Le repérage des puits de carrière 707

Le repérage des puits de carrière 707

27 novembre 2023 carrières diverses Spéléologie 0

Le repérage des puits de carrière      707

Les cataphiles et subterranologues voire spéléologues sont nombreux à accéder à des cavités anthropiques, carrières ou mines ou souterrains ou aqueducs ou abris , bunkers et cryptes divers par des puits d’aérage, d’extraction, ou descenderies verticales creuses dont les escaliers ne sont plus utilisables.
Bien souvent, ces structures sont découvertes en surface, soit en prospectant sur le terrain, soit en inspectant des cartes géographiques précises, des vues d’avion ou satellitaires, ou parfois par hasard !
Dans ces cas, l’accès est tout désigné sous réserves de praticabilité technique et de sécurité (à estimer en auto-responsabilité), voire d’autorisation à requérir. Par la suite, on cherche à trouver un ou plusieurs accès sub-horizontaux qui déboucheraient encore quelque part.

L’objet du présent article découle d’une démarche inverse.
Celle qui apparaît lorsque l’on est entré par un accès classique de cavage ou par un puits « A », et que l’on découvre, en explorant la cavité, la base d’un puits « A » (ou « B » si « A » existe déjà).
L’enjeu devient alors de trouver le débouché extérieur de ce puits…
Divers cas se présentent, et diverses méthodes y répondent !
La liste ci-après n’est d’ailleurs pas exhaustive…

A ] Le puits semble fermé vu du dessous
Bien sûr, cette configuration suppose que l’on a observé la chose cependant qu’il fait grand jour dehors, de préférence par temps très ensoleillé (mais si c’est sous un bois touffu et pas en hiver, la luminosité restera moyenne).
Si, étant soi-même dans l’obscurité complète, et après quelques minutes d’accommodation de la vision, on ne perçoit aucune luminosité, on va considérer que ce puits est obstrué (ou bien très haut, très étroit, et pas forcément rectiligne, ou encore partiellement fermé, ou voilé, etc.)

1) On n’est pas loin de l’entrée pratiquée
Se livrer à une estimation de distance ramenée à une droite, voire à une estimation d’un azimut moyen.

 

 

Ressortir et s’appliquer à reproduire ces deux approximations. Sur de faibles distances, l’erreur reste elle-même de faible amplitude, et il suffira de « ratisser » une zone sur quelques décamètres carrés pour avoir toutes chances de trouver cette tête de puits…
Facilement si elle  est marquée par une structure proéminente et dégagée d’obstacles visuels.
Moins facilement s’il y a un élément proéminent mais masqué par de la végétation ou une petite construction
Difficilement s’il n’y a rien « qui dépasse », et une végétation de couverture…attention…danger !
Très difficilement s’il y a une obturation au ras du sol, plaque de bois, de tôle ou de béton, dont il faut se méfier, ces objets pouvant de plus être couverts de terre, de feuilles, mousses…qui ne les rendent pas plus solides, mais plus traîtres !
L’observation de la végétation, du sol, peut révéler une ou plusieurs différences avec l’environnement général, qui sont autant d’indices à bien repérer.
A ce titre, profiter opportunément qu’il y a une petite couverture neigeuse peut produire un élément très révélateur, car, très souvent, le gradient thermique va empêcher la neige de « tenir » et dessiner la forme de la bouche du puits, en tache sombre dans le manteau blanc.

2) on est loin de l’entrée, et/ou le cheminement est très tortueux, et/ou se promener à l’extérieur est très compliqué voire interdit ou dangereux et ne permet donc pas de déambuler boussole à la main.
On va alors procéder à l’établissement d’une topographie de guidage et ou de positionnement direct.

§ Méthode topographique directe
On effectue une suite de visées et de métrages de l’entrée au puits (ce qui suppose de connaître le cheminement le plus simple, pas forcément le plus court !), que l’on consigne. Cette opération est plus rapide, plus facile et plus fiable avec un compas.
On revient à l’entrée, et on effectue une reproduction du cheminement.
Si on a bien « travaillé », on arrive généralement très près de l’objectif. Erreur moyenne de 10 à 20 m pour 500m.
La reproduction du cheminement n’est pas toujours aisée, du fait de divers obstacles possibles.
Si ces obstacles sont facilement contournables, on applique une technique de « déport-report » à la boussole, ou bien de visée projetée déterminant des repères de terrain positionnés sur l’azimut du moment.
Être deux ou trois rend tout cela plus facile, plus rapide, plus agréable !

