Initiation au Puits Bouillant 808
Initiation au Puits Bouillant 808
Comme il l’avait été envisagé, nous retrouvons Lianchao et Duc pour leur première vraie sortie spéléologique, leurs précédentes excursions souterraines n’ayant été « que » subterranologiques, complétées par des sorties de formation en milieu extérieur, ce qui est assez loin d’être équivalent…
Comme c’est souvent le cas pour notre association, la cavité d’élection est la rivière souterraine de Saint-Aubin-Château-Neuf, pour sa relative proximité ( moins de 200 km), sa relative facilité d’exploration, et l’aspect « vivant » de sa rivière.
Bien évidemment, rien n’est parfait, on n’y trouve pas de verticale hormis son grand puits d’accès, il y a beaucoup d’argile, ça colle et ça glisse sous les pieds, l’eau c’est chouette mais c’est froid (!!!) et surtout, il n’y a pas beaucoup de concrétions, du moins dans le parcours classique. Et ce n’est pas bien long sous terre … pour 5 heures de route a minima.
Mais il faut faire avec ce que l’on a…c’est pourquoi nous étions avant midi aux abords de l’entrée de cette cavité, dotés de la clé d’accès aimablement remise par Bruno. (C’est à dire une heure plus tard que prévu !)
On a commencé tout bonnement par déjeuner, car, finalement, l’heure s’y prêtait, et que cela faciliterait l’évolution souterraine.
Comme bien souvent avec les novices, l’équipement personnel prend du temps, mais c’est essentiel de s’y appliquer.
Vers 13 heures, le puits était équipé, avec une belle symétrie, car deux cordes posées, mains courantes, noeuds « Mickey », sangles de rappel d’amarrages, neutralisation de la plaque d’entrée, dragonnage de la grille de sécurité…
Duc ayant une petite expérience à son actif se voit confier de descendre en premier.
Néanmoins, bien que muni d’un descendeur « stop » et que ce puits peu large soit agrémenté d’une bonne grosse échelle fixe sur toute sa hauteur de 29 mètres réduisant fortement le risque d’une chute prolongée, Duc verra sa corde porteuse d’un noeud de batelier tous les 4 mètres, formé sur un mousqueton non virolé.
De la sorte, en cas de lâcher de corde compliqué par une crispation sur la poignée du « stop », il n’irait pas bien loin.
Quant à sa pratique, il lui suffira, sans lâcher sa corde, de retirer facilement le mousqueton d’un noeud (qui n’a pas été serré sous charge) avec sa main libre, pour repartir de plus belle !
Arrivé en bas, sans aucune difficulté, il a pris le rôle d’assureur pour Lianchao…qui, au début, et bien naturellement, a été assez impressionnée par ce grand trou vertical d’un peu plus d’un mètre de diamètre, en voyant la toute petite lampe de Duc, tout en bas.
Mais la maîtrise d’elle-même reprend vite le dessus, et c’est parti ! Très lentement et avec des saccades, puis de mieux en mieux, en souplesse.
Le dernier à passer avait encore à rabaisser la grille de sécurité, la cadenasser, et accrocher la clé un peu plus bas, meilleur moyen de ne pas la perdre dans la grotte, et aussi, assurance que n’importe quel équipier remontant pourra ouvrir et sortir !
Une fois réunis au bas du puits, et les excédents de corde bien rangés, en plus d’être fixés pour éviter l’éventuelle petite « farce » de voir les cordes soutirées d’en haut, on commence la visite…
La rivière coule peu, mais son eau très limpide laisse bien voir son lit gravillonneux de couleurs diverses, allant du noir au blanc en passant par la gamme des jaunes, marrons, gris…
On atteint très vite le premier petit muret puis le mur d’Aristide, destiné à l’époque à créer une forte retenue d’eau pour actionner un « bélier hydraulique ». [il semblerait qu’il n’ait jamais fonctionné (?)]
Ce mur-barrage laisse actuellement l’eau s’écouler par deux gros orifices existant à sa base, ces derniers évitant aussi l’accumulation excessive de sédiments argileux, qui rendraient le passage très pénible.
Il peut apparaître à n’importe qui que l’obstruction de ces ouies amènerait rapidement à une montée du niveau de l’eau en arrière de ce mur…
Or, en arrière, on peut constater que la suite est une galerie assez basse, plus basse que le haut du mur ! Donc susceptible de se remplir et de ne plus permettre un passage autrement qu’en apnée.
Néanmoins, il faut relativiser car le « remplissage » de cette galerie surbaissée implique aussi le remplissage partiel de la galerie qui est en amont, sur plusieurs dizaines de mètres…soit un très gros volume, ce qui demanderait beaucoup de temps avant un ennoiement qui ne permettrait plus de pouvoir encore respirer au ras du plafond !
A rebours, le scénario d’une inondation totale du conduit aval est absolument réaliste, du fait de la limite de l’écoulement terminal, car il a été observé que l’eau pouvait remonter de plusieurs mètres ( 7 m en 1981) dans le puits d’accès !
Mais aujourd’hui, les orifices sont bien ouverts et il n’y a aucune prévision de forte pluie au-dehors…ouf !
On continue donc, très sereinement….après avoir mis de côté le matériel qui ne sera plus utile avant de ressortir.
L’entassement de gros blocs de roche contre le mur et la grande encoche technique à son sommet facilitent grandement le franchissement, même aux personnes de petit « gabarit », et le premier bout de galerie obligeant à se courber peut donner à penser que les 600 mètres à parcourir (annoncés au départ) vont être laborieux et désagréables…
Fort heureusement, le « plafond » se relève, et on peut apprécier sur quelques mètres le débouché d’un affluent dit « agressif » en ce qu’il creuse peu à peu son lit.
