Le Souterrain de Noël… 368

Le Souterrain de Noël… 368

29 décembre 2020 Randonnée Spéléologie 0

Le Souterrain de Noël !       368                    (Fin décembre 2020)

Comme chaque année, plusieurs membres de SJV profitent de jours de congé pour s’offrir une petite sortie, de quelques heures ou quelques jours, cette dernière version étant rendue difficile voire impossible par certaines règles dites « couvre-feu », lesquelles, dans le cadre de nos activités bien spécifiques, n’ont absolument aucun sens !
Néanmoins, l’année 2020 verra se développer quatre activités ne dépassant pas la journée et à courte distance…
Parmi elles, on trouve la visite d’un souterrain dont la réalisation date assurément de plus d’un siècle et demi, du fait d’inscriptions authentiques dans des pièces de fonderie d’origine que l’on y trouvera.

Il fallut d’abord une marche d’approche de plus de 2 kilomètres sur un chemin très boueux et sous une petite pluie bien froide avant de retrouver une entrée praticable à ras du sol terreux qui aurait pu facilement nous échapper sous les feuillages d’automne si un bon vent tempétueux de la veille n’avait fait office de balayeur…Mais..chut ! C’est un secret !
Restait à l’ouvrir, en décollant une sorte de trappe en fonte que de la boue gravillonneuse semblait sceller, mais que de vigoureux coups de botte finirent pas ébranler suffisamment pour que des bouts de bois maniés en leviers  permettent son entrebâillement…puis son ouverture sans s’écraser les doigts !
Une ouverture béante apparaît alors, d’où s’échappe un air tiède, sans remugles…déjà une bonne nouvelle !


Un premier coup d’œil révèle un petit puits d’environ 3 mètres, que des échelons à demi-rouillés rendent assez facilement franchissable.
Un petit comité d’accueil composé de quelques araignées tranquilles, limaces paisibles, moustiques placides, nous regarde passer, sans se faire remarquer, les humains n’étant pas dans leurs relations habituelles ici !

Ce puits de dimensions confortables se continue par un court escalier à larges degrés qui donne sur un cheminement étonnamment sec, vu qu’on est quand même sous terre et qu’il pleut depuis plusieurs jours, mais non, c’est sec.


La trappe est refermée car on ne voudrait pas qu’une personne un peu distraite vienne à tomber là, bien que ce ne soit pas sur le chemin lui-même. Et c’est le noir total.
Nous mettons en fonction nos lampes et il apparaît une galerie horizontale presque rectiligne dans laquelle de nombreuses racines ont élu domicile. Certaines ont suivi les parois qu’elles tapissent d’un réseau  de radicelles très complexe sur plusieurs mètres carrés, semblant quadriller la surface sur laquelle elles adhèrent, donnant une impression de plan cadastral avec ses multiples parcelles polygonales.


Un ancien limnimètre laisse à penser que ce souterrain fut inondable et que le niveau de l’eau pouvait être contrôlé de l’entrée…cette petite échelle graduée nous emmène un instant en Egypte où le nilomètre avait la même fonction et permettait de gérer l’activité agricole nourricière du pays, dans l’Antiquité !
Mais il y a quand même 2 ou 3 millénaires de moins ici !!!

Nous avançons aisément, car on peut se tenir debout et parce que le sol est régulier, seulement semé de petits blocs rocheux décollés du plafond ou des parois.


Ces dernières sont d’ailleurs à demi-couvertes d’une couche calcitique presque uniforme, moulant les aspérités, soulignant de nombreuses fractures et fissures de ce souterrain. Après deux virages, on atteint une partie surbaissée qui passe sous une route, et on entend le bruit du roulage, comme un bourdonnement sourd passager.
Nous progressons alors sous un alignement de grosses plaques, pendant à peu près 50 mètres avant de retrouver la galerie telle qu’au début et là, c’est une déception…un effondrement que l’on discerne sur plusieurs mètres de longueur et qui rend la continuation impossible.

