La Grotte de Saint-Marcel 702

La Grotte de Saint-Marcel 702

9 novembre 2023 Spéléologie 0

La Grotte de Saint-Marcel        702

Cavité gigantesque, mondialement connue, la Grotte Saint-Marcel a abrité des êtres humains depuis près de 100 millénaires, c’est dire que le pauvre petit spéléologue actuel n’est pas bien « gros » face aux dimensions ( plus de 60 km de galeries, dont beaucoup décamétriques en tous sens)  à la notoriété internationale, à la richesse des concrétionnements, et à l’ancienneté des premiers hommes à en avoir foulé le sol, au moins pour ses premiers hectomètres !
Mais voici un lien amenant à un site qui expose bien l’historique, très long !

https://www.grotte-ardeche.com/l-histoire.html

 

 

Plan de l’accès. 1 = barrière face à l’accueil touristique, 2 = le porche voulu,   3 parking conseillé (ex-camping)

 

 

« Humilité » sera sans doute le premier sentiment qui m’aura pris en ouvrant la grille de l’entrée « naturelle ».
Mais avant d’aller plus loin dans l’expression des ressentis, je parle de comment arriver à cette grille !
Un contact avec le CDS 07 sera nécessaire, puis une réservation de date de l’accès, le nombre et la fréquence des visites étant sérieusement régulés.
Un second contact permettra de récupérer une clé de manœuvre de barrière, une clé de cadenas, un « passe » de stationnement dans la réserve biologique, un carnet de consignes dont la tranche horaire interdite dans la partie touristique aménagée puisqu’il faut y passer ( 10 h/17h  )

 

 

Tout cela réalisé et/ou en poche, se rendre face à l’accueil touristique de la Grotte sur la D 290 où on peut trouver la grande et lourde barrière métallique ouvrant sur le Chemin de la Grosse Pierre (Ancien chemin du Camping « Des grottes » désormais disparu !).
Ce chemin, plutôt engageant par son tracé, sa robustesse et sa relative planéité transversale peut devenir plus délicat à parcourir en voiture.
Parties plus pentues, inégalités de surface, brise-pentes anti-érosion plus ou moins marqués…il faut y aller doucement en voiture, et pas trop « basse de caisse ». Sinon, il n’y a que 1200 m à pied à partir de la D 290 et ça ne dénivelle que 100 mètres environ.
Il paraît pertinent, le cas échéant, d’aller parquer la voiture au plus bas de ce chemin principal, soit à 1500 m, car on trouve là une ancienne voie stabilisée de l’ex-camping devenue inutile . Des vestiges de toilettes sont encore visibles, ainsi qu’un chenil grillagé .

 

 

Quelques petits bâtiments proches sont visibles de l’autre côté.
Cet endroit permet de s’étaler largement, et devient même presque indispensable si plusieurs véhicules à garer.
On peut être tenté de descendre encore à pied sur un bon gros chemin avec des marches et de nouvelles ex-toilettes, d’autant qu’il y a de petites ouvertures de grottes près de l’Ardèche, mais…ce n’est pas par-là !
Pour accéder à la grotte, il faut alors remonter la voie carrossable sur 300 m et on trouve un sentier qui descend , dans un virage, porteur d’une balise rouge et jaune en croix. Le porche de la grotte est tout près. Ce sentier est donc à 1200 mètres de la D290…on le répète , à gauche quand on descend.
La grille, voulue très robuste bien qu’elle ne résisterait guère longtemps à un individu mal inspiré mais qui serait bien outillé, s’ouvre alors par une petite porte cadenassée de l’intérieur…si toutefois le cadenas a bien été refermé, ce qui n’était pas le cas ce jour-là. (?)

Dès lors, je vais procéder par adjectifs…

 

 

Humble
Oui, comme écrit précédemment, je me sens humble en entrant dans cette grotte, toute de suite très large, un peu basse au départ puis bien plus haute, avec une section hémi-discoïdale qui la rend presque artificielle d’aspect ! Evocation d’une galerie de métro !
J’imagine sans mal les occupations humaines et/ou animales successives qu’elle a pu abriter, je me sens comme un intrus chez mes lointains ancêtres, je les vois  un peu partout occupés à ceci ou cela comme dans une cour des miracles.

 

 

Je me sens un petit être minuscule d’à peine un siècle et moins de deux mètres et cent kilos sous des millions de tonnes et dizaines de mètres de roche vieilles de millions d’années, évidées sur des kilomètres,  le rapport existentiel m’écrase !

