Le Bivouac souterrain 379

Le Bivouac souterrain 379

6 février 2021 Randonnée Spéléologie 0

Le Bivouac souterrain          379

Cette pratique fut assez courante dans les années 50 à 80, et la version lourde  « camping », avec tente et matériel presque comme au dehors connut ses heures de gloire, en un temps où on comptait bien moins ses efforts qu’à présent.
Mais l’évolution rapide et forte des techniques et des matériaux permit de passer peu à peu au bivouac léger, sans connaître d’ennuis ou d’inconfort notoire.
A bien y regarder, le bivouac souterrain est finalement plus aisé qu’à l’extérieur, nonobstant le portage si la cavité comporte une grande dénivelée ou plusieurs passages étroits.
En effet, sous terre, rarement du vent si on choisit bien l’emplacement, et pas de pluie sauf cas exceptionnel. Très peu de risque de visiteurs animaux, voire aucun, et pas d’humains indésirables à l’horizon. Policiers et Gendarmes inclus !

Voyons un peu, au XXIème siècle les principales possibilités ouvertes pour cette pratique qui peut aller du simple amusement d’expérience à vivre jusqu’à l’exigence incontournable d’exploration multi-journalière, en passant par les nécessités accidentellement induites ou les démarches de survivalistes !

A] La « couche »…

1) Version ultra-primitive et « 1 bis »
L’individu n’emporte rien de particulier, il va « dormir » à même le sol, sans même le carton fétiche des SDF urbains, ou utilisant éventuellement une corde enroulée au sol pour s’en isoler, les pieds et bas des jambes dans le sac de spéléologie dans le style « pied d’éléphant » des alpinistes du siècle précédent.
On est bien au plus simple et au plus inconfortable, mais le choix du sol, quand il est possible, peut apporter un petit « mieux ».
La version « 1bis » est tout simplement la même, mais avec une collection de chaufferettes judicieusement réparties sur le corps, pieds, mains et autres zones corporelles possibles.
Cette version , en dépit de sa rusticité, peut convenir dans les cavités de régions « chaudes » et comportant des sols sableux que l’on peut mouler à sa morphologie…à défaut de quoi elle peut être très dure et peu reposante.

2) Version TPS (Tapis De Sol)
Comme 1) et 1 bis, mais on aura emporté un tapis genre « mini-mousse » plié en deux dans la longueur et roulé très serré.
Une version 1, 8 x 0,5 m en 7mm par exemple, ne pesant que 200 grammes, pour un cylindre de 16 x 25 cm, soit environ 5 litres de volume…assure une petite isolation du froid du sol et de son humidité, ainsi qu’un soupçon de confort corporel.

 

3) Version BAG (Bâche et Auto-Gonflant)
A titre d’exemple et sans donner d’indication de modèle :
Epaisseur : 6,4 cm  Dimensions : 183 x 51 x 6,4 cm    Dimensions repliées : 23 x 10 cm  Poids :  340 g   !!!
Plus de 6 cm d’épaisseur…
Hélas, l’inconvénient est le prix…cher, très cher, de l’ordre de 150 euros.
Bien évidemment, toute une gamme de modèles et de prix, mais aussi de formes, d’épaisseurs et de durabilités est sur le marché…reste que l’on passe avec ce genre de matériel sur une autre planète de l’univers du bivouac !
L’autre inconvénient étant que sauf sur des sols parfaits, c’est à dire presque introuvables sous terre, une petite bâche de protection du matelas va être quasi-incontournable pour préserver le matelas de la saleté, de l’eau, des percements.
Ceci va rajouter environ 150 grammes pour une bâche PVC un peu épaisse…soir 500 grammes pour le BAG….ou bien plus selon les matelas choisis.  Mais…quel confort et quelles bonnes nuitées en perspective !

