La Carrière du Village (2) 263

La Carrière du Village (2) 263

15 janvier 2020 carrières diverses 0

La Carrière du Village (2)     263

Cet article est le second d’une trilogie…(Voir les articles 262 et 264 ). Il complète l’article N° 051.

Chronologiquement, exploitations ultérieures des espaces créés.

Préambule :

De nombreuses carrières de calcaire se sont développées au cours des siècles autour du village et sous le village  de Savonnières-en-Perthois, dans la Meuse ainsi que dans sa contrée.


La synthèse qui suit résulte de recherches succinctes sur Internet, de dialogues locaux, d’observations directes. Le seul ouvrage sérieux que nous connaissons a été rédigé par l’historien local Yvon Gaillet, mais divers auteurs d’articles spécifiques ont apporté leur pierre (si on ose dire !) à la meilleure connaissance des lieux, soit pas essais, par hypothèses, soit avec des certitudes étayées.
L’objectif de ce travail modeste de synthèse, volontairement courte et accessible à toutes et tous, est de permettre à ceux qui ont « visité » cette carrière ou qui la visiteront un jour, la plupart du temps très partiellement et en coup de vent, d’en savoir un peu plus s’ils le souhaitent.
Mais cela intéressera peut-être aussi celles et ceux qui n’y sont jamais allés et n’y iront jamais !
Il est possible aussi que cela vienne compléter ou corriger des informations données oralement lors d’excursions de tout poil par des « guides » improvisés, le plus souvent de bonne foi et de bonne volonté, mais dont les connaissances sont floues, voire incomplètes et/ou erronées…ce qui est bien dommage !

 

Les champignonnières

On considère que le premier exploitant  reconnu fut un religieux (Père Bouvret) et commença la myciculture vers 1910. Il s’agissait de profiter des galeries abandonnées offrant une température constante, une hygrométrie adaptée, et des espaces ni trop grands ni trop petits, aisément cloisonnables en « caves ».


Mais le franc développement commercial de la myciculture ici semble ne remonter qu’à 1925/1930 , et s’étalera très largement dès 1945 (on évalue à 30 ha la surface des champignonnières, c’est immense !)  jusque dans les années 70 à 80 pour peu à peu décliner et cesser vers 2002.( Société Andréa Rotigni)

On trouve encore quelques vestiges des activités, dont une chaudière de 1935, un broyeur à craon , gaines de ventilation, toilettes et vestiaires, tuyauteries diverses, cabourottes (ouvertures murales occultables pour chauffage)  fils électriques, isolateurs…
Une large zone régulièrement pulvérisée au sulfate de cuivre pour aseptiser, apparaît en vert pâle. Des bacs de culture de mycélium, 4 chambres chaudes de pasteurisation (60°C), des stocks de boîtes pour les conserves…
Cependant, en 2018/2019, deux sociétés se sont lancées dans une reprise à zéro de cette activité, l’une n’ayant « tenu » qu’une année, l’autre essayant de trouver suffisamment de débouchés en dépit de la rude concurrence des pays de l’Est ou du Nord de l’Europe. Seule la vague « bio », justifiant peut-être que des champignons français soient vendus  deux à trois fois plus chers que les autres est susceptible de permettre une survie correcte…

 

Occupation militaire française (35/40).

Les tensions internationales des années 30 incitent l’armée à se préparer à divers scénarios belliqueux, et à s’intéresser aux ouvrages souterrains, en tant qu’entrepôts d’armement ou de victuailles, casernements temporaires, abris de la population…Ce sera l’option primitive qui sera retenue : armement !


Les plans primitifs et incomplets sont repris et complétés en 1940 on multipliera ainsi par trois la topographie des surfaces connues et utilisables !
Des itinéraires fiables et cohérents seront alors tracés, encore repérables actuellement par des balises à la peinture rouge sombre souvent en forme de L inversé (Gamma grec majuscule) ou de T (Tau grec majuscule) de delta grec majuscule , de chiffres romains ou de croix chrétienne… Mais cela ne servira guère longtemps…

 

Les français bâtirent des défenses internes dans l’Entrée de la Gare ou de la Marlière (créneaux de fusils mitrailleurs) entamèrent la pose de portes blindées coulissantes qui ne seront jamais mises en place, des portes à vantaux symétriques à logements sur 3 gonds et des portes blindées sur des saillies bétonnées, pas davantage posées…
Le projet était portant ambitieux car devait pouvoir accueillir au moins 50 trains de munitions (Obus de 75, de 105, de 155, de 220 et des roquettes anti-char.

Occupation militaire allemande (43/44)

 L’armée allemande, en position de conquérante, s’empare du site déserté, sans combattre, pour y construire une usine de production de fusées V2 d’une part et un entrepôt pour ces engins d’autre part.


L’ambition et effrayante…chaîne destinée à produire 4000 exemplaires et en stocker 600 en permanence !
Les A4V2 (V de Vergeltungwaffe = Arme de représailles, et 2 puisque V1 avant !) mesurent 14,5 m de longueur et 1,8 à 3,5 de largeur, pèsent entre 4 et 12 tonnes dont près d’une tonne d’explosif.
Ce dernier est de l’Amatol (Trinitrotoluène + Nitrate d’ammonium).
Leur portée prévue va de 300 à 350 km. Arme peu précise, 5 à 10 km de marge d’erreur à l’objectif…mais vitesse supersonique !
Les A4V2 fonctionnent avec un moteur à alcool/eau (2,8 tonnes emportées) et oxygène liquide (4,7tonnes emportées) + hydrogène (0,3 tonne).L’explosif est insensible aux chocs, au froid et à la chaleur basse…mais sensible à l’humidité !
6500 A4V2 seront produites dès 1942 sur l’ensemble des sites allemands, dont 3170 tirées( Dont 1600 sur Anvers et 1400 sur l’Angleterre) on imagine les effroyables destructions en conséquence.

