Construire une via, cordata ou ferrata 390

Construire une via, cordata ou ferrata 390

21 mars 2021 Via ferrata 1

Construire une via, cordata ou ferrata       390

Pour ceux et celles qui aiment parcourir une via ferrata et n’ont pas la chance de résider à distance raisonnable d’une telle installation, publique ou privée, caresser l’opportunité d’en réaliser une par soi-même est bien agréable…et pouvoir en saisir une encore plus !
La consultation de divers comptes-rendus permet de lire que le prix de revient d’une via ferrata classique semble osciller entre 500 et 800 euros le mètre linéaire, toutes phases comprises, ce à quoi il faut ensuite ajouter les frais de vérification périodique et d’entretien.
On imagine mal un particulier aux revenus moyens ou une association « ordinaire » s’offrir un tel luxe !
Construire soi-même une via ferrata  ou une via cordata ou une hybridation des deux peut alors apparaître comme une solution, et, sortant alors des normes administratives, techniques et commerciales, cela n’a rien d’utopique, comme le démontre cet article.
Voyons, en résumé, les étapes à franchir…

1) La recherche d’un site
c’est, quitte à surprendre les lecteurs, la phase la plus difficile. Le site-support peut aussi bien être naturel (falaises, chaos rocheux, grotte…) que semi-artificiel (carrières souterraines ou à ciel ouvert…) ou artificiel (murs ou piles de béton, de moellons, de meulières…).

Mais pouvoir y installer une via supposera que ce support soit suffisamment « sain » et, bien sûr, soit autorisé…
Si on en est propriétaire, a priori la chose sera possible, encore qu’il ne faudra pas créer de préjudice à qui que ce soit (vue sur les voisins, atteinte à un patrimoine naturel ou archéologique ou artistique ou industriel…etc.).
Si on en est locataire ou occupant à titre précaire, l’autorisation du ou de la propriétaire, assortie d’une convention réglant bien l’affaire y compris lorsque le bail expirera, sera nécessaire.
Si on choisit de passer outre, n’étant ni propriétaire ni locataire ni occupant à titre précaire, on se place en situation illégale.
Ce peut être un choix notamment dans des lieux « abandonnés », friches industrielles, carrières désertées depuis des décennies…mais un choix dont il faudra assumer les conséquences potentielles, car une telle installation sera considérée comme une dégradation volontaire des biens d’autrui.
En cas de problème, les conséquences  pourront  aller d’un accord amiable sans suite juridique jusqu’à une condamnation sans appel, car le délit sera évident, la flagrance établie.
Les peines prévues sont de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende en plus de devoir restituer les biens à l’état originel, aux frais du délinquant…ça donne à réfléchir !

Pour la suite de l’article, on considèrera donc que l’installation est légale !!!

2 ) L’adéquation du support ou sa mise en adéquation.

C’est évidemment essentiel que de s’assurer que l’installation se fera et sera ensuite sans danger pour les intervenants et pratiquants. A défaut d’une expertise liée à une formation spécifique, c’est l’expertise acquise par expérience(s), le bon sens et un empirisme assuré qui vont permettre d’observer, analyser, juger et décider de ce qui est possible ou non.
L’état du support, sa nature, et l’éventuelle dangerosité de l’environnement général sont à étudier scrupuleusement, et, si nécessaire, il faudra sécuriser. C’est la traditionnelle « purge » de tout ce qui pourrait se détacher et tomber  à court terme et/ou le renforcement et la stabilisation de ce qui peut apparaître comme menaçant à moyen et long terme.
Dans cette démarche, qui peut réclamer beaucoup de temps , de travail, et parfois d’argent, avant de passer à la réalisation de la via elle-même, il ne faut pas négliger les abords, les approches pédestres, qui peuvent se révéler finalement plus dangereux que la via sur laquelle on est a priori toujours assuré(e).

La pose de câbles de maintien (arbres penchés, par exemple) de grillages de rétention d’éboulis ou de délitage , la création de marches sécurisantes dans les pentes d’accès ou de retour…autant de travaux « accessoires » mais indispensables pour une création sérieuse même si elle n’est destinée qu’à soi ou très peu d’invité(e)s à venir trié(e)s sur le volet et réputé(e)s très compétent(e)s et sûr(e)s d’eux ou elles.

 

3 ) Les matériaux nécessaires

On va avoir le choix entre se procurer les mêmes que les professionnels de l’équipement, ce qui est possible même si les sites des fournisseurs sont peu accessibles, mais il faudra un minimum de commande quand même…sinon, client pas assez « intéressant » pour eux. Donc, ce sera le prix « fort ».
Pour la suite de l’article on se basera sur une via de 100 mètres, ce qui est pratique en plus de constituer ce qui nous paraît être une longueur minimale pour avoir un véritable intérêt de pratique. Mais tout est « relatif »… !
Si donc on achète tout « tout fait », ce sera aussi simple que coûteux, on ne développera pas dans cet article.

