Gigi s’offre le Bockloch (trou du bouc) 497

Gigi s’offre le Bockloch (trou du bouc) 497

2 février 2022 Canyon 0

Gigi s’offre le Bockloch      497

Par une belle matinée vosgienne, une paire d’équipiers envisagent la descente du Hinter Bockloch, littéralement « le trou du chevreuil de derrière… ». Chacun d’eux a bien voulu nous faire le récit de cette petite aventure qui, à l’origine, devait être du canyonisme « glaciaire », étant donné que, normalement, il fait plutôt – 5°C  voire – 10°C fin janvier en ces lieux…et ce, durablement.
Alors voici leurs retours :

Le 29/01/22, nous devons avec Kiki descendre le torrent du Bockloch façon canyoning.

Il fait un froid relatif ( -2° ) et la veille, Kiki a effectué une reconnaissance pour voir l’état de notre lieu d’aventure : la cascade n’est pas gelée dans sa partie inférieure et son débit n’est pas très important.

Il faut maintenant se changer et se mettre une nouvelle fois en slip pour commencer notre activité.

Vu comme ça, on pourrait croire que cela va être dur et que cette cascade semble hostile mais même si cela est vrai, ça ne dure que quelques minutes et nous ne sommes pas contraints.

En plus, comme nous ne sommes que deux, Kiki a eu la gentillesse d’amener quatre combinaisons en néoprène, une pour chaque activité « mouillante  » et ce matin, deuxième jour de notre périple, nous en avons donc des sèches. Youpi !

En plus, si l’on change d’état d’esprit et que les mots sont bien choisis, l’environnement qui peut sembler « gris », devient tout de suite un paradis. Oscar Wilde disait « La beauté est dans les yeux de celui qui regarde ».

Je m’explique : le chemin qui mène à notre point de départ peut être abrupt, glissant, la forêt inamicale mais si, plutôt, nous considérons que nous cheminons sur une petite sente enneigée avec des cristaux scintillants posés par les lutins et des arbres majestueux où se cachent de petits animaux dont on remarque les empreintes, l’approche n’est pas la même !

Nous arrivons donc à notre point de départ et nous sommes accueillis par un paysage féérique : les rochers sont glacés, des stalactites de toutes tailles nous font une haie d’honneur et les nombreux ressauts animent l’endroit.

Nous marchons dans le torrent et mettons une corde en rappel quand nous sommes stoppés par une pente plus prononcée.

A part un endroit où Kiki a fait  » cadeau  » d’un amarrage, les autres accroches étaient toujours là.

La descente se poursuit sans encombre et je n’ai pas froid car je suis occupé à équiper sous l’œil avisé de Kiki, qui, lui, bouge moins et subit donc plus. (Mais il est rôdé et encore solide…)

Il prend le temps de faire des photos qui égayeront cet article et nous en profitons pour admirer notre environnement changeant : cristaux, givre, bois morts, embâcles enchevêtrés sont autant de raisons de s’émerveiller.

Dernière cascade : comme toujours je descends en premier en écoutant les conseils de Kiki afin de mettre contre la paroi un sac de transport afin que la corde ne frotte pas trop.

J’arrive en bas et contemple cette dernière chute et attends mon co-équipier.

Il me rejoint et nous commençons à rappeler la corde pour la dernière fois … malheureusement, un nœud semble s’être pris dans un obstacle et malgré tous nos efforts, la corde ne bouge plus.

 

Me voilà contraint de remonter pour aller analyser la situation : moi qui croyais avoir fini !

Mais bon, c’est formateur à ce qu’il paraît… et sur place, bien que je ne voie pas d’anomalie, je fais coulisser un peu la corde, remplace un nœud peut-être trop gros par un plus petit et entame la redescente.

Arrivé en bas, après une nouvelle séance photos de Kiki le paparazzi (Peut-être la corde n’était-elle pas coincée et Kiki a-t-il trouvé ce stratagème pour photographiquement « abuser « de moi en tout bien tout honneur ?), nous recommençons à tirer notre rappel de corde en espérant que cette fois-ci, elle viendra.

Et oui, cette fois, c’est bon !

Nous rangeons notre matériel et repartons à la voiture.

Notre sortie aura duré 4 heures, de bonheur, de bonne humeur avec les fées et les lutins veillant sur nous.

Merci à tout ce monde et à Kiki pour ce moment hors du temps.

