TGRLIFRA 1 B 767
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La TGRLIFRA est la Très Grande Randonnée LIttorale FRAnçaise, une promenade pédestre de quelques milliers de kilomètres sur la côte manchoise puis atlantique, avec quelques particularités…
– le parcours suivi est préférentiellement et autant que possible, au plus près du flot, quel que soit le niveau de marée. Bien entendu, il peut arriver que des structures artificielles interdisent tout passage pédestre, que la marée haute rende impossible un franchissement durant des heures, ou qu’un arrêté municipal, préfectoral, voire ministériel déclare un passage illégal.
– le randonneur, la randonneuse, sont autonomes, sont donc indépendants de tout commerce, mais susceptibles de quémander de l’eau potable si aucune source ou fontaine n’est accessible durant leurs étapes. Bivouac systématique.
– L’impact écologique est réduit au maximum, donc pas deux véhicules pour les navettes…ouvertes à l’auto-stop ou transports en commun locaux, selon les cas
– Equipe de 1, 2, 3 ou 4 personnes au maximum.
– étapes calibrées à 25/30 km en moyenne, conditions rustiques, portage minimalisé.
Cette activité ne pouvant être menée en continu (estimation à 100 journées de la Belgique à l’Espagne) car nécessitant une trop importante disponibilité, elle est menée selon un séquençage chiffré, chaque séquence (Ici la première : 1) étant composée d’étapes lettrées…(Ici la seconde : B
Les points kilométriques maritimes (PKM) sont comptés depuis la frontière belge, en suivant le trait de côte majeur. Il peut donc y avoir des longueurs non parcourues à pied du fait d’obstacles incontournables.
Les parcours pédestres sont comptabilisés en kilomètres effectifs, (PK) qui diffèrent régulièrement des PKM du fait d’incursions dans les terres ou dans les villes et villages.
1B : De Petit-Fort-Philippe au Cap Blanc-Nez (PKM 32 à PKM 64)
Lever vers 7 heures, rangement et petit déjeuner sous la caméra de la rue des Mouettes !
Les préparatifs des sacs à dos sont importants…ne rien oublier, tout en chassant la masse matérielle inutile !
La nourriture est emmagasinée en considérant qu’aucun achat complémentaire ne sera possible, bien que passant par plusieurs villages ou villes.
Vers 8h30 commencera un périple imprévu du fait d’erreurs de lecture d’un écran GPS et de complications de circulation dans des lotissements, mais on ne ratera pas au passage une fabuleuse mise en scène décorative d’une grande maison, sur fond de vaisseau corsaire, à base de nombreux éléments de récupération, très représentative.
Nous finissons donc par garer le véhicule au 134 de la Rue du Maréchal Foch de Grand-Fort-Philippe !!!
Nous sommes au PKM 32, et on commence par traverser la Réserve Naturelle du Platier d’Oye.
Cette réserve compte environ 30 mares à huttes, dont trois en assèchement, et leur surface moyenne est de l’ordre de 6000 m² pour un périmètre avoisinant 3o0 m, toutes de faible profondeur (10 à 100 cm en moyenne, parfois plus).
Nous allons déambuler entre elles, cependant que plusieurs équipes de chasseurs commencent à prendre l’affût, mais sans créer aucun conflit.
La majorité de ces mares sont agrémentées de leurres, dits « appelants », qui se comptent en centaines de faux-oiseaux palmipèdes, essentiellement des canards ou approchants (Mais la loi en interdit plus de 100 par installation : mare+ hutte)
On imagine mal qu’une réserve naturelle puisse héberger les chasses traidtionnelles sans plus de limitation que cela, et encore moins le nombre d’espèces chassables ! Près d’une quarantaine…
Barges à queue noire, barge rousse, bécasseau maubèche, bécassine des marais, bécassine sourde, canard chipeau, canard colvert, canard pilet, canard siffleur, canard souchet, chevalier aboyeur, chevalier arlequin, chevalier combattant, chevalier gambette, courlis cendré, courlis corlieu, eider à duvet, foulque macroule, fuligule milouin, fuligule milouinan, fuligule morillon, garrot à l’oeil d’or, harelde de miquelon, huîtrier pie, macreuse brune, macreuse noire, nette rousse, oie cendrée, oie des moissons, oie rieuse, pluvier argenté, pluvier doré, poule d’eau, râle d’eau, sarcelle d’été, sarcelle d’hiver et vanneau huppé.