Une grande quantité de terre collante en grumeaux et de cailloux s’est déversée dans la galerie, et elle nous rappelle que tout souterrain est susceptible de connaître un tel événement, ce qui pourrait nous inquiéter !
Mais nous savons aussi de longue date que ce genre d’accident géotechnique ne survient presque jamais sans un facteur de déclenchement, qui peut être une surpression due à un passage d’engin lourd, ou un déséquilibre créé  par des travaux limitrophes, ou des phénomènes vibratoires importants, ou encore la poussée effectuée par les terrains qui se trouvent anormalement gorgés d’eau par d’intenses pluies continuelles ou répétées…nous ne le saurons pas maintenant !


Nous rebroussons chemin et trouvons un diverticule par un passage au plafond…il donne dans une vaste galerie superposée à la précédente, dans laquelle on entend aussi très bien le bruit de véhicules à moteur qui passent au-dessus. Il y a là un écho puissant que nous nous amusons à faire sonner de nos voix mêlées…ou de rires.

Ce diverticule s’achève sur un passage un peu étroit qui permet de retrouver notre voie d’arrivée, que nous remontons donc. On trouvera d’immenses racines qui se sont invitées là et ont développé un chevelu impressionnant de plusieurs mètres de longueur pour absorber l’humidité permanente qui règne dans cette atmosphère confinée.
On observe en effet des milliers de gouttes d’eau suspendues au plafond, souvent fissuré, et qui brillent dans les faisceaux des lampes comme autant de pierres précieuses.
De temps en temps il y a de petites stalactites très blanches, mais aussi des inscriptions à la peinture noire, chiffres ou mots isolés dont le sens nous échappe s’il ne s’agit pas de patronymes d’ancêtres qui vivaient, travaillaient ou passaient là.
Nous imaginons en effet que ce souterrain a pu servir durant les temps de guerre qu’à connu la France  depuis le XIXème siècle, qui ont hélas été nombreux et durables…On pouvait s’y cacher, y rester un certain temps, ou encore se déplacer secrètement…La boussole indique grosso-modo un axe Est-Ouest…


Comme les derniers conflits sont venus de l’Est, pouvoir bouger vers l’Ouest sans être vu aurait pu être un avantage si toutefois ce souterrain se révélait très étendu, ce que nos renseignements, bien que vagues, semblent indiquer…
Mais nous revenons au présent assez brusquement, car nous voici devant un rétrécissement  notoire et dans lequel la présence d’eau sur au moins 15 à 20 cm va compliquer un peu notre progression. A première vue, ça paraît assez long et d’à peine 1 m de hauteur sur autant de largeur, c’est-à-dire une section deux fois plus petite que jusqu’alors. 
Notre équipe du jour qui rassemble Lolo, Zézelle, Liline, Rorette….et Kiki ne se laisse pas impressionner, et nous voici, à quatre pattes ou très courbés, lancés dans l’aventure…nul n’en sait vraiment quelle sera la longueur, dans cette galerie basse, qui va peut-être s’achever sur un bouchon d’effondrement elle aussi !

La présence d’eau agitée par dix bottes amène un bruit constant que diverses paroles et rires augmentent encore…on évite de remplir les bottes avec des remous violents ou de mouiller de plus en plus les pantalons d’éclaboussures incontrôlables dans cet espace où des parties métalliques très rouillées et constellées  de minuscules stalactites coiffées de gouttes d’eau nous entourent d’une coquille de grenats, d’opales, de saphirs ou de spinelle ruisselants qui brillent de toutes parts…Dommage que la situation soit trop inconfortable pour les admirer plus posément !!!
Bientôt, une sorte d’interruption permet la station debout, mais c’est bien étroit pour nous cinq…nous repartons de plus belle dans ce boyau régulier qui ne semble pas devoir s’arrêter…au moins cent mètres déjà…on croit mesurer moins d’eau sur nos bottes…encore un bon moment et nous ressortons tout à coup dans une galerie bien plus haute, au niveau d’un escalier semblable à celui de notre entrée, mais cette fois, le grosses dalles de béton coiffent l’ouverture…dont nous ne savons même pas où elle donne, en extérieur ou dans un bâtiment ?


