L’art de la main courante 488

L’art de la main courante 488

16 janvier 2022 Spéléologie 0

L’art de la main courante        488

Les mains courantes sont ces dispositifs de corde, de chaîne, de fil de fer, de câble, de barre, qui servent soit à s’approcher d’un point particulier, soit à franchir un passage difficile et/ou exposé au danger, horizontal ou oblique
Elles peuvent être une simple aide à la progression, un simple élément de sécurité, ou carrément un dispositif indispensable au franchissement en plus d’être sécuritaire.

Selon ces destinations, leur choix diffère, bien que la simple règle « Qui peut le plus peut le moins » soit souvent la plus simple à appliquer !
Dans cet article, on ne traitera que des mains courantes en corde, les autres modèles étant presque toujours des installations fixes.
Les mains courantes en corde peuvent être éphémères ou durables, sachant que, dans ce dernier cas, une surveillance régulière doit être observée, et que la durabilité est discutable selon plusieurs critères (nature, diamètre et âge de la corde, fréquence et intensité d’utilisation, environnement plus ou moins difficile selon l’abrasion, la température, la chimie de la roche…).

C’est donc surtout de leur confection dont on parlera ici…
La première règle universelle, est que les extrémités d’une main courante doivent bénéficier d’amarrages irréprochables.
Soit l’amarrage initial ou terminal est unique car réalisé directement avec la corde (pas de connecteur, pas de sangle…) et sur un support lui-même irréprochable (gros arbre, poteau télégraphique, piquet d’acier fort, barrière solide, voiture immobilisée…), soit il faut le doubler selon les préconisations habituelles.


Les nœuds utilisables dans le premier cas sont divers, les plus usuels étant le huit tressé avec tour mort sur le support si un glissement potentiel de la corde est important, le nœud de chaise sécurisé, ou trois demi-clés…mais bien d’autres nœuds sont possibles.
Dans le second cas, outre la bonne et classique solution de deux nœuds en huit sur ganse (primaire et secondaire) on dispose d’une collection de nœuds dits « en Y », plus ou moins répartiteurs de charge (Soa, Mickey, Chaise double sécurisé, Fusion…).

Le cas des extrémités résolu, on se porte sur les nœuds intermédiaires. Là encore, diverses solutions sont possibles !

Bien sûr le nœud de huit sur ganse reste le fondamental, à condition toutefois de réduire la ganse au plus court pour réduire le « mou » de l’amarrage, et de s’assurer que la corde ne frottera pas trop car c’est un nœud volumineux.

Le nœud de batelier (mal nommé « cabestan ») offre pas mal d’avantages ( aisément réglable, permet des MC très tendues, peu volumineux, économe en corde, facile et rapide à faire, et les deux brins sortent opposés…) mais un gros inconvénient : difficile à défaire un fois serré par des charges.
Une première parade est d’utiliser des mousquetons dont le section est inégale, ce qui permet de débloquer la corde en opérant une rotation du mousqueton dans le nœud.

 

La seconde parade est d’utiliser des mousquetons à virole mince ce qui peut permettre leur retournement dans l’amarrage et le déclipage…il est plus facile ensuite de les désunir de la corde puisque totalement manipulables. Mais cela suppose que l’œil de la plaquette ou de la broche soit suffisamment grand pour autoriser le passage de la virole.
On peut aussi en arriver à n’utiliser que des mousquetons sans virole, ce qui n’est pas une hérésie, car couramment utilisés en spéléologie « légère » de pointe.
Le Nœud papillon, le nœud techniquement et esthétiquement roi pour cette utilisation, qui permet une opposition des brins sortants et un réglage optimal du niveau de la MC selon le positionnement des amarrages, évitant le zig-zag vertical souvent inconfortable parfois même dangereux.

Les nœuds « slaves », méconnus et pourtant très faciles à faire, à défaire, et peu gourmands en corde…leur seul inconvénient étant de prendre de la place dans le mousqueton (3 brins au lieu de 2 ou 1).
Le nœud Tête d’alouette, souvent décrié, et qui pourtant se comporte très bien en tant que nœud intermédiaire, car même s’il advenait qu’il glisse d’un côté, il tendrait l’autre côté…ce qui, dans le cadre d’une MC tendue, justement, amène plutôt à une amélioration à la pose ! Nœud extrêmement facile à faire et défaire, le plus économe en corde, peu volumineux…
La Tête d’alouette vrillée, qui élimine le reproche précédent (encore que le glissement ne soit pas si évident que cela…si la Tête d’alouette est bien serrée avant usage).
Cette  liste des nœuds utilisables n’est évidemment pas exhaustive…

 

