La carrière du 7 Rouge 778

La carrière du 7 Rouge 778

15 janvier 2025 Spéléologie 0

La carrière du 7 Rouge         778

A l’invitation d’une équipe d’écologues, une ancienne petite carrière de gypse, dont il ne reste malheureusement qu’un bon hectomètre visitable, a pu être investie.
Difficilement accessible, non repérable sur les cartes, méconnue même par le voisinage, elle a échappé aux dépôts d’ordures et autres atteintes humaines dont tags, déjections, dégradation de vestiges, de cristallisations  ou de concrétions.
Par ailleurs, quelques chiroptères en ont fait leur logement, au moins provisoirement.

Le bois environnant est dense, non entretenu, beaucoup d’arbres ou branches morts. Terrain accidenté, souvent très glissant, planté d’épineux, peu propice aux promenades.
Site moussu, ronceux, abritant divers champignons saproxylophages.
Notamment des Pézizes écarlates (Sarcoscypha coccinea) et des Daldidies concentriques (Daldinia concentrica ), aisément identifiables.

Daldinies concentriques dont une en coupe transversale.

   
Pézizes écarlates

A l’approche, cette ancienne carrière présente encore un front de falaise, avec un talus de condamnation sur la voie d’accès historique, laquelle a été en partie remblayée et nivelée sur sa moitié ouest pour en faire une esplanade de 800 m² .
Présence de traces de chevreuil dans la marne, crottes, les traces remontant jusque dans la galerie d’entrée. ( 12 m X 5 m X 5 à 0 mètres ).

 

 

 

 

 

 

Empreintes et crotte de Chevreuil

Le sol d’approche est fait de terres de couverture remaniées, pauvre en humus.
La galerie d’entrée, qui fut la principale, débute par un porche partiellement comblé, une hauteur de 4 m persistant.
Parois très délitées, écailleuses. Il n’y a plus aucun soutènement.

 

Porche du cavage encombré et menaçant

Fortes diaclases aux ciel et parois. Elles peuvent abriter des Murins.
Quelques arachnides, Mollusques (Oxychillus), Insectes, Cloportes…

Ecaille pariétale, mollusque, terrier de blaireau, Murin au repos…

Cette galerie a été comblée par une ancienne ouverture verticale, la coulée a formé un toboggan.

 

 

 

 

 

 

 

Ecaille sur toboggan et porche vu de l’intérieur

A l’origine, elle a obturé une galerie secondaire partant à l’Est ( 24 m X 5m X 2 à 6 m), plus basse de ciel. Avec le tassement et le fluage, et le décrochement d’un large bloc, un passage s’est reformé, sur 3 mètres de largeur et quelques décimètres de hauteur, aisément franchissable.

 

 

 

 

 

 

 

 

Coulée de condamnation de la galerie d’entrée et son sommet

 

 

 

 

 

 

 

 

Passage bas d’accès à la Galerie de la laisse d’eau vu d’extérieur et d’intérieur

Cette entrée est apparue par tassement et fluage, elle est stabilisée, décentrée sur la droite ne livrant que la moitié de la largeur de galerie, en contrebas.
On trouve au sol à gauche un essieu d’automobile.

 

 

 

 

 

 

 

Un gros bloc, décroché du ciel et descendu par glissement, et l’essieu jeté là.

Un talus d’éboulis glaiseux amène à un point bas de sédimentation gluante, légèrement inondable si fortes précipitations prolongées et/ou fréquentes.
Une diaclase majeure au ciel peut abriter des Murins.
Plusieurs Lépidoptères (Scoliopteryx libatrix) sont visibles.

 

  

 

 

 

 

 

Coulée de marne verte et trace de minage dans la Galerie de la Laisse d’eau

 

 

 

 

 

 

 

 

Murin au ciel de galerie et sédiment crevassé de la laisse d’eau

Un talus opposé remonte alors formé d’une forte coulée de marne verte et blocs tombés, coulée issue d’une ex-ouverture dans l’angle du ciel.
Une nouvelle galerie ( 28 m X 5 m X 6 à 0 mètres) part alors à gauche sur 16 m, passe par un point bas avant de remonter par un talus d’éboulis et rencontrer un gros effondrement .
Ce dernier est contournable par une chatière facile en bas à droite.
Derrière l’effondrement la galerie se poursuit sur 10 mètres pénétrables et observables, prolongée par un espace d’affaissement de coulée de remblai non pénétrable humainement.