 

Redevable…
J’avance, tout est facile, jusqu’à la première et grande échelle métallique fixée. Ma visite à venir, je sais alors que je la dois à des précurseurs, parmi eux, des humains dépourvus de tout sauf de courage, des pionniers aventureux, des voleurs cupides, des amoureux des cavernes, des « inventeurs »…
Sans leurs incursions initiales, sans les aménagements établis, ma course du jour s’arrêterait là.
Alors oui, je sais que je vais devoir la suite de ma belle exploration à ces anonymes du passé, que je ne pourrai même pas remercier en direct.
Mais je pense à eux, quelles qu’aient été leurs motivations, car ils ont tracé le chemin, ouvert les voies, amoindri les difficultés, voire valorisé l’espace et ses richesses. Et j’en profite…

 

 

Gigantesque…
Aujourd’hui, je suis parti pour le seul réseau N°1, soit environ 5 kilomètres de galerie…à peine 8%, et pas les plus difficiles à parcourir.
Je suis frappé par les dimensions presque constamment énormes de la galerie, énormes comparées à la grande majorité des cavités courues par les spéléologues ordinaires dont je suis. Malgré la lampe frontale à pleine puissance, je peine à sonder tout cela, et seul le projecteur additionnel emporté avec clairvoyance (le mot est bienvenu !) me permet de porter mon regard au plus haut et au plus large…mais pas au plus loin !!!


Tout est grand, très grand. Presque trop grand.
Stalactites, stalagmites, colonnes, piliers, coulées, gours, draperies…tout est grand, gros, large, long, haut !
Et cela du début à presque la fin, laquelle donne sur des circulations de plus en plus étroites et basses.

 

 

 

 

Désolant…
Je souffre…Presque tous les dix mètres, je découvre des concrétions brisées. Si certaines l’ont probablement été par des événements naturels, je vois bien assez rapidement qu’il y en a beaucoup trop, et cassées de façon particulière, que les brisures sont contemporaines, et même que des traces d’outils apparaissent par-ci par-là. Pillages…Vandalisme…Inattention
Le résultat est malheureusement là. Malgré le nombre incroyable de concrétions, et, pour certaines, leur situation presque inaccessible sans escabeau ou échelle, beaucoup, beaucoup trop d’entre elles ont été saccagées et/ou volées.
Difficile de dater ces regrettables comportements, tout au plus peut-on espérer qu’ils ne sont plus d’actualité, que la prise de conscience est devenue effective chez toutes et tous. (?) Mais pas sûr…
Ce désolant constat me peine, et nuit à l’admiration que je porte à toute cette création. Des millénaires ravagés en quelques minutes…
Et pour quoi ? Des concrétions qui perdent l’essentiel de leur charme une fois sèches et sorties du contexte ?
Des spécimens qui ne profiteront plus à personne enfouis dans des tiroirs de collectionneurs contre un peu d’argent ?
Une gloriole ridicule d’étaler le trophée aux yeux des copains inconscients des dégâts irréparables ainsi causés et du prix environnemental ?
Grrrrr !

 

Magnifique…

Malgré tout, l’essentiel finit par reprendre le dessus…On parvient à faire mentalement abstraction des concrétions amputées ou par trouver des points de vue qui les escamotent, ou par dénicher des espaces rescapés ! Et alors, oui, quelle magnificence…
De superbes paysages peuvent apparaître, des ensembles impressionnants, construits avec une harmonie (selon mes critères humains et personnels) troublante. Beaucoup d’agencements me portent à imaginer des animaux, des plantes, des arbres, des tableaux vivants.
Je regarde mes équipières évoluer, et elles donnent une vie à ces décors de rêve, jusqu’à les intégrer et entrer dans le rêve à leur tour, les roches deviennent végétales, le plafond bleuit, les gours en eau deviennent lacs de montagne, les projecteurs ensoleillent l’horizon infini de la pénombre qui meurt dans les ténèbres…

Des scènes de vie s’installent autour de moi, toutes ces beautés m’inspirent des bouts de poèmes ou de petits films romantiques ! Magnifique…et magnifiant !

 

Pédagogique…
Cette grotte, de par son ampleur, son ancienneté, sa formation en de nombreuses étapes présente une incroyable diversité tant par ses spéléothèmes que par ses conformations générales, et de nombreux témoins de spéléogénèse.
Pour cette visite, ce que j’ai pu cependant déplorer est le cruel manque d’eau, réduisant les gours à de grandes bassines sèches, et me privant du chant de l’eau !
Sinon, il y a pas mal de Chauves-souris dans la galerie inférieure, en-deçà de la zone touristique, et des gours en eau dans cette partie…mais je soupçonne qu’ils soient alimentés artificiellement pour conserver cette vision spectaculaire des petits lacs étagés, éclairés bien sûr.