 

§§ Méthode topographique rétro-active
On part de la base du puits, et on opère comme précédemment jusqu’à l’entrée.
Repartant à l’extérieur, on pratique comme précédemment mais en retirant ou ajoutant 180° aux visées, et en prenant la liste des métrages à rebours.

§§§ Méthode topographique synthétique
On effectue la topographie, et on effectue un report graphique du tout sur un support plan. On définit alors un seul azimut et une seule distance, de l’entrée à la base du puits. Il n’y a plus qu’à suivre cet azimut unique et sur la distance voulue, moyennant le contournement d’obstacles s’il y a lieu.
Si on dispose d’une carte précise, et que l’entrée y est localisable avec précision, on peut lui superposer cet azimut et cette distance, et pointer un lieu sur la carte. ( objet de terrain remarquable ou pointé GPS ). On peut alors s’y rendre sans se préoccuper des visées et distances.

 

 

Malgré ces méthodes bien éprouvées, il convient de rester humble et patient(e)…parfois, même à 10 mètres près, on peut ne pas trouver !
Ne pas négliger la possibilité de dialoguer avec des autochtones plus ou moins « anciens », leur connaissance des lieux, des signes naturels, des bouches-à-oreilles, (On dit aussi « télégueules » dans les îles françaises !), peut éviter des heures de recherche inutile !
Ou apprendre que, oui, il y a (avait) un puits ici, mais définitivement condamné par une dalle en béton armé recouverte de terre ou d’un chemin goudronné !!!

§§§ Méthode aérienne
L’utilisation de drones munis de caméras peut être efficace, si la couverture végétale ne crée pas un écran. Inversement cette dernière, surtout herbacée, peut être très révélatrice comme elle l’est régulièrement pour détecter la présence de ruines archéologiques plus ou moins enfouies.
On passera outre l’usage d’hélicoptères et petits avions…. le jeu n’en valant presque jamais la chandelle !!!

§§§§ Méthode radio-localisatrice
Voir en fin d’article

B] Le puits apparaît comme ouvert sur l’extérieur, plus ou moins partiellement.
Essayer de déterminer sa hauteur, et ce avec quoi il est partiellement fermé, le cas échéant (grilles, planches, barres, poteaux, grillage, plaques de métal ou de béton, grosses dalles de pierre, branchages…

§ Méthodes décrite en A]
Mais on peut tenter de s’exonérer de ces procédés rationnels par des artifices divers…

§§ Méthode des vapeurs
Se promener par temps froid et guetter l’émission de panaches (parfois discrets) de vapeur d’eau, dus à la condensation de l’eau de l’air plus chaud exhalé par le puits. C’est évidemment plus facile dans les zones champêtres ou rocheuses nues, et/ou dans les bois clairs de feuillus dégarnis.

§§§ Méthode du faisceau lumineux
Peut se faire seul(e) mais plus économique à deux ! Se pratique par nuit « noire ».
Placer un projecteur puissant (ou lampe forte) bien à la verticale au fond du puits, et rechercher le pinceau de lumière qui jaillit en haut.
Plus efficace s’il y a un  entourage aérien surplombant, bien sûr. (Frondaisons, herbes hautes inclinées sur le puits)
Bien visible au sol si on ne se trouve pas trop loin de la bouche, notamment debout à moins de 20 à 30 fois le diamètre du puits, car à cette distance on peut voir un liseré lumineux de 5 cm de hauteur, marquant la lèvre du puits, soit un disque moyen de 50 mètres de diamètre à arpenter…ça reste assez efficace !
Très bien visible si l’atmosphère est nébuleuse ( brouillard, brume, crachin…)
Cette méthode perd de l’efficacité avec la hauteur du puits et sa sinuosité même si elle est faible. L’étroitesse est peu pénalisante si la source lumineuse est bien focalisée.
A deux, l’équipier du fond peut accroître la visibilité extérieure en modifiant légèrement l’axe du faisceau lumineux avec un mouvement rotationnel  et/ou en donnant un mode clignotant de la lumière.