Si on opte pour une formule économique, on abandonne « ferrata » pour passer à « cordata », beaucoup moins cher, beaucoup plus simple et rapide, et pas moins sûr, mais qui nécessitera un remplacement des cordes selon leur exposition au soleil et intempéries ou de les prévoir  amovibles mais à remplacer quand même tous les 3 ans environ.
Ou plus fréquemment si usage très intensif.
On oublie « pediglia », palette, barre, « queues de cochon »…accessoires dispensables et plus compliqués à fabriquer soi-même, bien que ce soit faisable.
Il va rester barreau, poignée, poutre, câble à marcher, et tout plein d’agrès verticaux ou presque, à copier sur l’existant ou à inventer, en métal, en corde ou en bois.
C’est là une des composantes de la motivation : la créativité.
Si les barreaux classiques sont en acier inoxydable en surface, du bon vieux fer à béton ordinaire suffira, sa tenue étant de nombreuses années, on en connaît qui sont scellés en extérieur depuis 30 ans, toujours suffisants !  Ca ne veut pas dire qu’il ne faut pas les contrôler chaque année.

Souvent en diamètre 16 mm et scellés chimiquement sur 12 à 15 cm, on constatera que des barreaux de 12 mm engoncé à force coups de massette dans des perforations du même calibre, et sur 10 cm suffisent largement et pour très longtemps.
On peut aussi opter pour une foration à 16 mm et scellement chimique, plus coûteux mais moins fatigant, et encore plus fiable dans la durée (mais aussi plus polluant…)
L’avantage principal du scellement chimique est de limiter fortement la corrosion du métal dans le support, une corrosion plus ou moins sournoise, bien que très lente généralement, mais dont il faut tenir compte au fil des années.
Coupés et façonnés soi-même, ces barreaux « faits main »reviennent à environ  0,6 à 0,8 euros pièce selon leurs dimensions (environ 20 cm pour les barreaux de pied/main et 12 cm pour  barreaux à main seule)…en gros cinq au mètre (en moyenne) selon verticale ou horizontale créée.
Les poutres et poutrelles sont des variantes qui « économisent » les barreaux de pied même si ce n’est pas leur raison d’être.
Elles peuvent être réalisées avec des chevrons, bastaings, madriers, selon la difficulté recherchée, la portance, horizontalement ou non, une légère pente au moins  favorisant leur assèchement et réduisant leur encrassement. Les barres de métal ne sont pas interdites non plus (rails, IPN, …)
Si pentue, une poutre peut bien sûr être crantée ou dotée de « crampons » pour améliorer le franchissement mais ceci peut la fragiliser (prévoir plus « gros » en ce cas) et/ou accélérer son vieillissement car les dépôts organiques et les micro-écosystèmes qui s’y installeront ne manqueront pas.
Ponts de singes et ponts népalais sont très faciles à réaliser, avec câbles ou cordes et bois le plus souvent, mais le plus difficile sera de réaliser les ancrages fiables car les efforts qu’ils subissent peuvent être considérables, surtout si le support des pieds est très tendu.

Eux aussi « économisent » les barreaux…mais, là encore,  ce n’est pas l’objectif !

Les agrès « inventifs » sont donc laissés à l’imagination et à la technicité ainsi qu’à la « récupération » de structures utilisables à cet effet, autant de gains de temps et d’argent.
Echelles en tous genres, en bois, en métal, en corde, en câble…, mâts divers, poteaux crantés, gros filets, bien des choses peuvent trouver leur place ici. Ils sont presque toujours à vocation de verticalité, réduisant eux aussi le nombre de barreaux à poser.
A noter que si le support ne compte pas beaucoup de dénivelée, il est facile d’en créer en faisant alterner montées et descentes ce qui, en plus de l’objectif initial, amène une diversité de progression  formatrice.

L’imagination est au pouvoir…

La ligne de vie sera bien sûr fondamentale.

