L’Agent 5-22 s’offre La Sonnette 654

L’Agent 5-22 s’offre La Sonnette 654

28 mai 2023 Spéléologie 0

 

 

Miss  5-22 s’offre La Sonnette       654

Membre du club depuis quatre ans, une jeune femme progresse sans cesse en technicité comme en maturité de pratique, et a cherché à tester son degré d’autonomie sous terre, et sa capacité à faire face à de petits inconvénients susceptible de surgir à toute occasion et avec tout un chacun.
Un chroniqueur du club se dispose à suivre ses évolutions pas à pas.
Par souci de discrétion et par amusement, on les appelle respectivement Miss 5-22 (5-22) et Mister 3-18. (3-18)

5-22 s’est d’abord enquise de choisir une cavité qui lui donne des situations d’équipement variées, pas trop éloignée et de petit développement, son objectif étant de poser nombre d’amarrages et pas de faire des kilomètres à pied.
Elle se dit que quitte à choisir ça serait sympathique de faire une mini-traversée par la même occasion.
Et la voici jeter son dévolu sur La Sonnette…à 250 km de chez elle, environ…développement de 200 à 300 m, dénivelée de l’ordre 150 m cumulés.

5-22 se reporte sur un site sérieux pour en connaître la topographie, une idée des équipements attendus, et la règlementation.

 

Ayant découvert qu’une autorisation est à demander, elle s’y résout et reçoit en échange, un code de cadenas à durée limitée.
Elle apprend que ce cadenas lui servira deux fois, une pour libérer une chaîne d’accès à un chemin privé, la seconde fois pour libérer une chaîne de blocage d’une grand portail en fer installé sur une bouche de cavage.
Que son véhicule devrait être garé près de ce portail.
Le site lui indique aussi le chemin à prendre pour se rendre à la fameuse Sonnette…
5-22 prépare alors son paquetage durant les jours précédant son départ fixé à un vendredi, 12 heures.
Elle veille à ne rien oublier, matériel spéléologique, vêtements, papiers, moyen de paiement, alimentation, notamment de l’eau potable en bouteilles.
Elle veille à faire une longue et bonne nuit, en se couchant tôt.

 

Et c’est la route après avoir chargé 3-18 au passage…arrivée 14h30. Repas sur le pouce, tri d’équipement, la voiture étant finalement parquée dans un lotissement proche, car 5-22 n’a pas confiance dans ce parking perdu dans un creux boisé, où tout malfrat sait fort bien qu’il pourra cambrioler une voiture en toute tranquillité et y dérober beaucoup de choses tant il est compliqué de tout en retirer à trimballer ensuite sous terre.
5-22 a opté pour marcher en bottes et tenue allégée, matériel en sac à dos et/ou petit sac porté à la main, ayant deux petits kilomètres à marcher, plutôt que les réaliser complètement harnachée
Le cadenas d’entrée a une petite particularité qui lui voit un alignement de chiffres décentré, ce qui peut décontenancer…mais 5-22 ne s’en laisse pas remontrer et trouve l’astuce.

 

De toute façon, elle réalise qu’elle aurait pu pénétrer la carrière par une autre voie, si ce fichu cadenas n’avait pu être ouvert…puisque l’autorisation, elle l’a bel et bien obtenue.
Il s’agit de reposer ce cadenas fermé, en veillant à ce qu’il puisse être manipulé de nouveau de l’extérieur comme de l’intérieur.
On constate que par mégarde ou par vilaine farce, ledit cadenas pourrait fort bien être verrouillé trop serré, ce qui empêcherait de former la combinaison de l’intérieur et donc de rester coincé(e)s ! Qu’il est donc bon de savoir comment ressortir de là autrement que par la porte normalement manœuvrable… ce qui est assez facile !
5-22 part alors pour 1700 mètres dans des galeries de carrière très confortables, creusées durant des siècles dans un beau calcaire du Tithonien ( 150 Millions d’années en moyenne),  et atteint son objectif en 25 minutes à peine.
Ceci grâce à un balisage très sérieux réalisé par des bénévoles locaux…

 