 

§§§ Méthode sonore
Peut se faire seul(e) mais nécessite alors un émetteur sonore puissant et autonome. (Détecteur de fumée activé par exemple)
Plus facile et techniquement économique si on et deux, mais nécessite une coordination soignée.
Une source sonore puissante, (hurleur d’alarme, sifflet à roulette, trompette, cloche…) est mise en action au fond du puits.
Si on est en solo, cela supposera qu’elle fonctionne tout le temps de ressortir et de se rendre dans la zone de tête de puits présumée.
En duo, il suffit de convenir d’une heure précise de mise en émission sonore entre l’équipier sonorisateur du fond et l’équipier détecteur du son à la surface. Ce dernier sera choisi comme ayant l’ouïe la plus fine.
Cette méthode perd évidemment de l’efficacité avec l’étroitesse, la hauteur et la sinuosité du puits si elle et très accentuée.
Elle gagne en efficacité si l’équipier extérieur est doté d’amplificateurs sonores auriculaires (empruntés à un sourd, par exemple)

§§§§ Méthode du ramoneur
N’est possible que pour des puits de hauteur limitée à 10/15 m voire 20 m et peu dégradés.
Le diamètre du puits doit rester faible, moins de 1,5 m de préférence, mais on peut tenter sa chance si plus grand.
Se doter de un ou deux kits (selon hauteur estimée) de ramonages en cannes à rabouter.
Adapter une « boule » légère (balle, boule de polystyrène dur, bidon à fond arrondi…) à la place du hérisson vendu avec ces kits. Diamètre de 10 ou 15 cm par exemple.
La rendre bien visible (peinture rouge orangé « fluo », par exemple) si elle ne l’est pas assez
Monter cette affaire progressivement jusqu’à déboucher largement.
Les puits de section carrée ou rectangulaire peuvent se révéler commodes à « ramoner » si on arrive à caler la boule dans un angle et à l’y maintenir tout le temps de la remontée, les cannes étant un peu flexibles.
En agitant légèrement les cannes, on facilite la progression de la boule en dépit des aspérités des parois.
Il suffira ensuite de se promener au dehors, les yeux bien ouverts pour repérer la boule.
Cette méthode est exploitable aussi de nuit avec  une boule qu’on éclaire du bas, ou un bidon translucide où on a enfermé une lampe légère allumée.
On a alors un falot bien repérable dans l’obscurité.
Méthode devenant délicate si le puits contient des obstacles ou si sa bouche est exigüe.
Elle peut générer des chutes de pierres…par frottement pariétal.

§§§§§ Méthode de l’enfumage
– Enfumage « naturel »
Se doter de petit bois et d’un sac d’herbes plus ou moins sèches, et d’un journal avec des allumettes ou un briquet
Il va suffire d’allumer un petit feu et de l’entretenir le temps nécessaire à se retrouver dans la zone présumée de la tête de puits.
Ce signal à la fois visuel et odorant et évidemment assez remarquable.
Plus difficile à mettre en œuvre en solo surtout si le temps de déplacement complet est grand
Méthode à proscrire  si le puits recèle des animaux visibles à l’œil nu, et à éviter de manière générale.
Si mise en œuvre, essayer d’installer le foyer en hauteur dans le puits pour limiter la pollution de la cavité en général…le courant d’air assurément ascendant fera le reste.
– Enfumage « artificiel »
On emploie alors des fumigènes du commerce. Les maintenir à bras tendu et debout au fond du puits, ou, mieux encore, ficelés sur une canne de sorte à ce que l’émission de fumée se fasse au plus haut pour ne pas polluer la cavité générale.
Méthode à éviter autant que possible voire à s’interdire au profit des autres méthodes.

 

§§§§§§ Méthode de l’aérostat
Se procurer une bonbonette d’hélium et 2 ou 3 ballons de baudruche de bonne qualité, de couleurs très voyantes.
Les gonfler au bas du puits et les rattacher à une ficelle très légère. A ancrer au fond si on est en solo.
Laisser remonter tout cela jusqu’à émergence à l’air libre….et voilà le travail !!!
Méthode à éviter ou inutilisable s’il pleut (ballons trop lourds) ou s’il vente (ballons malmenés et/ou couchés au sol)
Méthode aléatoire si les parois du puits sont truffées d’aspérités aigües, de pointes métalliques…
Demande que le débouché soit suffisamment large pour laisser le passage très libre car un « rien » suffit à bloquer l’ascension.

 

 

§§§§§§§ Méthode casse-gueule.

