Initiation à la subterranologie 698

Initiation à la subterranologie 698

22 octobre 2023 carrières diverses 0

 

Initiation à la subterranologie          698

A la faveur d’une annulation de randonnée sportive pour cause de fortes intempéries annoncées (qui ne furent finalement que mineures), une petite initiation d’Abdelhafid à la subterranologie fut mise en place.
Pour cela, on a choisi une carrière complexe, taillée dans le calcaire lutétien (45 Millions d’années environ), dans un banc fossilifère plutôt riche, offrant de multiples entrées à flanc de coteau. 

 

 

Il existe aussi des puits d’aérage, et plusieurs galeries présentant des vestiges d’exploitation de la pierre, d’exploitation champignonniste, mais aussi des concrétions, des traces d’occupations humaines…c’est à dire de multiples sujets d’observation et d’intérêt.
Car ce qui caractérise la subterranologie, c’est justement la grande diversité des sujets auxquels on peut s’attacher, et celle des démarches que l’on peut adopter au sein des cavités anthropiques ou gravitant autour…

 

  • bibliographie, documentation
  • cartographie, topographie, orientation, toponymie
  • enquête locale
  • hydrologie
  • géologie, pétrologie, minéralogie
  • phytologie, zoologie, mycologie, biospéléologie, paléontologie
  • histoire, archéologie
  • technologie des mines, carrières, souterrains, cryptes, aqueducs…
  • sociologie, occupations humaines
  • spéléologie, le cas échéant (cavités naturelles dans les artificielles)
  • Techniques de progression souterraine
  • Sécurité, secours
  • Survivalisme
  • Sculpture, gravure et land-art souterrain, photographie.

La liste n’est sans doute pas exhaustive…car des activités conviviales, musicales, culturelles, ludiques, sportives peuvent évidemment s’y développer !

C’est donc avec quelques-unes de ces perspectives que notre membre et mécène, Abdelhafid, va faire ses premiers pas dans une belle carrière de l’Aisne, restant encore bien protégée, non repérée sur les cartes usuelles, de près de 200 ans d’âge, aux caractéristiques principales précédemment citées.

 

Nous y entrons vers 9h30, passant d’abord par une carrière à ciel ouvert, ce qui est une bonne introduction au sens propre comme au sens figuré.
Sur les blocs extérieurs abandonnés là, des quantités de fossiles de mollusques marins peuvent déjà être observés à la lumière solaire !
Certains de bonne figure, aisément identifiables sans aller jusqu’à l’espèce, et qui font parfois l’objet de récoltes par les amateurs…activité moins périlleuse dehors que sous terre !
La première galerie étant spacieuse, d’aspect rassurant, présente très vite des sacs à myciculture, typiques des années 1970 à 1980, contenant un mélange de fumier de cheval, de terreau aseptisé et de craon (poussière et grains fins issus des sciages et grattages du calcaire).
Plus loin et dans des galeries plus anciennes, on retrouvera les restes de la culture sur meules longitudinales, datant du XIXème siècle jusqu’aux années 1970.

 

Plus loin encore et après quelques efforts dans des galeries périphériques étroites parfois encombrées, on découvrira des blocs taillés destinés à l’extraction extérieure, globalement cubiques, spécimens pesant environ 2 tonnes…Tous sont numérotés, et leur gisement ici témoigne de l’arrêt assez brutal de la production des carrières, dans les années 1950 à 1960, environ.
Il y a un côté émouvant à côtoyer ces blocs comme le faisaient les ouvriers pour aller ou revenir des fronts de taille, à la lueur des lampes à acétylène.

Bien sûr, Abdelhafid est initié au marquage stratégique de notre cheminement, discrètement fait à la craie colorée, car ne connaissant en rien cette carrière, en ressortir seul lui serait probablement difficile…de nombreuses galeries se croisent, s’entrecroisent, et leur tracé n’est pas du tout rationnel.

 

Très étonnamment, cette carrière présente de très nombreux segments dont les parois sont faites de blocs appareillés, savamment ajustés, et très peu de piliers à bras, quasiment aucun pilier tourné.
Elle est délimitée par de petites galeries étroites périmétriques, plus ou moins bien conservées, où il faut marcher courbé, à quatre pattes, voire ramper, mais qui peuvent réserver des surprises, dont des concrétions modestes mais fort jolies pour certaines, des poussées de champignons sur des bois anciens, des expressions graphiques plus ou moins artistiques, des vestiges de libations (dont on se passerait bien, évidemment…).
Quelques balisages modernes apparaissent, mais il est difficile de s’y fier !