Nous traversons donc ce domaine « protégé »…pour gagner les dunes puis la plage.
Nous suivrons cette dernière durant une dizaine de kilomètres et atteignons le platier de Marck.
Ce dernier compte plus de 100 mares à huttes, réparties en deux groupes un premier très serré d’une soixantaine d’ installations et plus loin, un second aux mares moins concentrées.
Là encore, quelques chasseurs. Une des huttes sera le lieu d’une petite pause, au niveau de la Rampe Paul (PK 11)
De là, on ne marche plus sur du sable, mais sur un large chemin de terre herbeuse, très facile.
Le platier dépassé au PK 14, on entre dans une zone de slikke et de shorre, chargés d’une végétation abondante et typique dont salicornes et spartines ou d’asters maritimes en floraison.
Il faut jongler un peu entre trous de vase et coussins végétaux, mais cette partie apporte une réelle diversité durant un kilomètre, après quoi nous repartons sur le sable, vers une épave de bateau très ancien, tout en bois chevillé
Nous pique-niquons protégés dans les dunes toutes proches au PK 16. Survolés par un hélicoptère…
Reprenant notre chemin, nous suivons un sentier de dunes qui s’approche d’un grand mur de béton qui ne sera pas contournable car la mer est presque haute…et de toute façon donnant sur un chenal de rade infranchissable 2 km plus loin…
On espéra alors trouver une continuiuté piétonnière autorisée en longeant cet énorme mur surmonté d’une grille serrée et d’un dispositif anti-franchissement…nous sommes de toute évidence dans la zone des « Migrants », cernés par des clôtures monstrueuses !
Dans un premier temps, il s’agira d’un terrain terrassé peu végétalisé, sur 1000 m.
Le béton est alors prolongé par une clôture gigantesque en grillage fort surmonté de barbelés militaires tranchants, de type Concertina à lames.
On progresse alors dans une zone dense couverte d’arbustes épineux dans laquelle il fallut se débrouiller à trouver de vagues passages, jusqu’à longer ce rempart géant sur 1 km encore.
On arrive alors sur un étang avec deux cygnes, contrastant fortement avec cette ambiance de pénitentier. Pour autant, une grosse clôture est en continuité sur encore 800 m.
Durant tout ce parcours forcé de près de trois kilomètres, nous aurons trouvé de nombreux éléments vestimentaires abandonnés, des caddies de supermarché, et autres éléments trahissant le séjour caché ou le transit clandestin de « Migrants ».
Au PK 20 nous sortons de cette zone sous un pont routier (RN 216) et accédons alors au réseau routier « normal » à la belle pancarte « Calais »…c’est la Rue des Garennes.
Celle-ci dessert de multiples entreprises, longée par une voie ferrée, avec des odeurs « chimiques » prononcées, et ponctuées de petits groupes de « migrants » semblant attendre de pouvoir accéder à un camion qui leur ferait passer l’Eurotunnel si pas sérieusement contrôlé…les chances restant bien maigres.
( Notons qu’un courageux soudanais a réussi cette traversée souterraine à pied en 2015… 50 km seul sans lampe dans la pénombre)
Cette promenade rectiligne de 2 km nous amènera à la Rue du Nord, longeant le Canal de Marck.
Nous délaissons le GR 120 pour prendre le premier pont venu et nous engager dans la Rue Mollien, droit vers le grand Beffroi et les « Bourgeois de Calais » que nous atteignons vers 14 heures au PK 24,5.
Après avoir fait le point, cherché comment rejoindre le bord de mer au plus direct et avoir conversé avec deux jeunes et charmantes randonneuses, nous rallions la gare SNCF et marquons une pause sur les gradins de bois du Canal semi-circulaire de Calais. Un bref passage dans une épicerie pour de menus détails, puis nous gagnons l’impressionnante digue aménagée de Calais en frôlant la grande Tour du Guet du XIIIe siècle (39 m). PK 27 à la digue.
Sur 1 km njous allons croiser pas mal de monde, ce sera la seule demi-heure durant laquelle on pourra parler d’une dimension populaire, familiale sportive et touristique à la fois.
De nombreux petits ou grands aménagements ludiques ou de loisir calme se succèdent, du parcours de rollers et skate-boards à la petite guérite biplace pour joueurs d’échecs, en passant par divers manèges pour enfants, transatlantiques en bois, jeux de square à grimper, il y en a pour un peu tout le monde !
