TGRLIFRA 8 C 831

TGRLIFRA 8 C 831

2 septembre 2025 Non classé 0

 

 

TGRLIFRA    8 C        831

 

La TGRLIFRA  est la Très Grande Randonnée LIttorale FRAnçaise, une promenade pédestre de quelques milliers de kilomètres sur la côte manchoise puis atlantique, avec quelques particularités…

 

 

 

– le parcours suivi est préférentiellement et autant que possible, au plus près du flot, quel que soit le niveau de marée.
Bien entendu, il peut arriver que des structures artificielles interdisent tout passage pédestre, ou que la marée rende impossible un franchissement durant des heures.

 

 

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Ou encore, qu’un arrêté municipal, préfectoral, voire ministériel déclare un passage illégal.

– le randonneur, la randonneuse, sont autonomes,  sont donc indépendants de tout commerce, mais susceptibles de quémander de l’eau potable si aucune source ou fontaine n’est accessible durant leurs étapes. Bivouac systématique.

– L’impact écologique est réduit au maximum, donc pas deux véhicules pour les navettes…ouvertes à l’auto-stop ou transports en commun locaux, selon les cas
– Equipe de 1, 2, 3 ou 4 personnes au maximum.

– étapes calibrées à 25/35 km en moyenne, conditions rustiques, portage minimalisé.

 

 

 

Cette activité ne pouvant être menée en continu (estimation à 100 journées de la Belgique à l’Espagne) car nécessitant une trop importante disponibilité, elle est menée selon un séquençage chiffré, chaque séquence.
(Ici la huitième : 8 ) étant composée d’étapes lettrées… (Ici la troisième : C )

 

 

Les points kilométriques maritimes (PKM) sont comptés depuis la frontière belge, en suivant le trait de côte majeur. Il peut donc y avoir des longueurs non parcourues à pied du fait d’obstacles incontournables. Les parcours pédestres sont en kilomètres effectifs, (PK) qui diffèrent régulièrement des PKM du fait d’incursions dans les terres ou dans les villes et villages.

 

Etape N° 24     8 C  : De Diélette  à   Portbail  ( PKM  639  à   PKM    671   général) 

La séquence N° 8 a ceci de particulier qu’elle se déroule en trois étapes séparées de quelques jours et non pas contiguës.
Intégrée dans un séjour estival personnel, elle est réalisée en solo pour la partie pédestre.

 

 

 

Le démarrage pédestre a lieu vers 8 heures. La journée est prévue assez longue, donc intégrant au moins une marée haute. Il y aura donc peut-être des passages obligés hors estran.
Je commence avec un peu de brume sur la digue de Diélette, et il me faut déjà contourner la centrale électrique de Flamanville, ses horribles clôtures hérissée de barbelés, soit près de 3 km sur le trottoir…donnant à voir les falaises taillées dans des schistes sombres, une centrale de 1974 qui fit couler beaucoup d’encre et de salive voire un peu de sang, à la fois contre le « tout nucléaire » et contre l’atteinte à l’environnement et au paysage. 50 ans déjà, et un roman qui retrace les événements d’époque : « Les falaises de Flamanville » par Jérôme Lefilliatre (Mai 2023)

Dès que possible, je m’engage dans un gros chemin qui descend et s’arrête très vite sur un petit parking.

 

 

Il en part deux sentiers, l’un qui dévale vers la mer mais amène à constater immédiatement que l’estran est absolument inaccessible hors marée basse, l’autre qui est balisé GR 223 et s’élève dans les hautes fougères. PK 02,80.
Passage obligé donc.

 

 

Chemin désert à cette heure et par temps brumeux, je rase le restaurant isolé du Dolmen de la Pierre au Rey, « Le Sémaphore » qui culmine à 90 m quand même ! Mais il n’y a pas de sémaphore…
Plusieurs points de vue sur la mer confirment une impossibilité de suivre la côte au pied des falaises, il faudrait attendre plusieurs heures pour cela, et il n’y a de toute façon que très peu d’accès envisageable en partant du haut. Je me contente de la végétation fleurie et de quelques mûres à glaner !

 

Parvenu à une ex-carrière convertie en atelier de sculpture, quelques oeuvres sont exposées. PK 05,00. Il me faudra encore patienter durant 500 m pour enfin marcher sur une petite grève suivi d’un peu de rochers où il faut marcher vraiment tout en haut.

 

 

Je suis au Havre Jouan, PK 05,50. Une belle hampe florale d’agave trône ici…elle signe aussi la mort de la plante, à la floraison unique et fatale !
De là, les 4500 m de la plage de l’Anse du Sciotot m’attendent…Sciotot, encore un toponyme d’inspiration viking ! (« Tot » pour « lieu construit, lieu habité »).

