Alors… ? Ça gaze ? 479

Alors… ? Ça gaze ? 479

26 décembre 2021 carrières diverses Spéléologie 0

Alors … ? Ça gaze ?     479

Il est arrivé plusieurs fois que des membres du club (et bien d’autres ailleurs) connaissent des troubles olfactifs, respiratoires, voire oculaires ou céphaliques lors de visites de grottes, de cavités anthropiques diverses, heureusement sans aucune conséquence notoire connue, ni immédiate ni sous forme de séquelles à court ou moyen terme.
Il est arrivé aussi qu’en voulant utiliser des bougies ou des lampes à acétylène on observe des difficultés à les allumer ou à les maintenir allumées…flammes vacillantes et fumerolles noirâtres à la clé.
Néanmoins, divers facteurs ayant amené la section « subterranologie » à se développer, quelques questionnements sont apparus et se sont multipliés quant aux atmosphères confinées souterraines.
Nous résumons ci-après les réponses données peu à peu, au fil des sorties et infimes incidents des années passées, à l’attention de nos lectrices et lecteurs.

Dans notre atmosphère « normale » de terriens vivant entre zéro et 1000 m d’altitude, pour la très grande majorité des humains, on relève environ 20 à 21% d’oxygène (dioxygène), 78 à 79% d’azote (diazote) et 1% de gaz divers dits « rares » mais aussi « nobles » (Argon Xénon, Néon, Krypton, Radon, tous mis en évidence entre 1890 et 1900) auxquels on n’oublie pas d’ajouter le très (trop) célèbre dioxyde de carbone : CO2 dit « gaz carbonique ».
Pour ce qui nous concerne ici, les gaz nobles et l’azote seront considérés comme neutres, encore que l’azote puisse avoir pour inconvénient de se substituer à l’oxygène lorsque celui-ci est absorbé, fixé, capté, et qu’aucun autre gaz n’est disponible pour compenser…on a alors un air de plus en plus azoté, sans qu’aucun gaz toxique puisse être détecté.
Cet azote peut être libéré par divers processus dont quelque 60% de l’azote contenu dans les engrais qui ne s’incorpore jamais aux plantes et est éliminé des racines pour ensuite contaminer les cours d’eau, les lacs, les nappes aquifères…
Mais dans 99 % des cas, les gaz qui peuvent poser problèmes aux visiteurs des entrailles du sol sont le CO2, le CO, le H2S, et le CH4, soit dioxyde de carbone, monoxyde de carbone, hydrogène sulfuré, et méthane. Très rarement les gaz résultant d’usage d’explosifs : les NOX.

Indépendamment de ces gaz potentiellement toxiques dès qu’une certaine proportion est atteinte, le dioxygène O2 peut lui aussi poser des difficultés, non par son excès (rarissime en milieu naturel) mais par son insuffisance.
Cette dernière peut apparaître par un excès d’azote (rare) ou par captation liée à des micro-organismes vivants ou des réactions chimiques avec certains composants organiques, mais aussi par une surpopulation humaine et/ou animale dans un espace réduit (l’Homme étant un macro-organisme vivant !!!)

Voyons ce qui peut se produire physiologiquement si la teneur en oxygène s’abaisse un peu trop….

  • 14-18% = Fatigue, bâillements
  • 10-14% = Pouls rapide, malaises, vertiges
  •  8-10% = Nausées, évanouissement rapide
  • En Dessous de 8% = Coma en moins d’une minute , arrêt respiratoire, mort.

Les activités physiques sont potentiellement dangereuses en-deçà de 17%.
Si le temps d’activité plus ou moins intense doit durer plusieurs heures, il faut éviter de passer sous la barre de 19 % (au niveau de la mer)
Donc utiliser un oxymètre en milieu gazeux peut être bien utile si on soupçonne une raréfaction de ce gaz vital là où on met les pieds durablement. En caler l’alerte sonore et lumineuse à 18% paraît sage.

Le gaz le plus fréquemment connu sous terre et fort dangereux car physiologiquement indétectable est le Dioxyde de carbone.
Il peut provenir de diverses sources, notamment de la matière organique en décomposition, en ignition, et de l’activité respiratoire animale ou végétale.
A noter que si la proportion longtemps considérée scientifiquement était de 0,03% dans l’air ambiant propre, elle est désormais revue à la hausse et estimée à 0,04%, le petit 0,01% en sus étant en fait une majoration ENORME si on se place à l’échelle de l’atmosphère terrestre totale. Cette élévation est très fortement liée aux activités humaines, notamment des industries, véhicules thermiques et chauffage.
Alors, que se passe-t-il si nous le fréquentons à plus haute dose…?