4) Version BMP (Bâche Matelas Pneumatique)
Le matelas pneumatique a été  un temps remisé au rang d’antiquité par les mini-mousses et surtout les autogonflants.
Cependant, pour des performances au moins égales, ils coûtent beaucoup moins cher ( modèle 185 x 55 x 6 pour 40 euros et 500 grammes !) et tiennent bien moins de place. Mais…il faut se fatiguer à les gonfler ! Vraiment pas de quoi caresser un chat à rebrousse-poil ! 
C’est pour cela que leur retour dans les rayons commerciaux a été observé…néanmoins, ils ont gardé un inconvénient majeur qui est d’être susceptibles de crevaison assez facilement si on n’y prend garde, malgré des progrès importants notés quant à la matière dont ils sont fabriqués, des PVC améliorés, loin du caoutchouc toilé si lourd qui les ont précédés.
De cela, on retient l’absolue nécessité de leur offrir une bonne bâche de protection comme pour les autogonflants.

5) Version Lit de camp
On ne la retient que pour les bivouacs de caverne de carrière ou de souterrain, dont le lieu d’installation reste proche et donc les accès sont faciles même encombré de ces engins qui, outre le confort offert  sont installés en moins d’une minute et se moquent de l’état du sol, en plus de préserver le dormeur ou la dormeuse de pas mal de petites bêtes vivant au sol.
Installables rapidement et facilement  un peu n’importe où, les lits de  camp sont l’outil des autonomes par excellence.
Ils peuvent avoir l’inconvénient de mettre le dos au froid direct de l’air, un duvet comprimé n’étant guère isolant comparé à ce qu’il peut être en étant au contraire bien « gonflé ». Hormis les modèles conçus matelassés, il peut donc être judicieux de garnir la toile du matelas d’une mini-mousse.

6) Version Hamac
Bien moins connue, mais qui présente divers avantages, la formule hamac léger en milieu souterrain mérite d’être étudiée.
Elle implique très souvent de devoir planter au moins un « spit », et souvent deux ! Il faut donc compter avec le matériel idoine pour les planter, et s’il faut le transporter uniquement pour dormir, c’est trop de masse ajoutée !
Dans le cas contraire, ou si la cavité visitée comporte régulièrement des espaces à fortes concrétions qu’on ne risque pas d’abîmer en s’y amarrant, et garantissant une suspension sécuritaire, on trouve des hamacs à moins de 500 grammes…
Ils se rangent évidemment très facilement. Il faut s’assurer avant qu’on est à même de bien dormir dans un hamac de type « enveloppant ». S’il faut au contraire au moins un bastet, les modèles sont plus rares et plus lourds, et il faut prévoir l’encombrement relatif de cet accessoire supplémentaire. 
Enfin, là aussi, le froid est enveloppant, et dans les cavités fraîches ou si le duvet est « léger », on retrouve la nécessité d’un mini-mousse de fond.
La diversité des produits et leurs caractéristiques est telle qu’une adresse internet traitant bien du sujet est à communiquer ici :

https://www.randonner-leger.org/wiki/doku.php?id=hamac  ( lien non actif, il faut le recopier en barre d’adresse…)

B] L’enveloppe et annexes

Après ce rapide tour d’horizon des principales formules de « couches »(il existe des variantes originales, voire excentriques…(!) ), passons aux détails complémentaires…
1 ) Le choix du duvet
sera forcément un compromis entre le coût, le volume, la masse, et, bien sûr, les performances isolatrices.
Par ailleurs, ce choix doit prendre en compte la physiologie personnelle, et la tenue vestimentaire que l’on portera pour dormir, sachant que, dans la plupart des cas on gagne beaucoup à ne pas dormir dans les vêtements portés pour l’activité, très souvent humides de sueur voire d’eau reçue en cours d’activité, cette humidité étant un mauvais élément pour une nuit réparatrice.
Que ce duvet ait une capuche, type « sarcophage » paraît un standard incontournable.

 

Il existe des duvets « humanoïdes »…pour ceux et celles qui n’aiment pas être saucissonné(e)s et/ou conserver une mobilité immédiate « au cas où »…
Pour ceux et celles qui apprécient et peuvent dormir ensemble, des duvets jumelables ouvrant de deux côtés permettent de mutualiser les chaleurs corporelles et un partage à caractère confidentiel quel que soit le niveau et la nature de ce partage.
Bien sûr, cela suppose un espace au sol disponible plus grand et d’avoir respectivement des sommeils paisibles…

2) Le choix de l’emplacement, donc, mérite un peu de réflexion.
Une certaine horizontalité paraît une base saine, au moins pour éviter les glissements nocturnes qui peuvent créer de vraies situations préjudiciables ! Une légère cuvette, si sans risque de récupérer des ruissellements, peut être agréable, se rapprochant un peu des positions en hamac. Eviter les pieds trop surélevés leur évitera un refroidissement accéléré !
Ensuite, il existe des courants d’air dans pas mal de grottes, la plupart étant légers, que l’on ne ressent vraiment que stabilisé et devenu inactif, il faut donc essayer de veiller à s’extraire le plus possible de leurs  couloirs et turbulences.
Les espaces en creux marqué peuvent être des « pièges à froid », leur préférer des aires en hauteur peut être intéressant, sans danger apparent bien sûr.