 

 

A-demi dans la brume, je serai néanmoins accompagné de loin par quelques courageux (aucune courageuse…) en planche à voile, kite-surf ou wing-foil, dont un as de la voltige, d’ailleurs suivis par plusieurs photographes armés d’appareils et télé-objectifs.
J’atteins maintenant l’amorce du Cap du Rozel, la mer suffisamment basse pour passer, a priori.

 

 

Las ! Tout est en schiste plus ou moins pentu, praticable avec un peu d’attention et de technique mais tout ce qui est mouillé est très sérieusement glissant. Et mes chaussures de marche sont un modèle dont la semelle n’a pas d’accroche dans ces conditions. Evidemment, plus on est bas et plus les roches sont colonisées par des lichens et des algues, ce qui n’arrange rien.

 

Bon gré, mal gré, je progresse, plus souvent à trois ou quatre pattes que debout, jusqu’à rencontrer une grosse fracture perpendiculaire aux strates, formant une crevasse très sombre. PK 10,00
Sa forme m’amène à décider de pique-niquer pour laisser un temps de descente du flot, il y a du vent, de la houle, des vagues très agitées.
En effet, un peu plus bas, la fracture se resserre un peu et est franchissable en opposition, quitte à être bien éclaboussé.
Je m’y hasarde, sachant qu’en cas de glissade d’un pied, ce sera le bouillon, à moitié coincé entre les parois et balloté, submergé, roulé par le flux et le reflux, très mauvaise perspective !
La suite, toute en dalles inclinées, mouillées, m’amène hélas à un second cran du même type, bien trop large cette fois et je ne veux pas attendre encore au moins une heure… donc, marche arrière !

 

 

Et à nouveau ce passage périlleux, mais un peu plus commode à la remontée.
Je rebrousse chemin sur 500 m pour dénicher un sentier opportuniste en limite de dune, qui m’amènera au GR, pas très loin. PK 10,60.

Ce petit morceau de GR ne durera que le temps de passer le cap, avec quelques belles vues, et l’observation de la Madone du Rozel, statue de l’Etoile de la Mer, installée à 46 m d’altitude, statue du milieu XXe siècle construite par l’Abbé Leblond et des pêcheurs, pour protéger les marins des naufrages.  PK 11,00.

Le chemin dépasse l’épaule du Rozel puis s’infléchit et je le quitte dès que possible pour redescendre à la plage, ce qui m’amène à découvrir un vaste chantier au coeur du head et de la grande dune du Rozel, site historique identifié depuis bientôt 60 ans !
Occupé de manière régulière par l’Homme de Néandertal, il y a 80 000 ans. Subsistent des vestiges mobiliers (os, charbons, silex et quartz taillés) et des structures (amas de débitage d’éclats, concentrations de restes osseux de carcasses animales, foyers), mais aussi les empreintes de ces Hommes, qui livrent de précieuses informations à la fois sur la constitution des groupes, leurs modes de vie, et sur l’évolution des sols. À l’échelle mondiale, une dizaine d’empreintes de Néandertal seulement ont été relevées, d’où l’importance que revêt ce site archéologique.
Pour nos lectrices et lecteurs avides de connaissances, un lien à copier-coller :
https://www.culture.gouv.fr/fr/regions/drac-normandie/Dossiers/ressources/Le-site-du-Rozel-site-archeologique-d-interet-national

 

Ce jour-là, une bonne trentaine de personnes s’affairait entre de multiples boudins de sable en polyéthylène noir stabilisant une immense couverture de gépotextile blanc et diverses installations…une fourmilière archéologique ! PK 11,70.
C’est à présent que se profile le gros morceau du jour : l’immense plage de Surtainville et Hatainville…d’autant plus immense que quasiment déserte car, passé Surtainville, il n’y a aucun village côtier.
Entre la mer et ses rouleaux écumants et les 9 km de massif dunaire où une unique table d’orientation et un blockhaus marquent une occupation humaine, il n’y a plus qu’à marcher, ce que je vais faire pieds nus, chaussures à la main, pour mon plus grand bonheur (et celui de mes pieds !). 

 

 

Après une heure et demie de cet ermitage au soleil maintenant réapparu sans discontinuité, avec la casquette saharienne bienvenue, le vol des oiseaux et une myriade de coquillages épars en tapis déroulé, je viens m’asseoir sur les premiers rochers rencontrés, pour me rechausser.
J’en suis au PK 23,15.

 

 

Cette fois, le cap de Carteret, surmonté de son grand phare, sera contournable, la marée descendante étant bien entamée, et c’est un joli décor qui s’offre, composé de plagettes d’un sable aussi fin que blond habillant des rochers lités presque noirs en blocs isolés ou formant des corridors avec des flaques d’eau de mer cristalline abritant des jardinets marins.