On passe alors dans un tronçon aux parois riches en argile, un peu déjeté, qui s’élargit et présente quelques passages marqués de la chute de gros blocs obligeant à un peu de grimpette facile, ce qui rompt avec une relative monotonie de progression.
Selon l’humeur et les goûts, mais aussi selon la morphologie de chacun(e) et les facilités motrices, on peut franchir ces obstacles par-dessous ou par-dessus, ou encore latéralement en jouant de l’opposition…mais toujours avec une certaine prudence car tout est glissant !
On atteint alors un secteur plus animé, où la rivière est chantante, et en ce jour où son eau est d’une grande limpidité, on ne peut ignorer l’esthétique de son cours, qu’il s’agisse du lit ou des parois, dont certaines peuvente être suivies des yeux sur une grande hauteur.
La cavité est assez pauvre en concrétions, à ce niveau d’évolution, et elles sont souvent glaiseuses, mais on peut tout de même en rencontrer quelques-unes si on s’y applique.
De ruisseau sautillant on passe progressivement à un petit torrent avec cascatelles, certaines tombant dans les vasques de marmites dont les dimensions ne permettent plus une simple marche.
Le choix s’offre alors de les franchir carrément dans l’eau jusqu’à la taille voire aux épaules, si on n’est pas frileux ou si on est doté d’un « shorty » ou équivalent en néoprène mince, ou bien en s’exerçant à la varappe avec bottes et gants sur roche mouillée voire boueuse, ce qui n’est pas une évidence !
Ce jour, on évitera le bain voulu ou forcé, ce qui était préférable !
Ces passages offrent un divertissement mais sont aussi des moments ou l’entraide verbale, technique ou physique peut de déployer, révélant un des aspects positifs de la spéléologie.
Toute cette partie de galerie active, de marmite en marmite et entre parois très vives, richement découpées, est fort esthétique, et les photographies ne manqueront pas !
On arrive alors à la troisième partie, en galerie confortable, et dans laquelle s’estompe peu ou prou la présence d’une rivière vive, de moins en moins visible ou audible, avec un cheminement sur d’anciens éboulements colmatés d’argile, et de discrètes arrivées d’eau latérales (inactives en cette période pauvre en précipitations externes), jusqu’à remettre les pieds dans la rivière calme peu avant le fameux siphon qui marque la fin de la promenade.
Dans les deux cents derniesr mètres, il est clairement apparu des essoufflements « anormaux » lors d’efforts, qui trahissent un air dont la composition standard est modifiée, par excès de CO2 d’une part et raréfaction en O2 d’autre part, caractéristiques connues de cette cavité, qui peut parfois devenir infréquentable sans risquer de sérieux ennuis.
Du fait de cette observation in-vivo, nous ne tenterons pas la visite partielle du réseau « fossile », car il est généralement encore plus propice aux anomalies gazeuses, et demande des efforts physiques plus intenses, cette association de circonstances imposant d’être prudent et de savoir renoncer.
Une petite pause d’observation et de réflexion, un peu de boisson et un bout de chocolat (au lait et aux noisettes !), et il faut repartir avant d’être refroidis…
Ce retour permit de bien profiter des lieux, car un certain « stress » lié à la découverte de l’inconnu a fait place à davantage de plaisir à évoluer et observer, bien que, cette fois, l’eau ne soit plus transparente… à cause de nous !
Comme souvent, il y a moins d’appréhension prospective et moins d’hésitation à se mouiller un peu, et on retrouva le mur d’Aristide sans aucune difficulté.
Ce dernier franchi eut lieu une activité peu répandue dans les clubs de spéléologie à cet endroit, sous la forme d’un brossage réciproque des combinaisons des pratiquant(e)s, chacun(e) sur soi !
Cette petite animation réclame un certain temps et amène à être un peu plus mouillé(e), mais sans inconvénient car la remontée du puits est toute proche et ne maquera pas de réchauffer les corps !
Ayant récupéré et réinstallé les matériels déposés dans un petit coin à l’aller, on rejoint le bas du puits, où il va être facile de gravir quelques échelons, de s’assurer sur un bloqueur de poitrine à flux continu, puis de progresser à son rythme, l’échelle fixe permettant autant de pauses relaxantes que nécessaire.
De plus, la double corde autorise une remontée synchronisée de toute l’équipe, personne n’a besoin d’attendre qu’une corde se libère, inactif et réfrigéré !
La remontée pourrait aussi être effectuée en via ferratisme sans ligne de vie, en passant longe après longe tous les trois barreaux, ces derniers acceptant les mousquetons…mais on a préféré ici la technique hors-longe, plus adaptée à notre projet.Sortie tranquille du puits, séance de photographies d’immortalisation du baptème spéléologique, déshabillage, rhabillage, déséquipement, rangement, fermetures, nettoiement, vérification générale…
17h30, déjà…il faut rapporter les clés !
Deux cents petits kilomètres plus tard, vers 20h45, l’équipe achève cette aventure à Villeparisis, il ne reste plus qu’à rentrer à domicile. Avec un peu de séchage et rangement au programme de demain…
8 heures/21 heures, une bonne petite journée où, hélas, près de 6 heures et 25 litres de carbutant ont dû être « brûlés », mais qui fut bien agréable et profitable à chacune et chacun…en attendant les prochaines aventures, la semaine qui vient !
Programme envisagé autrement plus complet et soutenu sur quatre jours…
On montera en puissance !