Cette fois, notre nouvelle galerie semble beaucoup moins fiable, les murs sont beaucoup plus déformés, avec par endroits des cassures très importantes, beaucoup de débris sur le sol, on devine une poussée latérale des sols, et il est à prévoir qu’un effondrement tel que celui vu au début ne devrait pas tarder à se produire si une rupture d’équilibre venait à se manifester. Nous passons donc rapidement ces endroits qui paraissent « menaçants », même si, là encore, la probabilité qu’un éboulement s’observe instantanément est aussi faible que celle d’avoir un accident mortel dans une voiture, voire plus faible !
Nous finissons par trouver un troisième passage qui pourrait être une issue, mais les questions de savoir si on peut vraiment soulever la trappe, si un passage existe derrière, et où on débouche, et chez qui…se posent.
Nous préférons poursuivre car ça continue mais de plus en plus vers le nord…nous estimons avoir déjà marché près de 1 km ! Il y a pas mal d’eau, donc du bruit, des bottes de moins en moins sèches…et nous voyons apparaître ce qui peut s’appeler des concrétions, jusqu’alors quasi-inexistantes.


Elles ne sont pas vraiment « belles », soit très petites et blanches, soit grossières et parées de couleurs peu ragoûtantes, entre brun-noir, rougeâtre, gris sale, violacé, de formes plutôt boudinées…mais ce sont bel et bien des concrétions !
Plus loin, il nous semble voir  de plus en plus de cadavres de moustiques ou d’araignées collés aux parois, blanchis de moisissures, qui émergent un peu partout…on pourrait croire à des fleurettes !
Nous savons, par expérience des balades en souterrains, que cela signifie qu’une ouverture vers l’extérieur n’est pas loin…serait-ce la sortie finale de cette galerie ?
Une sorte d’installation tubulaire apparaît alors, comme dans un puisard, surmontée d’une lucarne carrée dans un muret qui laisse entendre un bruit régulier de chute d’eau…


Il ne nous en faut pas plus pour nous engager dans ce passage peu commode qui surplombe une fosse pleine d’eau, assez profonde pour nous tremper jusqu’au cou en cas de fausse manœuvre…Une petite planche facilite heureusement le passage, qui nous prendra plusieurs minutes.
Il pleut des gouttes !
Nous nous retrouvons dans une grande colonne vide où des échelles d’aluminium ont été fixées…
Elles nous paraissent suffisamment fiables pour nous lancer dans leur ascension…Qu’allons-nous donc trouver tout là-haut ?
Si ce souterrain est une construction militaire, ce pourrait être dans un blockhaus ou une casemate, mais ce qui nous semble curieux, c’est que tant de hauteur soit à remonter…sommes-nous encore sous terre ou bien cette colonne s’élève-t-elle dans les airs bien au-dessus du sol ?
Ce serait alors un conduit d’évacuation d’urgence ou un itinéraire stratégique pour des soldats, avec plusieurs sorties pour mieux échapper à l’ennemi et/ou mieux contre-attaquer…


Nous montons…nous montons…il y a des paliers intermédiaires, pour finir au moins à 15 mètres plus haut, dans une salle carrée assez grande où des installations électriques détruites sont encore visibles.
Il y a une grosse porte métallique qui laisse passer un peu de jour…nous sommes donc bien dehors…mais rien à faire pour l’ouvrir.