  •  rien ou presque jusqu’à 0,5%
  • 4% tolérable quelques heures avec ventilation amplifiée et accélérée
  • 10% troubles gênants dont visuels
  • 15% graves troubles, évanouissement
  • 25% mort garantie en quelques minutes.

Les activités physiques deviennent dangereuses au-delà de 2% si elles durent plusieurs heures.
Comme signalé dans plusieurs articles de notre site, nous rappelons que ce gaz a une densité de 1,5 environ par rapport à l’air, ce qui l’amène à se concentrer dans les points bas des cavités, donc près du sol, au fond des puits borgnes, dans les terminus de galeries et boyaux descendants…
De même, les respirations cumulées de plusieurs être humains confinés dans un  espace « étanche » ou très mal ventilé vont-elles rapidement faire augmenter le taux de CO2.
Caler l’alerte sonore et lumineuse à 3% paraît raisonnable (mais rien n’empêche de surveiller de près les signes corporels car nous ne sommes pas tous aussi sensibles ou résistants les uns, les unes, les autres). Mesurer le taux en tenant les détecteurs le plus bas possible peut aussi permettre un repérage anticipé.

Passons à un gaz plus rarement trouvé dans les grottes (sauf si elle servent de poubelles ou recueillent des déjections animales) mais plus fréquemment dans les souterrains et caves, et surtout dans les égouts, où les matières organiques accumulées ne sont évidemment pas rares.  C’est H2S…très toxique, et très sournois.  Il a une odeur typique d’œuf pourri, facilement décelable donc, mais à faible concentration seulement.
En forte concentration il passe inaperçu, car on observe une narcose olfactive dès 0,01%.
Troubles respiratoires et nerveux.

  •  0,01% sans danger sur une heure
  • 0,03 % irritations des yeux, de la gorge, une toux douloureuse, souffle court.
  •  0,08 % danger de mort, troubles graves avec séquelles durables.
  • 0,1 %  Mort garantie en quelques minutes avec convulsions.

Il semble donc recommandé de caler l’alarme des détecteurs à 0,02% tout en surveillant l’évolution du taux et des comportements de chacun(e). Ne pas se fier à son seul nez…ou plutôt s’en méfier si on sent l’odeur dans les premiers instants puis de moins en moins car c’est plutôt un signe d’aggravation que d’amélioration !

Il nous reste le très violent monoxyde de carbone  : CO le gaz qui tue, et extrêmement dangereux en ce que l’empoisonnement n’est pas réversible, sauf par traitement en caisson hyperbare, ou très lentement par remplacement progressif des hématies atteintes de notre sang par des nouvelles, nées dans la moelle de nos os longs.
Qui plus est, totalement indétectable par nos organes des sens, et d’une densité quasi égale à celle de l’air, donc partout dans l’atmosphère sans gradient de répartition.
Compte tenu de sa dangerosité nous reproduisons un tableau très précis :

CO (ppm) % CO dans l’air Symptômes
100 0,01  
200 0,02 Maux de tête, vertiges, nausées, fatigue.
400 0,04 Maux de tête intenses, danger de mort après 3 heures.
800 0,08 Maux de tête, vertiges, nausées. Perte de connaissance en 45 min, décès après 2-3 heures.
1600 0,16 Symptômes sévères après 20 min, décès endéans l’heure.
3200 0,32 Maux de tête, vertiges, nausées après 5 min, perte de connaissance après 30 min.
6400 0,64 Céphalées et vertiges après 1 à 2 min, perte de connaissance après 10-15 min.
12800 1,28 Perte de connaissance immédiate, décès en 1 à 3 minutes.

De là, il semble sérieux de caler l’alerte des détecteurs à 0,01%
Le plus souvent ce gaz provient d’une mauvaise combustion de matières diverses, dont les moteurs de machines et les chauffages.
Le rencontrer dans les grottes est donc peu probable comparativement aux cavités anthropiques.