L’équipement personnel démarre alors, puis celui de la première entrée…mais là, l’estimation des longueurs de corde disponible lui fait opter pour un équipement le moins gourmand possible.
Ce sera 10 m au lieu de 15 m…
Cette option exigera un petit essai et un équipement à rebours.
Un nœud « Mickey » aux oreilles très courtes, montées sur deux sangles enroulées sur un rail, un nœud de batelier, économique, un passage simple sans nœud dans une broche intermédiaire de mineure importance, et un nœud tressé direct sur un rail solide, évitant un nouveau « Mickey »
Ça lui a coûté 4 mousquetons et deux sangles, 10 m de corde.
Mais il faut aussi poser une grande corde de sortie future, 45 m installée avec un nœud « Mickey », usant des mêmes mousquetons et donc les mêmes sangles.
Ça lui a coûté uniquement 45 m de corde.
Très contente de son petit travail, 5-22 va passer à la seconde entrée avec tout de dont elle dispose en sangles, en mousquetons et en corde.

 

Au-delà de la satisfaction technique, 5-22 n’omet pas d’apprécier le contexte spéléologique, ni de jauger l’immensité du Puits des Grands Cercle, impressionnant.
Elle ne sait pas encore qu’une pénurie de matériel la guette…car une partie est restée dans son véhicule…

La seconde entrée, toute proche, impose un peu de contorsions dès le départ, après avoir rangé les sacs à dos dans un coin.
Mais cette fois, il va falloir se promener avec un sac, de l’eau et un bidon de sécurité minimal… grande couverture de survie, bougies de chauffage, canif et grignotage !
5-22 rencontre vite deux broches qui annoncent le début de l’équipement par une courte main courante menant à un rail qui commande un ressaut d’environ 3 à 4 m. Il suffira de réaliser deux nœuds « Mickey », et d’utiliser 4 mousquetons et deux sangles bien ajustées et serrées sur le rail pour faciliter les futures sorties en remontant.
Un palier réduit donne alors accès à une broche de fractionnement, deux broches de tête de puits et une broche de déviation posée en face.
Les nœuds classiques font face à ce montage tout aussi classique.

 

Le « puits » est en fait un accès pariétal au Puits des Grand Cercles, mais avec une verticale d’environ 18 mètres seulement, suivie d’une descente en diagonale contre une paroi pentue d’une douzaine de mètres.
Ça lui a coûté déjà 7 mousquetons et 3 sangles, pour installer de quoi franchir ce « puits » .
5-22 qui n’avait plus pratiqué depuis quelques mois en grand puits retrouve sa maîtrise de l’appréhension du vide vaste et noir !
Elle n’hésite plus guère, et prend toute conscience de son évolution depuis ses débuts sous terre, tout en conservant l’attention et le respect des gestes sécuritaires…courageuse, mais pas téméraire !

 

Il va lui falloir rejoindre la base du grand puits de l’entrée N°1, et là, un rapide bilan l’amène à constater qu’elle doit y parvenir avec un minimum de mousquetons et de corde.
5-22 qui est débrouillarde sans toutefois jouer avec sa vie, va alors profiter du brochage fixe, et utiliser les broches en y enfilant directement la corde après avoir fait un nœud calculé de sorte à ce qu’il butte sur la broche, en laissant juste assez de « mou » pour pouvoir installer un descendeur.
Elle va renouveler ce procédé encore 3 fois, mais en veillant à faire aussi un nœud de blocage avant et après chaque broche pour éviter les coulissages brutaux et dangereux de la corde qui pourrait « remonter ».

Ce montage peu orthodoxe, mais sans danger, ne lui aura coûté qu’un seul mousqueton, aucune sangle et 42 m de corde…pour parvenir à l’endroit voulu.