Dans ce segment, on peut trouver un crâne d’oiseau, et des ossements de petit mammifère (renard?), ainsi que de nombreuses traces de griffes d’animal pour franchir un bloc (gênant la chatière).

Coulée et effondrement, chatière…

 

Ossements divers… en fond de la galerie du Chevreuil

 

 

 

 

 

 

 

Notamment un crâne d’oiseau de la taille d’un merle ou d’une pie,  Murin au repos dans une diaclase

Ces ossements disparates et dispersés laissent à penser à un enfermement accidentel dont l’animal est victime, suivi d’un éparpillement de son corps en décomposition par des nécrophages, ou, inversement, animal mort ailleurs et parties de son corps transportées là par un prédateur. (???)

Le fond de Galerie du Chevreuil, laminoir serré, et chatière vue en retour

Griffure de franchissement (Renard?)

Revenant au point bas, on peut découvrir un squelette de chevreuil, tandis qu’une quatrième galerie file vers le SSE ( 20 m X 5 m X 4 à 8 m).
Au départ trois ou quatre tailles de piètements dans la roche, pour jambages de bois diagonaux peuvent être observées. Hayon de Citroën AX jeté là !

 

 

 

 

 

 

 

Ossements de Chevreuil,  Hayon d’une Citroën AX…

Sur une grande partie de son parcours, de nombreux blocs de roche sont constellés de centaines de pattes et d’ailes d’insectes, de quelques Lépidoptères et probablement Diptères en grande majorité.
Cela évoque bien sûr une grande salle à manger de Chiroptères en belle saison !!!
En sous-face de grands blocs, nombreux cadavres de diptères moisis, probablement Limonia nubeculosa.

Ailes et pattes d’insectes en surface, cadavres de diptères moisis en sous-face

 

 

 

 

 

 

 

Des pattes et des ailes…et coquille de noix rongée

 

 

 

 

 

 

 

Plusieurs crottes, de renard probablement.
A son extrémité, un grand « 7 rouge » est visible sur la paroi, repère de géomètre. Nombreuses marques de stillation dans le sol glaiseux

Le « 7 rouge » et creusements au sol par stillation

Une ultime galerie s’en va alors sur la gauche, 12 m X 45 m X 8 à 10 mètres.
Elle s’achève sur un front de taille.
On peut aisément y lire une structure géologique tabulaire, et apprécier la cristallisation du gypse saccharoïde, diversement coloré.
Le ciel est polydiaclasé de façon pluridirectionnelle.
On y voit encore plusieurs soutènements jambiers en place.
Cette galerie présente la hauteur maximale observable de l’exploitation, approchant 10 mètres.
Au sol, quelques morceaux de bois sont en décomposition. 

Structure tabulaire du gypse saccharoïde et boisage décomposé au sol

 

 

 

 

 

 

 

Fracture cristalline du gypse et Boisages jambiers du ciel poly-fracturé

Avec ses 110 mètres de développement, ce qui reste de cette exploitation est assez vite parcouru, mais n’est pas sans intérêt .

Le retour apporte quelques éléments visuels complémentaires.

 

 

 

 

 

Arbre creux , champignons non identifié, Grand luisant, terrier de Blaireau…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’ancienne voie d’accès buttée.                     Petit jambier de soutènement.                 La chatière de la Galerie du chevreuil

On a cependant pu trouver quelques lignes relatives au passé de cette carrière souterraine, qui, comme beaucoup, fut ouverte à la suite d’une exploitation à ciel ouvert lorsque cette dernière imposait trop de terres et roches de couverture à décaisser et déplacer pour être rentable.
Ces lignes sont issues du PPRN local (2009)
On peut légitimement s’inquiéter de ce que ces carrières ont été totalement condamnées lorsque l’on peut lire ceci :
Il convient de noter que la connaissance et la localisation des anciennes carrières
souterraines repose souvent sur des traces administratives et des témoignages imprécis et incomplets. Dans la plupart des cas, même si l’existence d’une carrière est connue, il est bien souvent difficile de délimiter avec certitude l’extension réelle de l’exploitation. Des erreurs de localisation, d’extension et voire d’existence d’ancienne carrière peuvent malheureusement subsister.
D’où l’ineptie qui consiste à s’interdire toute investigation et contrôle en rendant ces galeries totalement inaccessibles.
Néanmoins, on peut aussi y apprendre ce qui suit :

Anciennes carrières
Les anciennes carrières se situe au centre du territoire communal.

