Marnières et subterranologie normande 293

Marnières et subterranologie normande 293

27 mars 2020 Spéléologie 0

Marnières et subterranologie normande     293

Si de nombreuses régions sont riches de cavités naturelles, la Normandie, elle, est riche de cavités d’origine anthropique. Elle se comptent en dizaines de milliers…et estimées à près de 80 000 aux dernières investigations sur le terrain pour certaines et dans les archives ou par transmission oral des Anciens pour d’autres…
Ces cavités souterraines particulières (on ne traitera pas ici des exploitations à ciel ouvert ) sont développées soit en cavage quand la ressource est accessible facilement par ce moyen, quitte à réaliser une descenderie, soit par puits et galeries profondes.
La ressource recherchée est presque toujours la craie, qu’on appelait jadis « marne » et qui n’est pas ce que les géologues actuels nomment « marne », roche meuble et plastique dont notre département 77 regorge !
Quand elle affleure au sol ou se trouve à flanc de reliefs, on développera une carrière à ciel ouvert ou un cavage classique. Quand la strate crayeuse se trouve en profondeur, on ira la chercher grâce à un puits d’extraction manuelle.
C’est cette dernière méthode qui nous laisse un héritage extraordinaire de plus de 100 000 marnières profondes !

Marnière remontée…

Tout cela s’est étendu du XVIIème au milieu du XXème siècle…essentiellement pour des usages agricoles mais aussi pour des constructions de faible hauteur.
Comme tout héritage de cette nature, ce peut être vu comme une formidable mémoire de temps passés et du travail des hommes pour amender leurs terres trop acides grâce à la craie, carbonate de calcium par excellence, et dont l’apport massif par épandage dans les champs permet de relever le Ph du sol cultivable.
Ce peut aussi, hélas, être vu comme autant de « sales trous » susceptibles de provoquer des effondrements en surface ou des chausse-trappes géantes.
Les chausse-trappes sont dues au fait que les puits pouvaient être profonds de 20 à 70 mètres, avec une moyenne à 25 /30m, et n’étaient que rarement comblés dans toute leur hauteur.
On se contentait de les obstruer, de façon plus ou moins fiable et durable, et les « bouchons » étant souvent invisibles actuellement et donc très difficiles à repérer pour la plupart.
Il n’y a en effet que de rares plans et cadastres où ils étaient recensés avec soin, la plupart du temps seulement mentionnés, voire non déclarés.
L’obstruction pouvait aussi bien être faite d’une voûte très bien maçonnée à fleur de sol ou sur un muret d’enceinte, comme d’un simple entassement de fagots serrés sur quelques poutres de bois coincées en travers du parement du puits, avec comblement final d’une couche de terre.


Dans certains cas, l’orifice était signalé par un arbre planté à proximité…encore faut-il qu’il ait survécu !
Nombre d’entrées ne sont donc pas localisées avec exactitude…
Celles connues permettent un accès, lequel présente évidemment des risques sérieux et ne peut être entrepris qu’avec précautions et la compétence voulue.


La structure la plus fréquente des cavités est alors un puits vertical de 1 à 2 m de diamètre débouchant dans une chambre, une galerie unique ou un croisement de galeries d’une hauteur moyenne de 2 à 3 m et autant en largeur, (parfois beaucoup plus…hélas !), creusées dans la strate sous quelques mètres de craie  compacte conservés comme ciel de carrière (5 à 15 m de toit). Le développement n’est, dans la majorité des cas, jamais très grand, quelques décamètres au plus. ( 20 m en moyenne)
Le travail était fait au pic, les produits de taille acheminés au bas du puits à la brouette, et remontés au treuil à main.


La technique d’exploitation était celle de la galerie unique ou à piliers tournés.
La craie tendre ici extraite n’étant pas une roche très résistante à la pression, souvent hétérogène et fracturée, les accidents d’effondrement suite à l’écrasement d’un pilier n’étaient pas rares, et, de nos jours sont la cause de déboires divers à la surface si la carrière n’est pas très profonde.
Ils peuvent d’autant plus survenir que la marnière aura été développées sur deux niveaux superposés dans la même strate…
Le phénomène de fontis, suite à descente de voûte entre piliers et aussi observable.
Il est donc clair que s’aventurer dans ces cavités est une prise de risque élevé, même si on a des compétences…
Ces puits, quand ils n’étaient pas bouchés après usage ont pu servir, hélas, de poubelles et on peut y trouver de tout et de rien, y compris des horreurs ou des objets dangereux…(vieux explosifs notamment)
Exemple cité par Maupassant dans sa nouvelle littéraire « Pierrot  » publiée en 1882, « … les marnières sont des endroits où l’on jetait les chiens dont on ne voulait plus… ».
Leur éventuelle exploration est donc aussi rendue possiblement dangereuse à cause de ces comportements inciviques.

Les marnières peuvent aussi côtoyer des « bétoires » qui sont, elles, des entonnoirs formés à partir du sol et jonctionnant avec des cavités naturelles de type karstique, creusées par les eaux à la faveur des fissures de la craie…mais celles-ci sont presque toujours bien visibles ! Et malheureusement, les cavités souvent très étroites et non pénétrables humainement…ou bien pas longtemps !

Quoi qu’il en soit, ces cavités présentent un réel intérêt spéléologique, historique, technique, mais quiconque envisage d’aller en explorer quelques-unes au Pays de Caux est ici bien averti des risques importants encourus, notamment si les « visites » ne sont pas déclarées et/ou guidées par des spéléologues normands connaisseurs (ou autre expert des cavités anthropiques locales)…l’avertissement est à la hauteur de l’incitation !

 

 

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