Une petite pause « glace italienne » pour Pragma, et nous repartons pour notre ultime marche de cette journée, censée nous amener près de Sangatte où Toto a prévu de nous inviter dans un petit restaurant… Nous partons du PK 28 donc…
Nous gardons le GR 120 sur 1 km de plage puis le laissons partir à gauche, restant sur le sable et près des blockhaus inférieurs 1 km supplémentaire, plus près du flot. C’est alors que nous rencontrâmes un tas de gilets flotteurs d’un bel orange clinquant qui s’avéra être un rebut suite à une traversée empêchée par les gendarmes, et cela récemment, car, dans le cas contraire, la marée haute du jour les aurait dispersés.
Un examen minutieux les révéla en très bon état, issus de deux fabriquants distincts, dont un européen, bien connu, et tout à fait normalisés N.F. et C.E., contrairement aux dires d’un promeneur. Mais ce dernier parlait peut-être en référence à la norme « haute mer et eaux agitées », à laquelle ces gilets ne répondent pas.
Ni une, ni deux, nous récupérons les quatre meilleurs et rendons inutilisables les quatre moins bons en les déséquipant de la ceinture abdominale, et les rangeons en hauteur dans les oyats. Portés à la main puis assujettis aux sacs à dos, très légers, ils ne nous gênèrent guère.
Peu après, nous optâmes pour les sentiers de dunes, au sable plus ferme, et donnant une vue constante surélevée sur le paysage.
Cette partie, sans cesse en petites montées et descentes, était un peu plus sportive et donnait un peu chaud !
Etant alors dans les Dunes du Fort Mahon et proches de l’ex-camp de Sangatte dit « La Jungle » (2000 à 2015 notamment) plus ou moins reconstitué de-ci, de-là, nous trouvâmes régulièrement des habits, chaussures, sacs divers, autant de traces de campements éphémères à-demi camouflés par les broussailles, autant d’évocations de dures conditions de vie, de souffrances, d’espoirs déçus, mais aussi de traversées réussies…on parle de 2500 par an en moyenne.
Cette traversée a coûté la vie à environ 15000 personnes depuis 2010…( 5100 rien qu’en 2016) mais le déploiement de divers dispositifs de surveillance, d’empêchement, de secours, ont heureusement réduit cette hécatombe à moins de 50 par an, ce qui est encore 50 de trop, évidemment.
Ce « faible » nombre a un effet pervers, car les personnes tentées, et elles sont très nombreuses, peuvent être désormais amenées à considérer que 50 morts pour 2500 embarquements et traversées réussies est « encourageant », ce que les passeurs ne manquent pas de souligner… en parlant de 98% de chances de passer vivant… si on passe !
Nous serons impressionnés par le nombre incroyable de chaussures à l’état d’épaves sur le sable, sans savoir si elles proviennent de Migrants vivants les ayant volontairement ôtées, ( Pour embarquement ?) ou accidentellement perdues, (pour cause de débarquement forcé ?) ou bien de personnes naufragées, peut-être décédées. (?).
Mais… beaucoup de chaussures…
Nous décidons alors de rejoindre le GR 120, en arrière des dunes, large chemin agricole herbeux serpentant doucement. PK 30,7
Après 1800 m sur ce terrain agréable, qui révéla encore pas mal de récentes « caches » d’attente de personnes prêtes à sauter les dunes pour se précipiter vers des Dinghys surchargés, nous croisons le grand chemin carrossable de la Digue Camin, près de la Ferme de Baey, là où nous aurions dû nous arrêter ce soir. La nuit est tombante. PK 32,5
Un restaurant pakistanais avait été repéré, mais Toto préférant un établissement du cru, nous prenons la grande digue cimentée bordurée parallèle à la D 940 qui dessert Sangatte. Nous parvenons alors au restaurant du Cap Blanc-Nez…
Mais…c’est la déconvenue ! Nous y serons refusés pour cause de réservation complète, nous sommes le samedi d’un week-end de jour férié, il est 18h30.
Nous décidons donc de repartir pour un dîner en plein air un peu plus loin ! On est au PK 35…ça commence à tirer un peu dans les jambes !
Ayant poussé jusqu’au dernier mètre de parcours cimenté, nous voici à nouveau sur une superbe plage, bordée à gauche de petites falaises de roche très fragmentée, et il n’est pas besoin d’être grand clerc pour deviner qu’il ne ferait pas bon s’en approcher de trop près, des gravillons, blocs de toutes dimlensions étant susceptibles de se décrocher à tout instant, comme en témoigne le bas de ces pentes plus ou moins abruptes, jonchés de rochers et de cailloux.