A réserver aux puits de modeste largeur de l’ordre du mètre, sinon ça se complique un peu !
Se procurer une échelle télescopique légère en aluminium. Développant environ 5 m pour rester dans les modèles accessibles et transportables.
La développer dans le puits, l’escalader en étant muni de quoi poser des chevilles auto-foreuses, ou des pitons d’alpinisme ou encore des barres métalliques solides de la largeur du puits ou presque.
Le but est alors d’installer de quoi se sécuriser hors de l’échelle après avoir mis en place ce qu’il faut pour la reposer après l’avoir hissée.
C’est sportif…
L’échelle va alors s’appuyer soit son premier échelon calé sur deux barres posées en travers (après creusement de quatre logements pour les insérer solidement, soit ses deux montants calés dans des sangles courtes amarrées à des plaquettes (ou anneaux) ou des pitons costauds.
Il suffit alors de repartir sur elle pour atteindre 10 m, et recommencer si nécessaire.
Bien entendu il est très conseillé (voire indispensable) de s’assurer sur une corde en posant très régulièrement des amarrages, corde fixée en bas. A priori, une telle échelle ne peut basculer ni s’affaler, s’assurer dessus est donc une garantie.
Nous ne détaillerons pas davantage cette technique de sorte à ne pas inciter à la mettre en place, bien que très fiable si bien maîtrisée.
Seules les personnes suffisamment téméraires et techniciennes verront comment procéder pour que tout cela reste sans aucune suite à déplorer !!!
Aux autres nous disons qu’il y a suffisamment de procédés donnés dans cet article pour se passer de la méthode « casse-gueule » qui se définit bien par son appellation !!!

§§§§§§§§ Méthode radio-localisatrice
Bien évidemment plus sophistiquée, mais pas toujours facile à mettre en œuvre en terrains accidentés et très végétalisés.
Citée ici par souci de modernisme, mais rarement justifiée dans le modeste cadre des recherches de puits !!!
Sans parler du coût du matériel et de la technicité de la mise en œuvre…

En voici le principe :
La figure ci-dessous montre comment se propagent les lignes de champ magnétiques produites par une bobine
électromagnétique placée dans l’environnement d’une cavité souterraine.
Le point d’émergence « O » de la ligne de champ verticale située à l’aplomb de la balise s’appelle « Point
Zéro » ou « Ground Zero – G.Z. » chez les anglo-saxons. C’est ce point que l’on va tenter de déterminer
ou plus exactement de radio-localiser.
La balise émettrice doit être disposée dans la cavité en position la plus verticale possible.

Les lecteurs et lectrices curieux peuvent se référer à  :

http://speleo-club-souillac.e-monsite.com/medias/files/radiolocation.pdf

 

Dans tout cela, on ne négligera surtout pas la SECURITE.
Tout ce qui se fait au fond d’un puits inconnu, donc non contrôlé, pas purgé, pas sécurisé est a priori DANGEREUX
Les abords immédiats, extérieurs comme intérieurs, d’un puits, même connu, sont a priori DANGEREUX
La primo-descente d’un puits est a priori DANGEREUSE.
Donc, tous les principes de précaution doivent être appliqués !

 

Tenue protectrice dont casque adapté.
Approche prudente, pas de station prolongée au bas du puits, à son aplomb.
Si nécessaire, prévoir une petite guérite d’abri au fond, souvent semi-discoïdale, 50/50 ou rectangulaire 50/50 pour les puits qui le sont aussi.
Approche prudente en surface, quitte à s’encorder sur des amarrages fiables
Si la descente est entreprise, examen rigoureux des lèvres du puits, des parois (surtout en haut, souvent dégradées).

 

Eliminer tout ce qui peut s’écrouler, ou savoir renoncer. Ne pas stationner en bas.
Eviter de regarder en l’air. Si sécurisé, prendre des mesures et des photos.
S’intéresser à tous les indices indiquant des écoulements d’eau, sachant qu’en temps de pluie abondante des puits « secs » peuvent rapidement devenir « arrosés ».
Dans le cas des puits découverts par le haut, se rappeler qu’un puits peut être « borgne », ou bien suivi de galeries sans issue et qu’il n’y a alors aucune possibilité de s’en extraire autrement qu’en le remontant.
D’où la nécessité d’être prévoyant…avant même d’y descendre ! : -) !

 

Bonnes recherches et surtout…bonnes découvertes !

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