Les Allemands réalisèrent, dès mars 43, des travaux considérables, sur 6 ha, avec des rampes et terrassements extérieurs, d’innombrables renforcements du ciel de carrière à coups de bétonnage et de rails de chemin de fer et divers aménagements de défense intérieure.
Leur plus gros problème sera le cheminement des V2, dans les croisements qu’ils devront transformer en virages…larges et à courbe douce mais aussi rehausser les galeries à 5 m de hauteur !


Cela amènera à des éliminations et retailles de piliers tournés qu’il fallut compenser par l’élévation de nombreux longs murs de soutènement en moellons ou en briques voire en parpaings.(Piédroits)
Un impressionnant tunnel bétonné sera élevé ainsi que plusieurs plus petits maçonnés. On trouve aussi les assises en béton de machines une chambre forte de stockage de carburants et réactifs chimiques liquides,  avec porte blindée de 450 kg, diverses meurtrières, casemates de sentinelles…
Cette usine de fonctionnera jamais, le programme abandonné en avril 44, le site déserté en août 44, 4 jours avant la reconquête locale par les Alliés !

L’opération codée « 1402 » aura été un échec…personne ne s’en est plaint en France et autres pays visés.

 

Retour des militaires français en 52

 L’armée française  a projeté de profiter de tous ces travaux pour y réaliser un magasin de repli du service de santé. L’étude conclut au rejet…pour le bonheur des autres usagers !

 

Autres traces humaines diverses.

Outre les spéléologues qui n’investirent réellement cet espace souterrain que vers 1948, les lieux sont fréquentés par des randonneurs, des vététistes, des fêtards de tous genres, des scientifiques…

On dénombre environ 800 à 1200 visiteurs déclarés par an auxquels s’ajoutent évidemment de nombreuses fréquentations « libres » difficilement estimables.
Tous ou presque finissent par laisser des marques de leur passage ou de leur installation, des plus utiles et justifiables aux plus stupides et dégradantes.
D’innombrables balises de toutes formes, dimensions, couleurs, matières se trouvent ainsi un peu partout.
Des dessins, tags, graffitis, tableaux de comptage de toutes époques se côtoient et, malheureusement peuvent aussi se superposer, dégradant des témoignages historiques.
Les inscriptions, très souvent stupides, grossières, injurieuses se multiplient avec le temps, salissant ce beau patrimoine industriel et historique.


Heureusement, quelques exceptions de qualité apparaissent çà et là, sous forme de sculptures ou gravures esthétiques, de marquage fiable, de panneaux d’information.
Par ailleurs, plusieurs opérations de dépollution ont presque eu raison des divers dépotoirs plus ou moins récents qui enlaidissaient voire empuantaient le site.
Quelques « valeurs sûres » des expressions murales d’ « artistes » :

Le Bellot / la famille Gaillet / La prostituée à 30 F / Dédé et moi / La brouette brancard / La femme Belle-Epoque / Les Poules / Les Chiens / La Femme Culottée / Palais d’Injustice / Paulo le Géomètre / Léon Rouy / 1911 Allemand / Le Couple Moderne / La femme à la Natte (en couleurs) / Souvenir d’une guerre / Vas-y Louis

ASCII

Qui tue son chien / Alcide Guillemin /Ah ! Le bon vin / Les Trois Casquettes / Collinet et Bellino / Le Missionnaire / Georges Lechaudel / Debout les Forçats Casimir le soir / Durandal / Le Fumeur encadré / Le Carrier au pic / Le vin c’est la France / Les Danseurs Nus (En couleurs) / Oui mon Lieutenant / l’Adieu / Pascal picole / Boudot de Gironde / Le Spéléo (sculpteur Laurent Morin) / Nœud tibétain

Des idées de valorisation…

 

Bien évidemment des acteurs sociaux n’ont pas manqué d’imaginer des usages intéressants de cette Carrière du Village, mais très peu ont abouti, pour des raisons de sécurité, de financement, ou de politique générale d’aménagement.
On peut citer parmi les plus connues :

Réalisation d’un parcours PMR en fauteuil roulant (effectif, LISPEL)
Installation de ficelles- guides pour parcours de découverte grossièrement circulaire allant d’une entrée à une autre…effectif, mais hélas détruites par endroits.
Installation d’un Parcours Aventure…en partie commencé…( ?)Sorties pour les « Enfants de la lune »Parcours VTT genre « rallye »


Atelier libre d’artistes sculpteurs
Artisanat de pétrification d’objets décoratifs.
Relance des champignonnières…effectif actuellement (2020)
Culture d’endives sur plates-bandes surélevées
Culture hydroponique de légumes
Cave à vins
Cave d’affinage de fromages
Ecole de spéléologie
Visites touristiques commentées, éclairées et sonorisées en certains points…
Ecomusée…
Promenade commentée en petit convoi de voiturettes électriques… !

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