D’ailleurs, dehors ne signifie pas au niveau du sol mais peut-être perchés dans une sorte de mirador !
La présence d’un gros tuyau montant de la réserve d’eau du bas nous laisse penser à un pompage pour une tour à incendie. Oui, peut-être ça. Des installations, un bâtiment historique ou une forêt à protéger, et donc une tour où de l’eau monterait pour pouvoir arroser très loin tout autour…(?)
Le toit de la salle est fait de grosses poutrelles d’acier, et ça aussi nous fait penser à une protection militaire !
Comme il fait bien plus froid, nous décidons de repartir, et la descente avec les mains sur des barreaux métalliques mouillés et une petite pluie d’éclaboussures ne traînera pas !


Nous devons repasser par la Chatière de la Baignoire, comme nous décidons de la nommer, ce qui est plus facile dans ce sens, au prix d’une peu de souplesse et de quelques contorsions, et finalement, personne ne prendra de bain forcé !
Le temps passant et la fatigue s’accumulant, les gens mouillés et refroidis, nous décidons de ne pas pousser plus loin dans la galerie principale, quitte à revenir une autre fois.
Le retour nous permet de revoir les principaux éléments originaux du parcours…pas loin de 1,5 km tout de même, ce qui, pour un souterrain aussi ancien est déjà considérable !
Passages en eau, concrétions, moustiques, inscriptions, zones dangereuses, galerie basse, racines envahissantes…c’est enfin la sortie.

 

 


Il va s’agir de soulever la trappe…pas si facile, elle et lourde et les appuis sont fuyants. Seul un binôme héroïque va permettre de l’entrouvrir après plusieurs essais, puis de la faire pivoter jusqu’à ouverture suffisante pour s’extraire.
Il pleuviote, nous sortons tous sans grande difficulté, mais la différence de température et un petit vent ajouté à la pluie ont tôt fait de nous geler, surtout les jambes et pieds trempés dans les bottes…on va devoir s’activer !
Il fait presque nuit, on a une demi-heure de marche au moins, dans la gadoue désormais garnie de grandes flaques d’eau, ce qui ne nous empêchera pas d’admirer les paysages dégagés sur une plaine où les villages paraissent illuminés, formant un décor de Noël géant, ni de bavarder et rigoler, ni même de prendre  quelques photos !
C’est aussi l’occasion de recueillir quelques avis « à chaud »…
Par exemple, Zézelle…
La sortie était très intéressante, on a beaucoup appris et découvert, comme lors de toutes les sorties d’ailleurs.
J’ai bien aimé ouvrir la trappe de sortie  moi-même…je ne pensais pas y arriver ni monter aux grandes échelles !
A la fin il faisait un peu froid vu qu’on était sous l’eau de pluie, mais on a réussi à finir la sortie dans la bonne humeur.
Sinon c’était super !
Hâte d’être à la prochaine…
Merci.

Ou bien…Liline :
La sortie était bien. Nous avons beaucoup marché dehors et dedans mais c’était mieux dans le souterrain il faisait moins froid ! Pas de pluie, pas de vent !
J’ai bien aimé lorsqu’on a monté plusieurs échelles et lorsqu’on a marché dans l’eau (il y avait beaucoup de bruits) j’ai moins bien aimé la marche où on devait se baisser dans la galerie car à la fin j’avais mal au dos…
C’était comme même une bonne sortie surtout qu’on était entre amies et bien sur avec Kiki.
Merci.
Ou encore…Lolo :
J’ai apprécié la sortie car on a appris des choses intéressantes et on a pu entrer dans la découverte du tunnel. Ce n’était pas long, mais très divertissant. Ce parcours est à refaire un jour !
 


Revenus à la voiture, il nous reste encore l’épreuve du débottage…avant de pouvoir nous réfugier dans l’habitacle.
Le retour en voiture à nos domiciles sera évidemment bien plus confortable et facile !
Petite sortie de 4 heures et de 8 kilomètres à explorer un souterrain encore pas mal conservé, mais dont on voit bien qu’il est en sursis… une demi-journée de partage plutôt bien remplie, avec le sourire presque permanent,  et sans aucun incident ou accident !
D’autres aventures, plus lointaines et plus soutenues, nous attendent en…2021 !

 

 

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