Les espaces borgnes, étroits et profonds, peuvent être des pièges à CO2, petit gaz sournois dont il faut se méfier à compter d’une certaine concentration. Celle-ci peut-être importante dès l’origine et peut encore sensiblement s’accroître si le bivouac compte plusieurs personnes et que la configuration des lieux ne favorise pas la remontée de l’air tiédi…alors que justement, le groupe recherchait peut-être ce confinement de chaleur exhalant d’une niche conviviale.
Là encore, ce peut être une question de compromis…et en cas de gêne ou difficulté respiratoire survenant, il y a lieu de s’extirper de là sans tarder !

3 ) La question de « chauffer » les lieux peut se poser, de même que celle de faire un « point chaud » qui viendra compléter les formules précitées. Chauffer » restera relatif, et serait illusoire si un espace réduit n’est pas créé, en particulier grâce à des couvertures de survie et leur face métallisée réflectorisante. 
Cela suppose une préméditation, avec bougies ou lampes à acétylène, donc volumes et masses additionnelles, mais aussi de quoi suspendre et maintenir les toiles, là encore avec de quoi amarrer bien qu’il ne s’agisse plus de supporter le poids d’un corps humain…il faut quand même des accroches, et à peu près aux bons endroits.
Et, dans cette hypothèse, attention à l’air vicié par la combustion, et au caractère très inflammable des couvertures de survie…
A défaut de chauffer l’espace, on peut tiédir certaines zones corporelles à coups de chaufferettes chimiques comme suggéré en formule 1).

4) Le sujet des déchets reste important lui aussi, encore plus qu’à l’extérieur.
D’une part, on ne laisse rien dans les cavités, ce qui se réfléchit déjà avant même d’y aller, en veillant à n’emporter qu’une nourriture ne générant que le minimum de rebuts, quitte à la « travailler » avant. Ces rebuts doivent être remportés, il faut donc le prévoir, prévoir leur réduction maximale, prévoir leur conditionnement de retour.
Concernant les excréments, si une certaine tolérance peut être envisagée quant à l’urine, moyennant un choix des endroits et en évitant toute concentration des rejets, une intolérance certaine doit au contraire s’appliquer pour les fèces qu’il ne faut pas abandonner dans les cavités, le fait de les dissimuler, les enterrer, n’enlevant rien au problème posé par un écosystème souterrain qui ne peut traiter les excréments comme ils peuvent l’être au dehors.
Ils doivent être ressortis.
Si des précautions hygiéniques peuvent être prises juste avant d’entrer sous terre, si une alimentation bien choisie peut permettre une raréfaction des fèces, il faut prévoir un double sac plastique étanche le premier servant de réceptacle initial, que l’on roulera sur lui-même après fermeture nouée pour limiter les risque de perforation par frottement, le second servant d’enveloppe protectrice du premier, lui aussi noué et roulé avec deux bracelets élastiques en prime.
Les sachets de ramassage d’étrons de chien sont compatibles ! Mais il en faut de solides ou bien trois couches …
On peut même aller jusqu’à se doter d’une petite boîte plastique en sus. Le sujet est désagréable à traiter, mais il doit l’être avec sérieux.

C] Considérations diverses (Non exhaustif, loin s’en faut…)

Au-delà de toutes ces approches techniques et matérielles, le bivouac, ce n’est pas qu’une affaire pragmatique, il faut y voir aussi des aspects psychologiques, philosophiques, et même culturels.
Le fait de passer en autonomie complète, en dépendance réciproque des équipiers et équipières, de rester plus de quelques heures pour un simple aller et retour génère des considérations que connaissent aussi les montagnards et autres aventuriers de pleine nature.