Gigi

Après une nuitée passée aux alentours de °C, il faut s’extirper du sac de couchage si douillet, et exposer aux frimas son corps quelque peu endolori par les six heures d’efforts et de contorsions spéléologiques de la veille…
Dans la légère brume bleutée, après un frugal et froid petit déjeuner, il va s’agir d’ôter la quasi-totalité des effets vestimentaires, et presque nu comme un ver…endosser une combinaison en néoprène, à la température extérieure, dont la glaciale caresse n’est pas sans évoquer la volupté perverse de la Camarde au crépuscule des vies qu’elle emporte.
Peu à peu revêtu de cette seconde peau qui transforme un homme en otarie, mais en moins beau, il faut alors passer à l’enfilage d’une combinaison trempée d’hier, ce que les phalanges n’aiment guère !
Du petit noir, on passe au gros rouge… comme du café au vin !

Reste le cuissard, lourd de quincaillerie, car avec SJV on ne se lance pas dans un canyon hivernal sans avoir de quoi se sortir de n’importe quel mauvais pas, y compris dans un canyon très peu « engagé » tel le Bockloch…et de fait, il s’agit davantage d’un équipement  technique spéléologiste que canyoniste !

Encore pas mal de choses à régler avant le départ pédestre…sac, cordes dont celle de secours, bidon, nourriture, papiers, couteau…et cordelettes d’amarrage, car celles censées être en place ne le sont peut-être plus ou bien abîmées…ce serait bête, quand même !

Mais ça y est…la neige crisse maintenant sous les épaisses semelles des bottes, soigneusement choisies pour être encore étanches, car tout ce qui pourra être parcouru les pieds au sec sera bienvenu !
De fait, peu de neige il y aura, car sous le couvert forestier, point de blancheur de flocons, et les deux cents petits mètres de dénivelée donneront l’impression d’une promenade printanière bien plus qu’hivernale !
Mais voici le pont qui enjambe le cours d’eau…après avoir pu apprécier de loin l’état des cascades, le débit, l’encombrement du ravin, à chaque crochet gauche du sentier.
Peu de glace…peu de stalactites…il ne reste qu’à se glisser avec précaution sous l’arche unique qui surplombe le flot bien actif, et se porter près des premiers amarrages, qui sont toujours là ! Ouf ! On pourrait faire sans eux, mais ce serait beaucoup moins simple !
Petite cascade dès le départ, qui arrose bien, avec une margelle surplombante susceptible de frotter fort..

Ce premier cran de descente d’environ 4 m est au sortir du pont avec une dalle glissante un peu pentue, les broches du rappel étant scellées sur la pile en face aval.
Cascade C4 un peu déclive sans difficulté.
Elle donne sur un entrelacs de branchages décorés de glaçons scintillants, qui seront peut être les seuls de la descente…d’où quelques photos sans tarder !
La suite donne une ambiance générale qui tiendra jusqu’à la cascade finale, un horizon largement ouvert, avec des échappatoires partout, un lit très rocailleux avec des pellicules de glace piégeuses car peu discernables, qui habillent d’un voile cristallin les sombres et vertes faces de la pierre moussue.

 Parfois le lit est encombré d’arbres morts, et les rocs qui ne sont pas gelés n’en demeurent pas moins glissants, avec des passages souvent instables, dans lesquels l’onde s’immisce et chante gaiement le dégel des névés qui l’enfantent.
Bien qu’en morte saison, le couvert forestier reste agréable, avec une végétation de mousses et de fougères très verdoyante, qui dessinent comme une foule courbée marchant vers la vallée.
Presque toutes les « verticales » sont en fait contournables, moyennant une certaine prudence et quelques efforts tout de même…engagement très faible donc !
Quelques passages portent encore de la neige uniforme qui déroule sa couette mamelonnée, et sous cet aspect cotonneux apaisant il faut doublement s’en méfier, car les chausse-trappes ne manquent pas ici .
Peu après, un nouveau cran de descente se présente, d’environ 5m, pour lequel il n’existe pas d’amarrage artificiel ce qui amène à profiter d’un arbre à la base courbée en crosse et bien en retrait, un ce ces nombreux arbres montagnards qui, courbés, écrasés, par des congères ou des éboulements de terre se redressent et luttent pour leur survie en cherchant la lumière, décrivant alors ces grandes courbes redressées contre l’adversité passée.

L’obstacle court et un peu déclive, la corde haut placée, font que très peu de frottement est à déplorer…quel bonheur que d’évoluer à reculons dans le flot pétillant de cette vie liquide dont quasiment toute autre vie dépend !
On trouve là de belles formations glacées ornant des falaises burinées par le temps, et cette fois ce seront effectivement les dernières.