On peut y distinguer deux secteurs d’exploitation :
– le secteur sud, qui a fait l’objet d’une
exploitation essentiellement à ciel ouvert en première masse du gypse à
partir de 1847. Un début d’exploitation souterraine en deuxième masse
du gypse a été entrepris : deux galeries de reconnaissance ont été
creusées
Nous l’avons prospectée, il ne subsiste qu’une dépression marécageuse, cavages disparus.
– le secteur nord, situé au nord concerné par
une exploitation en première masse du gypse ouverte en 1891, d’abord
à ciel ouvert puis largement souterraine. Un plan de 1891 dessine le
projet d’exploitation souterraine et figure des galeries de 10 m de
largeur et des piliers rectangulaires de 16×6 m de côté.
Actuellement les galeries visibles sont loin de mesurer 10 m de largeur à la base, mais le remblaiement empêche peut-être de le constater.
Sur le secteur nord, une campagne de reconnaissance par gravimétrie a mis en
évidence une anomalie gravimétrique résiduelle négative délimitant approximativement une zone sous-minée englobant les limites du projet d’exploitation souterraine de 1891.
D’autre part, l’ouverture de plusieurs fontis à l’aplomb de l’emprise du projet d’exploitation de 1891 confirme que cette exploitation n’est pas restée à l’état de projet.
A noter également l’existence d’environ 70 fontis de 2 à 20 m de diamètre recensés dans les bois voisins qui témoigne d’un prolongement probable de l’exploitation souterraine.
Ces deux dernières lignes peuvent inquiéter…car l’extrait de carte ci-après montre ce que serait l’extension du 7 Rouge pour atteindre ces deux bois qui sont tous deux au-delà de la grande rue, et passant nécessairement sous les lieux bâtis !!!
Là encore, avoir empêché tout accès de visite voire d’intervention est bien regrettable, sauf à forer exprès un puits d’observation et de visite moderne…
Par ailleurs, quel magnifique site souterrain d’hébergement et de protection cette exploitation aurait pu être pour les Chiroptères, sans créer davantage de danger en surface pour autant…il aurait suffi de murer fortement le bas sur 6 m et griller solidement le haut pour le reste!!!

On peut aussi trouver cet historique auprès de la Société d’Hitoire locale :

Les carrières  étaient exploitées depuis très longtemps.
Dans un Etat des lieux des carrières de 1838, on trouve deux exploitants  . En 1848, un procès-verbal est dressé par le Garde-Minespour avoir contrevenu au règlement en exploitant sans autorisation et en poussant ses travaux sous le chemin communal. Mais, en 1850, on obtient l’autorisation. La première masse est exploitée à ciel ouvert. Dès 1847, on  fore un puits pour accéder à la deuxième masse. De ce puits, une galerie se dirige sous ce chemin et remonte en direction de l’actuelle rue principale.
Par la suite, l’exploitation souterraine des première et deuxième masses  se continue à proximité de cette rue. Des galeries débordent  et traversent le chemin de la mairie en plusieurs endroits.
Ceci confirme les suppositions du PPR et justifie la zonation orange et rouge…aléas importants !
En 1862, autorisation d’exploiter à ciel ouvert sur 4000 m² Mais il est stipulé dans le décret : « Considérant que d’anciennes fouilles ont été approchées des propriétés limitrophes, de manière que les éboulements des faces de la carrière pourraient les atteindre, il convient de prescrire au pétitionnaire de porter du côté de ces faces les déblais des terres de recouvrement. »
On peut donc penser qu’une partie des carrières ancestrales a été remblayée, mais avec les moyens de l’époque, c’est à dire non clavées, et avec un tassement important du remblai au cours des siècles…
En 1900, ces carrières sont acquises par une société qui les exploite en souterrain et revend, beaucoup plus tard, le sol avec les terrains autour, à une famille locale. L’exploitation cesse alors.
De nos jours, on pourrait raisonnablement imaginer que les 110 mètres de galeries encore ouverts soient sanctuarisés en guise de gîte pour chiroptères par une fermeture partielle du cavage, dotée d’un accès réservé pour observations scientifiques…avec en prime une mise en sécurité envers la population, notamment enfants et adolescents.

 

 

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