Evidemment, ce serait une solution à éviter si plusieurs équipements de plusieurs équipes devaient se superposer, les broches ne pouvant accepter le passage simultané de plus de deux cordes de 10 mm par exemple, peut-être trois en 9 mm.
Nouveau bilan : il reste une corde de 15 m, une corde de 10 m, quatre sangles et 4 mousquetons pour atteindre le fond de grotte dont trois puits et deux ressauts…c’est maigre !
Mais 5-22 est une têtue astucieuse…
Avisant un « rab » de corde au bas du grand puits, qui ne fait que 30 m environ, elle va l’utiliser pour équiper toute une suite avec  une seule déviation et montage direct sur broches, nœuds de capucin aval et amont
Cela ne lui a coûté que 1 sangle et 1 mousqueton.
Puis, équipement minimaliste du même acabit d’un puits de 10 m, en équipement direct au plus court, un sac étant utilisé pour éviter le frottement sur la lèvre du puits. Coût : 12 m de corde 1 sangle 1 mousqueton
Puis équipement minimaliste d’un puits de 12 m avec main courante directe et deux petites sangles (les dernières) sur rail

 

Coût : 15 m de corde, 2 sangles, 2 mousquetons.
Tout l’équipement est ainsi effectué, sans aucune prise de risque inutile, sans aucun frottement de corde…mais bien sûr, il aurait été infaisable en cas de cavité active voire en petite crue.
5-22 a réalisé tout cela sans hésitation, nœuds soigneusement réalisés , réglés, adaptés.
L’ultime ressaut, en deux crans et petite verticale réduite par un amoncellement de roches est descendu sans effort.
La suite, qui ne livre que quelques mètres humainement pénétrables, ne sera pas tentée, se résumant à un rampement dans un ruisselet, sans aucun intérêt ce jour-là.
5-22 a donc réussi son expérience de gestion a minima, en utilisant au mieux ses cordes, au mieux les brochages, au mieux ses sangles et mousquetons, sans jamais mettre en cause la sécurité de sa personne ou de son équipier.

 

 

Bon…ce n’est pas fini, il faut tout remonter et tout déséquiper jusqu’à l’entrée N°1
Environ 80 m à déniveler…5-22 sort le bloqueur de pied.
Tout se passe correctement puisque bien installé, mais petit incident : la dragonne de l’étui photographique de 3-18 a lâché, et l’étui fait une chute de quelques mètres…fort heureusement sans avoir dégradé l’appareil qui semble fonctionner normalement après ce choc.
Tout est démonté et rangé dans les règles de l’art.
Le puits des Grands Cercles se fera un peu sentir quand même !

Mais ce n’est pas tout…il faut repartir à l’entrée N° 2 redescendre à – 30 m et tout déséquiper !
Cela va être rondement mené par 5-22, même si défaire les nœuds mis sous charge contre les broches réclame de l’énergie et fait mal au bout des doigts car la corde est bien serrée …on ne peut pas tout avoir, et 5-22 bénit les mousquetons quand elle en a !

 

 

Au final, en ressortant de cette cavité, après s’être déséquipée et avoir reconstitué les sacs à dos,  5-22 aura effectué :
– en descente sur corde  20 + 5 + 10 + 12 + 20 = 67 m
– en montée sur corde : 12 + 10 + 5 + 30 + 20  = 97 m
– en descente ou montée à pied , rampement ou désescalade  : 30 m en deux sens
Elle aura posé puis démonté une trentaine d’amarrages avec les nœuds adéquats
Effectué 4 km à pied chargée de 10 kg
Passé environ 5 heures sous terre dont 4 en cavité

Le tout en totale autonomie, 3-18 n’ayant été qu’un observateur.
Bravo à 5-22 !
Cependant la journée n’est pas finie…

 

Il reste à regagner le véhicule, se changer, tout ranger, et rallier le village pour la visite spéléologique du lendemain…car 5-22, teste aussi sa capacité à enchaîner…à cumuler…à résister.
Ce ne sera que vers 21h30 que le dîner froid sera avalé, et à 22 heures installation du bivouac à la belle étoile, près d’un petit bosquet tranquille.
5-22 a opté pour un lit de camp « large », moussé, et complété d’un matelas auto-gonflant 40 mm, car elle sait combien la récupération nocturne est importante… et comme il n’y a pas de portage, quelques kilogrammes en sus ne posent pas de problème !
Car demain, 5-22 remet ça…6 heures de spéléologie et 3 heures de conduite au programme. (Voir article 655)

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *