Les fontis du gypse…on en parle ! 372

Les fontis du gypse…on en parle ! 372

10 janvier 2021 carrières diverses 0

Les fontis du gypse…on en parle !     372

la section « subterranologie », toujours active, rencontre très fréquemment des fontis dans les zones dont une partie du sous-sol est gypseux, relativement abondantes en région parisienne.
Il y a souvent confusion de termes, de nombreuses personnes qualifiant de « fontis », par abus de langage, les cloches de détente ou coupoles de chute de ciel observables en souterrains et carrières. 
On ne doit appeler « fontis » qu’ un effondrement de la surface du sol conséquemment à la remontée au
jour d’un éboulement amorcé au cœur  d’une cavité souterraine. 
La venue au jour d’un entonnoir de fontis est la phase finale d’un processus qui peut durer des années voire des décennies.

La première phase est une chute du toit (de ciel) d’une galerie et, plus fréquemment encore, d’un croisement de galeries. 
Les strates du ciel subissant des efforts de flexion de par la masse des terrains sus-jacents, et même des efforts de cisaillement, finit par céder, sa résistance à ces forces devenant insuffisante.
Bien évidemment, cette survenue dépend de nombreux facteurs qui s’additionnent, dont l’épaisseur du mur de ciel, son homogénéité, son intégrité structurelle, la masse et les caractéristiques des terrains qu’il supporte…
S’ajoutent à cela les effets de circulations d’eau, les mises en vibration, les effets de la dessiccation-rétractation, ou au contraire de l’imprégnation hydrique-gonflement, d’éventuelles contraintes liées à des poussées végétales racinaires ou à la charge végétale extérieure…c’est donc un système d’équilibre/déséquilibre assez complexe.
L’élément majeur reste la surface libre de ciel, car il est évident que plus elle est étendue et plus le risque de rupture est grand.

La seconde phase, après cette chute de ciel initiale, est généralement décrite comme une remontée de voûte.


C’est à dire une succession de chutes de ciel, soumise à l’ensemble des facteurs sus-énumérés, mais son développement est variable en fonction de la nature des strates.
Le cas le plus rare est celui des roches peu résistantes, très sensibles au cisaillement qui tendent à se briser verticalement et peuvent créer une sorte de cheminée approximativement cylindrique, le diamètre des ciels successifs restant donc à peu près constant.
Lorsque les roches sont cohérentes et plus résistantes, les ciels successifs tendent à se réduire, et cela amène des formes voûtées dites « cloches » ou « coupoles ».
Enfin, si les roches sont peu cohérentes, sableuses, terreuses, granuleuses, on observe plutôt l’inverse, les ciels tendant à s’accroître, formant un « vase » ou une « coupe ».

La troisième et dernière phase correspond à la formation du fontis proprement dit.


Elle se produit lorsque les dernières strates, dont celle composant le sol extérieur, s’éboulent à leur tour, avec une forme de cratère aux parois plus ou moins verticales.
Avec le temps, sauf si les roches de la paroi sont très cohérentes et résistantes, la paroi deviendra de moins en moins « raide » du fait de l’éboulement des terrains marginaux, les pentes avoisinant alors 30 à 45 °.
Les fontis ont des dimensions très variables selon :

  • Le volume et les dimensions relatives (longueur, largeur, hauteur) du vide original
  • La profondeur de l’exploitation à laquelle apparent ce vide
  • La nature des terrains de recouvrement et, tout particulièrement des couches les plus proches de la surface. 
  • De l’état d’imprégnation hydrique des terrains.Dans la plupart des cas, les fontis n’ont pas une dimension excédant 10 à 15 mètres de diamètre sauf s’il ne s’agit plus que de l’éboulement d’un ciel de galerie(s) mais de la défaillance d’un ou plusieurs piliers de soutènement…on parlera alors d’affaissement de terrain et non plus de fontis.
    Quant à la profondeur, elle est souvent assez peu marquée, de quelques mètres avec quelques exceptions allant jusqu’à 10 mètres, notamment au-dessus des carrières de gypse de haute-masse avec peu de recouvrement, les galeries pouvant atteindre 15 voire 18 mètres de hauteur…C’est alors inquiétant si la « couverture » n’est pas très importante !

L’ennui de cette ultime phase, c’est qu’elle est souvent brutale, provoquée par un déséquilibre de surface, tel qu’un ou plusieurs orages importants qui vont gorger les terrains superficiels d’eau en plus de saper la partie inférieure encore souterraine, ou tel que le passage d’un engin lourd.


Dans presque tous les cas, cet événement est grave, voire très grave pour les routes et constructions diverses qui sont déstabilisées, déformées, fracturées…même si le mouvement de terrain reste faible.
Concernant les personnes, la gravité est le plus souvent minime, plus de peur que de mal, le plus dangereux étant d’ailleurs de se trouver sur le bord du cratère en formation plus que d’être au beau milieu !
Sur le bord, dans les cas de paroi « raides », il y a en effet risque de chute d’une part, puis risque d’ensevelissement d’autre part si la dénivellation créée est importante.
L’intérêt pour les subterranologues est que ces cratères peuvent parfois permettre l’accès aux galeries profondes…On ne saurait insister ici sur la dangerosité à s’aventurer dans ce genre de passage, mais…il appartient aux aventuriers et aventurières de juger de cela sur site.
Ce peut être un jeu de roulette russe à 5 balles réelles dans le barillet, qu’on se le dise !!!