On peut évoquer une forme de retour aux sources, aux temps reculés ou l’Homme n’avait pour abri que celui qu’il s’est trouvé ou confectionné avec les moyens du bord, ses connaissances, ses expériences, ses compétences, soit seul soit avec des congénères.
Une évasion d’un monde de plus en plus technologique et connecté, à condition de s’être coupé des réseaux, et, de ce point de vue, le monde souterrain naturel ou s’en rapprochant (pas le Métropolitain donc !) implique une véritable rupture.

Une mise en autonomie véritable, suivant une préparation, qui suppose organisation, réflexion, anticipation, et non pas de vivre balloté(e)(s) par les événements, toujours dans l’immédiateté, les automatismes, la routine…

Et, une fois dans l’action, tout imprévu va faire appel à l’adaptation, l’improvisation, tirer le meilleur parti de l’environnement sans pour autant le dégrader, donc une progression supplémentaire dans l’autonomie, en solo comme en équipe.

Un retour partiel et fugace vers un état animal, la plupart des éléments de confort usuels ayant disparu, bien que sachant pouvoir les retrouver bientôt…encore que dans certaines expéditions, le « bientôt » puisse paraître  « bien tard »  !

Cette incursion dans le passé de nos lointains ancêtres va toucher l’alimentation, l’hygiène corporelle, les pressions environnementales sur l’individu, beaucoup moins modulées, filtrées, contrecarrées que par nos conditions de vie habituelles, et, de tout cela, vont émerger des pensées, des sentiments, des sensations différentes.
Pour certaines et certains, ce sera même peut-être une mise en condition pour méditer, voire prier.

Il peut même arriver que un ou plusieurs bivouacs plus ou moins prolongés amènent des gens à changer des choses importantes dans leur vie, suite à une prise de conscience, à une confrontation, qui étaient et auraient été impossibles en restant dans le contexte « normal ». Ou auraient demandé beaucoup plus de temps avant d’émerger.

Il peut ressortir, avec une évidence déstabilisante, en cas de bivouac répété sur une longue durée, que nos vies ordinaires font appel à une multitudes de gadgets superflus, créant très souvent des dépendances artificielles, que les mondes commerciaux et politiques s’entendent à merveille à entretenir et développer sans cesse .
Sans parler de multiples injonctions socio-culturelles excessives , et auto-injonctions qui en découlent.
Et la dépendance, ces dépendances artificielles, c’est justement ce dont le bivouac est l’antithèse à un degré plus ou moins élevé, bien entendu.

Il n’y a aucune commune mesure entre le petit bivouac initiatique d’une nuit dans un petit coin de campagne française en été, et la traversée de l’Amazonie en bivouac systématique dont presque personne n’est capable ni susceptible d’en revenir vivant.
(Le vrai bivouac n’étant pas à confondre avec le camping, même dit « sauvage »).
Mais cet article ne vise pas les extrêmes, ni les records, simplement l’incitation à bivouaquer, chacun et chacune à sa mesure.

 

En revanche, on ne négligera pas certains aspects qui font appel à notre conscience autant qu’à notre inconscient…
Le bivouac souterrain apporte des absolus. L’absolu, dans nos vies « normales », c’est une rareté, voire de l’inconnu.
Or, dans une nuit hypogée, le noir sera absolu.
Si on est seul, seule ou seuls avec des équipiers et équipières, tous silencieux, le silence sera aussi absolu, pour peu que le bivouac soit exempt de circulation ou stillation d’eau…ou de vols de Chiroptères !
Enfin, si le bivouac est quelque peu profondément sous terre, loin de tout accès, l’isolement va s’approcher lui aussi de l’absolu.
Tous ces absolus, complètement inhabituels, vont influer sur nos comportements et notre psychisme. Et possiblement sur nos pensées à l’endormissement ou lors de petits réveils en cours de  nuitée, voire sur nos rêves.

S.J.V. ne peut pas achever cette petite présentation sans évoquer le partage et l’entraide, ainsi que l’amplification possible de ce qui précède lorsque le bivouac est vécu en équipe, petite en nombre de préférence, mais grande par la complémentarité de ses membres, la solidarité et la fraternité authentique qui s’y rencontrent, s’y développent, et en font une aventure humaine aussi conviviale que confidentielle. Et dont on se souvient.

 

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