Concernant les amarrages…les MC engendrent fréquemment des frottements aux nœuds, c’est pourquoi choisir des nœuds peu volumineux est intéressant. Mais il est surtout judicieux de faire en sorte que les mousquetons soient perpendiculaires à la paroi…plaquettes coudées ou pliées (Wing) par exemple ou broches posées dans un plan horizontal, autant que possible, ou broche en plan vertical à anneau soudé…. Dans les cas les plus durs, poser deux mousquetons pour obtenir ce résultat sera judicieux en dépit de l’inconvénient d’une MC « molle » qui en découle.
Quand cela n’entraîne pas trop d’inconfort ou le risque d’une suspension exagérée en cas de chute, moins il y aura d’amarrages et mieux on se portera, car cela limitera le nombre de manipulations et les risques d’erreurs. Par ailleurs, en MC bien tendue, plus le tronçon est grand et moins grande sera la force appliquée aux amarrages en cas de chute.
Dans le cas des MC avec appuis de pieds, poser la MC à « hauteur d’homme » est préférable, car plus la MC est haute (sans exagérer non plus !) et plus l’éventuelle chute sera courte, plus le rétablissement sera aisé.
Pour les MC sans appui de pieds, c’est plutôt l’inverse…et mieux valent 10 tronçons d’1 mètre un peu mous que trois de 3 m tendus, car la progression pourra s’appuyer systématiquement sur les amarrages, en direct, donc fermes !

Il y a intérêt a rendre les manipulations aisées, c’est à dire avec une visualisation claire et une corde à hauteur des épaules, en moyenne.

S’agissant de l’équipeuse ou de l’équipeur, il y a toujours deux méthodes connues, soit sur un bloqueur en tension en bout de longe, soit sur descendeur (le « Stop » étant ici fort pratique, moyennant un petit nœud de vache en sécurité aval). Une pédale mobile, en sus de la pédale sur poignée, rend souvent bien des services et économise l’énergie !
Rallonger la longe de 1 ou 2 mousquetons peut aussi faciliter les choses lorsque l’amarrage suivant semble très (trop) loin…

Pour ce qui est ensuite de l’usage, lorsque les longes ne peuvent être passées directement d’amarrage en amarrage, se confectionner une demi-longe à mousqueton pour faire un « téléphérique » sera certainement bienvenu…
Le démontage de la MC se réalise soit en se longeant à l’amarrage qui suit à reculons, soit en tension avec bloqueur de poing ou poignée longés sur la corde. Il est souvent difficile d’ajouter le bloqueur poitrinaire ou ventral, sauf en oblique remontante…car il faut alors se contorsionner, et ça le fait généralement travailler de travers en plus d’entraver les mouvements.
Il n’est pas prudent de se contenter de défaire les amarrages ou seulement les connecteurs si les amarrages sont fixes, et de laisser tout ça pendouiller, car le risque d’un coincement quelque part est bien réel.

Le mieux est donc de démonter la MC au fur et à mesure, connecteurs et nœuds, et de tout ranger progressivement dans le sac ou à la ceinture, sauf cas particulier où le temps est compté et/ou la situation critique (démontage sous arrosage par exemple, éclairage à bout de souffle…).
Mais si vraiment « ça va mal », il devient peut-être encore plus sage de filer sans démonter quitte à revenir plus tard !
Il existe des sorties où une main courante est posée par le premier ou la première et aussitôt démontée par le dernier ou la dernière, soit en cas de « traversée », soit pour économiser le port de matériel encombrant, en usant d’un matériel réduit qui sert plusieurs fois de suite. C’est évidemment un choix et un pari…avec avantages et inconvénients, comme pour tout choix !
Il faut être bien sûr de pouvoir  poser les MC successives dans les deux sens de passage, et faire drôlement attention de ne pas « perdre » ce matériel unique à usage multiple… 🙂 !  Calculer aussi le temps de pose multiplié par deux…

Si l’intitulé de l’article parle d’un « art » de la MC, ce n’est pas pour l’apparat mais bien pour le vécu de terrain…car entre une MC mal fagotée et une MC installée dans les règles de l’art, il peut y avoir un monde, avec à la clé de la peine ou du plaisir, 5 minutes ou un quart d’heure (refroidissement en sus…) pour le passage d’une équipe…des remerciements ou des reproches !!!

 

 

Comme pour bien des entreprises, l’expérience multipliée et la pratique régulière sont irremplaçables dans ce domaine, en plus de la connaissance des voies…et mieux vaut une équipière ou un équipier souvent à la tâche, sur voies diversifiées qu’un gentil cadre breveté qui ne sort et n’équipe que 4 fois par an des passages faciles !
Une bonne et belle MC réclame de la technique, des connaissances, et surtout une analyse et une réflexion sur place, tenant compte notamment de la composition de l’équipe qui va suivre.
Ça ne s’apprend pas que dans les livres ni avec des vidéos et autres « tutos », même si on peut y puiser quelques informations utiles…il faut du terrain, du terrain, du souterrain, de l’aérien…du vécu.

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