 

La progression y est facile, bien que contournée, et je ne tarde pas à déboucher sur une nouvelle plage puis à gagner le pied de la digue du havre de Carteret au PK 24,60
Dans ce bout de plage sont à moitié enfouis de gros plots de béton fixant de fortes accroches métalliques…dont je ne saurai pas quel en fut l’usage, mais que j’ai supposé être les fondations des câbles anti-recul des canons allemands qui furent établis sur cette plage. (???).
En haut de plage, sur un grand enrochement, c’est une cinquantaine de petit cabanons colorés qui forment une guirlande d’un certain charme, remplaçant leurs « ancêtres », les cabines de plage peu à peu anarchiquement installées depuis la fin du XIXe siècle et presque toutes détruites par des tempêtes en 1970.

N’ayant pas du tout l’intention de m’insérer dans la ville pour un contournement du havre de 5 km au lieu d’un « tout-droit » de 1 km, je décide de traverser la rivière (fleuve côtier, en fait) La Gerfleur, de plus de 10 km de cours et qui débite en moyenne 1/2 m3 à la seconde quand même ! 
Evidemment tout dépend du moment où l’on passe et du débit relâché ou non par une porte de flot de 20 m de largeur situé en amont.

 

Présentement, la traversée n’était pas impressionnante, environ 30 m sans voir plus de 30 cm de fond, et comme je me sais pas très loin de la fin du voyage, je n’enlèverai pas mes chaussures (ce qui est parfois prudent, le lit d’un fleuve côtier, juste après un port, pouvant receler des objets dangereux pour les pieds !). Marcher pieds mouillés n’étant pas un gros problème si ça ne dure pas très longtemps.
Cette petite opération réalisée sous l’oeil étonné de quelques badauds perchés sur la digue, je m’offre une belle longueur sur le vaste platier de schistes et calcaires du Cambrien (500 millions d’années environ), avec des formations stromatolithiques au plus bas accessible.

 

Ce platier est archi-découpé et morcelé, ponctué d’une multitude de petites ou grandes mares d’eau qui impliquent de zig-zaguer sans cesse.
Ayant déjà noyé mes chaussures je n’ai cure de passer partout sans me préoccuper de ces flaques, juste faire attention aux chevilles ou à ne pas trébucher car le sol est très rugueux et déchiqueté.

 

Le plus étonnant reste la constellation d’huîtres sauvages, par milliers fixées un peu partout sur ces rocs, leurs taches blanchâtres contrastant nettement sur leurs supports. Renseignements pris par la suite, auprès de plusieurs sources, ces huîtres sont parfaitement consommables, mais le plus souvent sur place car très difficilement détachables entières.
Il n’y a aucune interdiction ou restriction de pêche à pied.

Cette forte densité d’huîtres sauvages n’est pas seulement une impression de découverte mais un phénomène scientifiquement attesté :

Les résultats sur la colonisation montrent deux périodes distinctes avec une première partie, jusqu’en 2018 – 2019 où la population d’huîtres avait une tendance à la stagnation voire au déclin. Puis, dans un second temps, la densité d’huîtres a subi une augmentation importante de la population, surtout dans le golfe normand breton (entre la baie du Mont Saint Michel et Barneville-Carteret). En moyenne, elle a été multipliée par 10 entre 2017 et 2024 avec une colonisation accrue vers le nord du secteur (Portbail ou Barneville). Ce phénomène ne s’observe pas sur les autres parties du littoral mais la proportion de jeunes huîtres semble en progression sur certains points comme Le Rozel ou Saint Vaast la Hougue. (Etude du réseau HLiN, spécialiste des peuplements ostréicoles)

 

Mais, n’aimant pas manger les huîtres, je ne m’arrêterai pas !

Ces 7 derniers kilomètres parmi les huîtres vont achever ma promenade du jour, au PK littoral  32,00. Je suis à Port-Bail-sur-Mer ! 16h45.
Mais il s’agit à présent de trouver un point d’auto-stop… impossible dans le village immédiat.
Il me faudra longer la D15 sur 3,7 km pour en trouver un correct, près d’un rond-point.
Sur toute cette longueur, bien que pouce levé et arrêt possible (route large, très dégagée et peu de circulation), personne ne s’est arrêté.

 

 

En revanche, dès que je fus sur la D 650, clairement orientée vers le nord, je n’attendis pas plus de 5 minutes !
Et, coup de chance extrême, pris par un brave homme qui connaissait bien sa région, de bonne humeur et fort serviable qui m’emmena 7 km plus loin que sa destination prévue, pour me déposer à la roue de ma voiture ! 18h00
Il connaissait cet endroit précisément pour y venir ses jours de pêche à la ligne…
Retour à la maison vers 19h30, après une petite journée de 9 heures d’action continue seulement (dont 30 minutes de pauses cumulées) pour 36 km à pied, c’est très raisonnable. 
Prochaine séquence envisagée de Port-Bail à Mont-Saint-Michel…traversée de la baie en prime !

 

 

 

En bleu : parcours littoral pédestre      en noir : liaison pédestre hors côte    en rouge : retour auto-stop

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