Néanmoins, il existe d’autres sources …
Le CO est en effet produit naturellement par oxydation du méthane dans l’atmosphère et photodissociation du carbone. Les autres sources naturelles du CO sont les océans, les feux de prairies et de forêts, les volcans, les gaz des marais et les orages. La germination des graines et la croissance des semis par action des micro-organismes ainsi que les flotteurs des varechs sont d’autres sources naturelles, plus mineures, de CO.
De cette énumération ressort un risque potentiel dans les grottes volcaniques (tubes de lave, poches magmatiques évidées…), les grottes marines, les grottes et carrières polluées par des amas d’excréments issus d’élevage en surface, par exemple.

Ceci amène à considérer le méthane comme un gaz que l’on peut  aussi rencontrer…hélas !
Il n’est pas réputé directement toxique et jusqu’à 5% il ne provoque pas de réactions particulières
Il ne se fixe pas dans le sang comme les précédents Co, CO2 et H2S, mais sa dangerosité réside en ce qu’il déplace le taux d’oxygène en s’ajoutant à la teneur en azote.
à 14% présent, il abaisse le taux d’oxygène à 18% ce qui commence à créer de légers désordres physiologiques.
Ceci nous ramène donc au début de l’article concernant la raréfaction de l’oxygène….plus il y aura de méthane et moins on aura d’oxygène pour une pression égale.
Mais…ce gaz combustible présente un autre danger qui est son caractère inflammable et explosif qui peut se manifester dès 5% !
On pourra donc caler les détecteurs de gaz méthane à 0,02% en alerte sonore et lumineuse tout en contrôlant l’affichage

A titre anecdotique on parlera ici des NOX… dont NO2
On n’est censé le connaître que dans les cavités où des explosifs ont été utilisés depuis peu de temps, donc très rarement d’autant que des panneaux préventifs doivent être apposés.
Cependant, comme il peut être  toxique dès 0,0001% avant même qu’on les détecte par l’odorat à compter de 0,0005 %, on s’en méfiera.
Très dense, le NO2 se « tasse » près du sol.
Il est soluble dans l’eau ce qui permet de le « capturer » (s’il y a de l’eau !)
Ce qui provoque :

  •  0,0003% sans conséquence particulière
  •  0,002 % danger, irritation occulo-pharyngée et respiratoire (toux) ne pas dépasser 1 heure
  •  0,004%  Nausée, vomissement, perte de connaissance,  cyanose.
  •  0, 005 % et plus chute de tension artérielle, asphyxie, mort.

Son odeur étant très forte et caractéristique, âcre et irritant, et teinté de rouge brique, très désagréable bien avant le seuil toxique, il est facile de le repérer sans recours à un détecteur.
En cas d’exposition durable par la contrainte (éboulement rendant prisonnier par exemple, ou membre fracturé empêchant la fuite) les conséquences sont graves car en cas d’exposition importante on peut déplorer des  intoxications de l’appareil respiratoire avec toux, dyspnée (gêne respiratoire), et hémoptysies (rejet de sang lors d’un effort de toux)…tout cela pouvant hélas rapidement dégénérer.

Après ce petit exposé, certaines et certains pourraient décider de ne plus jamais aller se fourrer sous terre !
Il est donc bon de dire que ces occurrences sont tout de même fort rares surtout dans les niveaux très toxiques, et que s’il existe des détecteurs de gaz, ce n’est pas pour « des prunes »…donc, en cas de risque supposé (cavités profondes, exigües, sans ventilation, polluées…) il suffit de s’en doter pour parer à tout coup.
Par ailleurs dès l’apparition de signaux physiologiques de base (odeurs louches, essoufflement, céphalées légères, déséquilibres, lourdeur des membres, nausées,…) ou la découverte d’animaux morts en nombre sans explication évidente, ou le vacillement des flammes ouvertes…etc., il convient de renoncer et de battre en retraite rapidement, jusqu’à éclaircissement de l’affaire !!!

Et là, ça ira, on pourra répondre que « Ça gaze ! »

NDLR : C’est à l’époque 14/18 que les pilotes ont dû, pour la première fois, « mettre les gaz ». Si le pilote ne met pas les gaz, l’avion ne décolle pas. D’où cette interpellation, née entre aviateurs guerriers : « Alors ? Tu as mis les gaz ? » qui fut bien vite raccourcie par l’usage en un joyeux « Alors ? Ça gaze ? »

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