Il y a eu bien sûr de nombreux techniciens et chercheurs qui ont élaboré des modèles d’étude, et engendré des formules de calcul  pour essayer de prévoir trois choses :

  • les dimensions probables du fontis venu au jour en fonction de nombreux facteurs
  • la probabilité de survenue d’un effondrement souterrain, puis de la venue au jour du fontis correspondant
  • la naissance puis la vitesse d’ évolution de la remontée de ciel

Il va sans dire que cela peut finir par donner des équations monstrueuses, dont nous ne parlerons pas ici, et dont la fiabilité reste trop aléatoire pour s’y fier aveuglément !
Des esprits pragmatiques et empiriques ont, précédemment, établi des rapports beaucoup plus simples, qui ne peuvent que donner une valeur indicative, mais valorisée par l’expérience de  divers observateurs, dans diverses carrières et les expériences certes rustiques mais tout de même instructives qu’ils ont pu mener.
De leurs formules on peut parler ici car extrêmement simples !!! Mais seulement indicatives répétons-le !

On se limitera à trois exemples :
La formule historique NCB (anglaise et d’appliquant aux mines de charbon) dite «  »H10 ». C’est à dire que si les terrains supérieurs sont 10 fois plus épais que la hauteur du vide générateur, pas de fontis à voir venir au jour.
Si on se contente de transposer à une carrière de gypse de 3 m de hauteur, 30 mètres de strates au-dessus suffiraient à anéantir le risque de fontis visible. Mais pour de la première masse à 15 m de hauteur de galerie, il en faudrait…150 m !
La formule de Vachat, beaucoup plus prudente… »H15″…Bigre ! 225 mètres de strates pour neutraliser une remontée de voûte partant d’un vide de 15 m !!!
On voit bien le côté « estimatif » renforcé par un principe de précaution, déjà en marche à cette époque…il y a quarante ans !

Formule de Pigott :  Z (hauteur de remontée de voûte possible) = 3 x H (hauteur du vide initial) : f -1 (f étant un coefficient de foisonnement). ceci peut être utilisé avec un tableau des coefficients : 

Sables                                                 1,1                           1,01
Formations de sub-surface      1,1 < f < 1,2           1 < f < 1,1
Marnes                                         1,2 < f < 1,3           1 < f < 1,1
Craie / Roches tendres             1,3 < f < 1,5        1,2 < f < 1,4
Gneiss / Roches dures                   f > 1,4                    f > 1,4

Ces valeurs (première colonne terrains à sec, seconde colonne terrains gorgés d’eau) résultent d’un retour d’expérience de plusieurs années dans différents contextes miniers ou carriers français …mais c’est évidemment une approche simplificatrice.
Dans le cas du gypse, surmonté essentiellement de marnes, une carrière de 3 à 4 m de hauteur supposerait 45 mètres de recouvrement pour éviter absolument une remontée de fontis…ce qui est plutôt réaliste.

Plutôt que se concentrer exclusivement sur l’hypothèse de la remontée inéluctable, on peut aussi s’intéresser aux cas où, justement, ce n’est pas inéluctable, sans interventions humaines…celles que des générations de carriers et mineurs se sont évertués à mettre en œuvre !

Une remontée de voûte peut être stoppée par la pyramide d’éboulis formée, qui, du fait du foisonnement des terrains, finit par avoir un volume supérieur à celui qui préexistait (volume de base de la galerie ou du croisement ajouté aux volumes latéraux des éboulis. (Ce que globalise à peu près la formule de Pigott)
Une remontée de voûte peut être stoppée par une auto-stabilisation, la voûte se comportant un peu comme celles, artificielles, de l’époque romane ! Cela nécessite des bancs cohérents et très peu fracturés.


Enfin, il peut se trouver une strate suffisamment épisse et résistante pour former un plafond-dalle stable que les couches supérieures ne feront pas céder sous leur pression, même alourdies d’une masse d’eau et devenues alors plus plastiques.

Pour conclure, tout subterranologue doit considérer qu’une coupole ou cloche est toujours a priori dangereuse, et susceptible d’évoluer à tout moment, sans aucun signe précurseur…et, en toute logique, éviter de séjourner dessous !!!
Tout promeneur ou randonneur ou campeur…etc. doit considérer que les terrains qu’il parcourt, s’ils recouvrent des galeries de mines ou de carrières ou de souterrains, peuvent connaître brusquement un fontis dangereux pour eux si ces vides ne sont pas surmontés d’une épaisse séquence de strates. 
Bien évidemment, la probabilité que ce phénomène survienne au moment et à le droit où il se trouve est extrêmement faible, d’où des statistiques « rassurantes »…en moyenne 10 fontis notoires par an dans toute la région parisienne !
Et les très rares accidents corporels ou mortels ne sont relatés que dans les secteurs urbains très peuplés (immeuble effondré  à Clamart en…1961, qui fit plus de 20 morts et 50 blessés.
Cette grande relativité n’empêche pas de rester prudent dans les endroits les plus menaçants…

 

 

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