Mais tant mieux pour moi !
Toutes sortes de stalactites et stalagmites sont visibles, mais aussi de nombreuses variétés de concrétions pariétales, micro-gours, « choux-fleurs », bourgeonnements, corralliformes développés sous l’eau (quand il y en avait), festons de gours, feuilles calcitiques évoluant en plancher…
Nombreuses coalescences, colonnettes étagées, piliers majestueux, coulées stalagmitiques très étendues, grande draperies.
On apprécie aussi les gammes de couleurs, du blanc au noir, les scintillements, les miroitements.
Colorations rouges, oranges, liées à des contaminations humiques et/ou des hydroxydes de fer.

 

 

Colorations sombres liées à des oxydes de manganèse, mais aussi des saupoudrages de poussière d’argile, que les nombreuses déambulations de milliers de gens depuis des décennies ont certainement décuplé…un petit coup d’œil dans le faisceau du projecteur confirmant immédiatement le phénomène supposé !
On joue avec la lumière, la transparence, la translucidité, les ombres portées.
Il y a là-dedans de quoi illustrer un traité de karstologie appliquée !!! Mais il faut du temps, beaucoup de temps, en sus des connaissances requises.

 

 

 

Technique…
Même si le réseau N°1 ne présente pas beaucoup de situations impliquant une bonne maîtrise des procédures sécuritaires, il y a de quoi mettre en application quelques usages et principes.
Dès la première échelle, estimée à 8 m, il serait académique de poser une protection.

 

 

Pour le premier, progresser assuré en posant quelques petits amarrages par exemple, les suivants assurés sur une corde posée par le premier.
Plusieurs passages ensuite, bien que très facilités par de grosses marches taillées dans la roche, restent propices à de vilaines glissades, et, là encore, le principe de précaution voudrait qu’on place une main courante de-ci de-là…même si on ne la met pas, on peut dire où et comment il faudrait en mettre une !
C’est peut-être au P13 décrit sur ce parcours que se place le moment vraiment « technique ». A l’extérieur il est préconisé de se munir de 4 plaquettes et 16 m…Il est prudent de se munir plutôt de 20 m et 7 plaquettes, et, mieux encore, de 4 ou 5 plaquettes à vis et 2 plaquettes sans vis avec deux écrous de 8mm à ailettes (papillons) car l’installation est beaucoup plus facile si on profite de deux goujons en place.(Mais dépourvus des écrous)
Ensuite, chacun équipe selon ses options de sécurité, de praticité et de confortabilité.
Mais 16 m et 4 plaquettes, même avec un amarrage naturel disponible ici, ça paraît un peu trop minimaliste…
A part cela, il y a de temps à autre un peu de quatre-pattes, de glissade, de rampement, mais c’est anecdotique.

 

 

Poétique…
On aborde rarement cet aspect d’une visite, et on a peut-être tort…
Dans une telle cavité, il y a tellement de choses à voir, à admirer, à contempler, à aimer, qu’il serait bien dommage de ne pas se laisser à une poésie du moment, se laisser porter par un lyrisme intérieur.
En exemple, ce petit texte de Laetitia Guilledroit (1987) CRES de Mérignac (Gironde) , qui retentit plutôt bien dans les profondeurs de la Grotte de Saint-Marcel !

Merveilles de la nature, Vous, cavités souterraines
Qui renfermez tant de trésors, Vous, qui êtes richesse et beauté
Le monde, même entier, Ne vous connaît pas assez
Vous gardez fièrement vos secrets, Et n’en dévoilez qu’une partie
Aux spéléologues, à la fois, Attentifs et émerveillés
Impressionnés et incroyablement surpris, Devant une telle beauté
Qu’un rien pourrait détruire, Vous renfermez la fragilité,
La finesse et la grâce, Devant vous, ce sont des regards privilégiés
Qui admirent ce qu’a fait la nature, Et qui vous respectent
Au plus profond de leur cœur, Il faut se réjouir
Rien qu’à l’idée de penser, Que la Terre puisse garder au fond d’elle
Tant de beauté secrète…

 

Ce sera sur ces belles paroles que je terminerai mon retour de la Grotte Saint-Marcel, après une promenade de huit heures seulement, là où une semaine ne suffirait peut-être pas à tout parcourir, même à 12 heures par jour…

 

 

 

Il restera cependant une remontée épique du long chemin pierreux en Clio très chargée…un grand merci, un grand bravo à notre conductrice sans peur et sans reproche, qui a réussi cet exploit de nuit, sans jamais faiblir, et nous a ramenés à bon port.

PS : il ne faut rien salir dans le passage touristique, et, bonne nouvelle, un stand de brossage/lavage-pression a été installé avant et après la zone touristique, ce qui est infiniment plus pratique que devoir emporter des sacs plastiques ou des chaussettes néoprènes et porter les bottes sales à la main !!!

 

 

Bon, d’accord, les pneus et l’embrayage ont un peu chauffé….

 

 

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