Si on en a les moyens financiers ou grâce à une récupération miraculeuse ou un achat d’occasion opportuniste, on peut installer un câble…l’option économique étant de le fixer tous les 2 ou 3 mètres sur les barreaux de progression eux-mêmes avec des serre-câbles. Du câble 12 mm ( 7 tonnes de résistance…) revient à 500/550 euros les 100 m.
Il en faudra environ 120 m pour ménager les boucles d’amortissement.
Sinon, pour fixation en dehors des barreaux,  il faut poser des ancrages spécifiques, mais ce n’est vraiment pas nécessaire.
Cette disposition  sur barreaux de progression ne génère aucun danger particulier, car la solidarisation de dizaines voire centaines de barreaux entre eux interdit tout accident même si, par extraordinaire, un barreau venait à « lâcher ».
Si on passe à « cordata », ce sera encore plus simple car il suffira de fixer la corde sur les barreaux, tous les 2 ou 3 mètres, avec des nœuds de batelier ou des têtes d’alouette, saufs aux extrémités où des nœuds plus académiques seront préférés. On tombe ici à  150 euros les 100 m…en corde de 10 mm…mais avec les nombreux nœuds et boucles  il en faudra plutôt 150 m.
Ceci en fait des cordes dites « fixes », avec les inconvénients liés aux intempéries, donc un vieillissement accéléré, le risque de subir des dégradations plus ou moins intentionnelles si accessibles au public incontrôlé, voire d’être volées.
Cet inconvénient peut être contourné en soudant des maillons rapides ou des mousquetons en acier sur les barreaux (c’est un surcoût, hélas) et en utilisant une corde avec des nœuds sur ganse qui, réglée une bonne fois pour toute sera posée puis  ôtée à chaque utilisation par un ou une  pratiquant(e)  compétent(e).
Il ne faut pas se contenter de mousquetons libres car les mouvements de corde sous tension des corps peuvent faire riper violemment avec des écrasements de doigts à la clé, mais aussi engendrer une impression d’insécurité globale (ensemble « mou » et bruyant). Un surcoût est alors à prévoir, de l’ordre de 120 euros pour 30 mousquetons acier zingué sans virole à fil de 8mm de diamètre. 

4 ) Réalisation en elle-même.
 
C’est sans doute la phase la plus « passionnante », car très visible et donnant satisfaction à chaque mètre « gagné » !!!
Elle réclame un bon outillage, bien que très simple car se résumant à un perforateur sérieux, un foret de qualité, une massette (ou un pistolet à scellement chimique si on opte pour cette formule)…et ce sera tout  pour la pose fondamentale.
Bien entendu, pour la confection des agrès et leur pose, l’outillage va se diversifier…scie, visseuse, meuleuse…tout dépendra des choix et des matériaux disponibles.
On peut trouver beaucoup de choses en récupération, sans perdre en qualité, solidité et même esthétique.
Pour cette réalisation, la sécurité des installatrices et installateurs sera une attention permanente, assurage sur corde autant que possible.
Avant toute pratique « via » sans corde d’assurage indépendante (ou autre moyen de sécurisation) un contrôle minutieux de toute l’installation (abords compris) et des essais doivent être menés.
C’est impératif.
Par la suite, il faut prévoir une surveillance et la maintenance, mais aussi d’éventuelles améliorations ou extensions.
On peut ainsi estimer le coût total entre 500 et 1000  euros une via cordata de 100 m…et deux à trois voire quatre semaines de travail, rapporté à une personne seule, soit…100 à 50 fois moins cher que la moyenne commerciale, mais dans un cadre bénévole… évidemment !

Enfin, on conclura ce résumé technique par une considération majeure : la sécurité d’une telle installation, à l’usage.
Comme pour toutes les activités cordistes, l’assurance-vie est ici LA CORDE à défaut de câble.
Et contrairement à ce que la première impression pourrait donner à croire, chuter sur une corde n’est pas moins sûr que chuter sur un câble.
Ceci parce que l’élasticité de la corde permet une absorption d’énergie.
Pour autant, si la corde est une « dynamique », la hauteur de chute doit rester inférieure à deux fois la longueur du brin amortisseur.
Cela n’empêche pas que les longes, elles, vont supporter une force-choc importante, et que, sur câble comme sur corde, il faut qu’elles soient dotées d’un système absorbeur d’énergie pour une progression en mode « via ferrata ».
Si elles ne sont pas de cette nature, la progression doit alors de faire en mode spéléologique, avec un jeu de longes basé sur les barreaux ou barres ou poignées successives et non plus sur les brins de corde, ceci dans les partie sub-verticales.
Les longes spéléologiques sont en corde dynamique, elles tolèrent une chute du double de leur longueur, en gros, c’est-à-dire à peu près 1 mètre, ce qui implique de les alterner à peu près tous les trois barreaux dans les verticalités. Pas de danger particulier dans les horizontalités.

Enfin, pour les puristes sécuritaire, il suffit d’utiliser une poulie auto-bloquante RIDER-3, ce qui évitera les chutes !

 

 

Si cet article engendre de tels projets, et qu’un site permettant une installation légale est disponible, le club SJV peut être à même de prodiguer des conseils et des idées, si souhaité !

ci-contre : une RIDER 3 sur un câble vertical ou presque…ça bloque tout de suite !

Une réponse

  1. shafiga Mamedyarova dit :

    Magnifique travail .

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