 

Certains ciels de galerie sont abondamment décorés de stalactites, presque toutes fistuleuses, souvent très blanches, de dimensions centimétriques, parfois décimétriques.
Nos déambulations amènent à diverses entrées, ce qui permet de connaître cette sensation particulière de la « traversée » souterraine, à de multiples reprises.

 

Toutes ces entrées sont en voie de dégradation, donc potentiellement dangereuses, ce qui permet d’évoquer cette problématique du risque.
On remarquera en effet l’extrême rareté des accidents souterrains, se limitant presque tous à des égarements de personnes ou à des pannes d’éclairage.

Mais d’ensevelissements, de blocages par effondrements…rien n’en apparaît en entrant ces termes dans une barre de recherche d’ordinateur actuel, les très rares évènements signalés concernant les accidents du travail des carriers…relativisons donc  !

 

 

On finira par dénicher les débouchés inférieurs des trois puits connus à ce jour, avec leur collection d’objets jetés, de terre de surface et d’animaux tombés là, qui reste très raisonnable.
Une grenouille et un crapaud seront les vedettes…Abdelhafid en fixera des images !
Mention spéciale quant aux petites et grandes constructions liées aux anciennes exploitations, dont il reste pas mal d’éléments.

 

Petites maisons semi-souterraines, abris professionnels, grande bâtisse d’administration, et une étonnante citerne à eau, perchée sur 4 piliers maçonnés à dix mètres de hauteur, destinée à l’apport d’eau, aussi bien pour les carriers que pour les champignonnistes.
Diverses figures de concrétions pourront être vues, coulées calcitiques, micro-gours, coralliformes, stalactites, petites draperies naissantes, stalagmites, calcifications au sol, pétrifications d’objets…en blanc, en crème, en ocre…

Et bien sûr, des Chauves-Souris nombreuses, Grands et Petits Rhinolophes, que nous éviterons soigneusement de déranger, à l’approche de la période d’hibernation. Mais quelle chance pour une « première » d’Abdelhafid : un joli groupe de 31 individus, à hauteur des yeux !

 

 

Après environ 5 heures sous terre et une dizaine de kilomètres de déambulation (dont un déjeuner sous abri d’entrée), une courte promenade en forêt nous ramènera au véhicule.
C’est ainsi qu’Abdelhafid a découvert la subterranologie sous quelques-uns de ses aspects, sans connaissances techniques nécessaires, sans difficultés, sans crainte, sans blessure, une bonne expérience pour lui !
Comme il le fit remarquer, un tel endroit est propice à la méditation et à l’introspection…par exemple :
Abdelhafid, « serviteur religieux »… a tendance à être  généreux. Il est souvent à la recherche d’attention.  Il peut être méfiant de lui-même, mais il est néanmoins empathique, il n’a pas peur de poursuivre les objectifs et les paris qu’il s’impose, et de les atteindre. Il n’aime pas la solitude durable et il a besoin d’être accompagné et rassuré dans certaines de ses entreprises, notamment sous terre !  Il peut parfois se fermer sur lui-même…Il faut donc l’encourager à s’exprimer !
Mais il est surtout un artisan de paix, d’entente entre les gens et les peuples, et respectueux admirateur de la Nature.
Quelques heures sous terre peuvent permettre de se ressourcer, de se retrouver… Un peu paradoxal dans un lieu où s’égarer est si facile !

Pour information complémentaire, cette carrière date de 1860 environ, élément de l’empire de la Société CIVET qui occupait un tiers de la production française de pierre de taille à cette époque. Pierre à demi-grain fin, non gélive, dure, supportant 2Kg/cm2,  utilisée pour soubassements, escaliers, dallages, balcons, vasques,  ayant servi pour la construction de nombreux bâtiments parisiens.
Aucune trace d’électrification ou de mécanisation… ! Plus de 100 000 m3 extraits en 30 années…près de 10 m3 par jour en moyenne !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *