fr/epaves-debarquement/fr/le-cas-du-port-artificiel-au-large-darromanches) :
Le port artificiel Mulberry B (B pour British, car il était destiné au débarquement de troupes et équipements anglais), est mis en place dès le soir du 6 juin 1944, à partir d’éléments fabriqués en Grande-Bretagne et remorqués jusqu’aux communes de Manvieux à Asnelles. Il est en service du 18 juin au 19 novembre 1944.
L’abri du port est formé par 24 brise-lames flottants (les Bombardons) et par des digues constituées de 18 blockships et de 115 caissons flottants en béton armé (dits Phoenix). À l’intérieur du port, trois quais sur vérins (plateformes Loebnitz), allongés de pontons en béton, sont reliés à la côte par quatre routes flottantes (Whales).
Dès 1945, l’Amirauté britannique entreprend le démantèlement du port et des passerelles métalliques sont réemployées en divers lieux d’Europe pour compenser la destruction de ponts durant le conflit.
Pour en savoir encore plus quant à ce fantastique exploit technique (par temps de guerre, qui plus est !) :
https://www.arromanches360.fr/le-lieu/le-port-artificiel/