Il apparaît difficile de gravir ces flancs instables, même quand leur inclinaison est moins forte et qu’ils sont couverts de végétation, il suffira d’être patients et d’attendre de rencontrer un de ces passages humainement praticables que l’on nomme par ici des « crans ».
La progression est plutôt aisée dès que l’on peut accéder aux parties sableuses dépourvues de laisses d’eau de mer, un peu plus sportive si l’on reste dans les parties des éboulis. Mais, bon an mal an, on avance bien, les lampes frontales étant désormais de service.
Pragma, dont c’est la première expérience de marche nocturne littorale , coincé entre falaises menaçantes et les vagues montantes qui, bien qu’encore lointaines, génèrent un bruit qui peut être inquiétant pour qui n’en a pas l’habitude, va connaître un petit moment de « solitude profonde », légèrement touché par le « doute », ce doute redoutable qui peut miner la volonté, si on ne s’en empare pas tout de suite.
Une explication insistante de Cricri relativement au comportement de la mer en ces lieux paisibles, au sol uniforme et régulièrement pentu, en marée de coefficient raisonnable (80/85) pour un marnage de 6 m seulement, et n’en étant qu’à la première heure de jusant, démontrant que l’eau ne serait pas là avant 3 heures au moins, et que même à marée pleine, elle n’atteindrait pas le pied des falaises, finit par apaiser un peu l’esprit tourmenté du novice…en ce domaine.
Et c’est justement quand l’apaisement se faisait jour qu’apparut le fameux « cran » attendu !
Le Cran d’escalles ! On est au PK 39,5…
Un magnifique double escalier permit d’accéder à un bienvenu bâtiment de béton offrant une terrasse supérieure propre et quasiment plane de 40 m² ! Libre d’accès, de surcroît !
Un véritable petit studio à la belle étoile, avec piste de liaison à l’arrière-pays, conteneur à déchets en libre service.
Et bien sûr, vue imprenable sur la mer, cette mer montante qui n’atteindrait que le bas des escaliers, 4 m en-dessous nos couchettes !
C’est donc vers 20 heures que nous nous installâmes tranquillement, confortablement, avec nos petites bâches plastiques, nos matelas autogonflants, nos bons duvets protecteurs, assurés qu’il ne pleuvrait pas.
Petit dîner au clair de lune sans lune…avec le chant de la mer déjà un peu plus proche.
Extinction des feux vers 21h 30, et seuls quelques promeneurs tardifs vinrent troubler une merveilleuse nuitée, entre 22 heures et minuit, puis à 7 heures, tout cela dans la joie et la bonne humeur, au PKM 64. Nous avons marché 60 km, 40 en ce jour et 20 la veille, nous sommes en avance d’environ 7 à 8 km sur notre prévision, grâce au restaurant complet !!!
A titre anecdotique, Toto avait testé ce restaurant en appelant pour une réservation, et la réponse fut la même…nous avions en effet cru un moment que le refus aurait pu être lié à nos apparences, somme toute compréhensible avec nos gros sacs, nos chaussures sales et nos « gilets de sauvetage de Migrants »…on était quand même à Sangatte, ville un peu traumatisée par ce phénomène social.
Voyons un peu ce que nous dit Pragma :
Grand-Fort-Philippe – Calais – Cap Blanc-Nez
Cette étape nous a réservé des moments aussi magiques que troublants.
La magie des falaises majestueuses se transforme à la tombée de la nuit, quand la mer monte.
À un moment, nous nous sommes retrouvés face aux falaises, sans échappatoire, et pendant quelques minutes, le doute s’est installé en moi. Heureusement, certains parmi nous, avec des années d’expérience, ont gardé leur sang-froid et nous ont guidés pour trouver un endroit sécurisé pour dormir.
Parfois, même les plus expérimentés, les plus “savants”, ne détiennent pas toutes les réponses 😉, mais ensemble, on a pu surmonter ce moment.
Au petit matin, le Cap Blanc-Nez nous a offert un panorama magnifique, où ciel et mer se rencontrent, comme une récompense après les épreuves de la veille.
De plus, une autre tentative téléphonique vers un restaurant dans le village de Wissant, un peu plus loin, avait donné le même verdict : « on est complet ».
Ce fut donc une belle et bonne journée ! Bien remplie…
En noir : déambulation automobile en bleu : marche littorale et urbaine