Une centaine de mètres plus loin apparaît le troisième cran de descente, une cascade de 15 mètres environ, mais pour l’été…car l’hiver, il vaut mieux passer par le flanc gauche, et cette fois c’est plutôt 20 mètres…
L’équipement part de deux broches implantées dans un gros bloc proéminent en rive gauche. L’usage direct de ce montage ne conviendra pas ce jour-là…trop arrosé et trop de frottement.
Une variante plus raisonnable et déjà testée sera donc d’utiliser ces deux broches comme amarrage en main courante rappelable pour se déplacer contre la rive, pour rejoindre un gros arbre à quelques mètres, dont des racines permettent de s’assurer en relais.
Sur cet arbre lui-même un nouveau rappel peu alors être posé. Un anneau de corde avec maillon qui y était installé a disparu…et c’est là que d’avoir été prévoyant évite la déconvenue en haut de cette belle cascade…

Quelques ficelous anciens mais encore bien solides, prudemment emportés, vont alors dépanner, mais ce ne sera qu’un pis-aller car leur état me permettra pas une durabilité rassurante ! On pourrait légitimement s’interroger sur l’opportunité de leur confier une vie…
Mais ce ne seront jamais que 80 kilos dessus, en effort statique, même pas en verticale pure, avec de la cordelette donnée pour 1500 daN…qui vieille et nouée en tient encore largement 500 !
Mais…pas de chocs violents quand même à lui donner. Et à changer au prochain tour !

C’est une belle descente, entre une grande paroi rocheuse, anguleuse, et une coulée liquide rebondissante qui asperge au loin et qu’un petit brin de soleil fugace fera miroiter, un clin d’œil de la nature, bien plus accueillante qu’hostile pour qui sait amoureusement l’adopter plutôt que prétentieusement  vouloir la dompter…
Là, un petit cirque nous offre en récompense  une collection de stalactites de paroi, ultime occasion de photographier un décor glacé, harmonieux, qui donne envie de s’installer plus longtemps.

Survient alors une sorte de toboggan, pas bien utilisable comme tel car en rebonds multiples…on le franchira plutôt sur nos pieds !
Cette fantaisie amènera à découvrir une construction du plus bel effet, formée de paillettes de glace enchevêtrées, que l’hiver est venu tricoter dans un creux de rochers, et, un peu plus loin, une curieuse petite île de mousse de crue figée cernée d’un mini-lac d’une ex-écume givrée qui donnaient à penser à une pâtisserie ou un entremet de type « île flottante » !

Une cinquième « cascade » déclive, pas passionnante à première vue, et pour laquelle un rappel n’est pas commode à poser ou alors bien loin, sera contournée.
En compensation, on va installer, haut sur un arbre en rive gauche, un rappel de 45 mètres d’abord direct puis dévié, pour parcourir un ensemble de cascatelles et de dalles pentues, normalement franchissables à pied, mais aujourd’hui on s’amuse !

C’est le seul moment durant lequel le soleil voudra bien darder franchement des rayons et faire étinceler les rochers mouillés, les rares moutons neigeux qui survivent aux températures positives çà et là, et donner leurs plus vives couleurs aux ramures des épicéas.

Une sixième cascade fait alors suite, pour environ cinq mètres, et pour laquelle on trouve diverses broches ou plaquettes un peu partout, seules les deux plus hautes paraissant adéquates à la pose du rappel.
Cette courte descente se fait les jambes dans le flot, pour le plaisir, et s’achève dans l’unique vasque où l’on trouve un peu plus d’un mètre d’eau…le Bockloch n’est vraiment pas un canyon pour les amateurs de saltos !
Il manquait une sylphide à s’y baigner nue…dommage !
Mais il est vrai qu’à cette température, elle aurait vite ressemblé à une schtroumfette, toute bleuie que sa peau serait…

Il reste encore un petit ressaut plaisant avant d’atteindre le seuil de la grande cascade terminale d’où on a un joli panorama en partie sur le lac en cours de remplissage après sa « purge » effectuée pour grands travaux l’année précédente.
Un arbre bien placé pour le rappel a été éliminé quelques années plus tôt, et ce sont désormais deux broches qui autorisent la descente sur corde.
Malheureusement, leur disposition implique un important frottement d’abord sur la terre puis sur un relief rocheux qui ne convient pas à ceux qui tiennent à leurs cordes et donc à leur porte-monnaie voire à leurs vies !

 

Il suffira d’intercaler un sac protecteur pour contourner ce problème.
Une vingtaine de mètres de vide suivie de 4 ou 5 peu pentus mais glissants restent alors à franchir, dans un environnement agréable très ouvert, au bas duquel quelques promeneurs assistent à la démonstration…les canyonistes en hiver sont rares par ici !
Cela n’empêche personne de contempler cette gerbe aquatique qui vêt d’une traîne de mariée près de vingt mètres de schiste brun enserré dans une écharpe de végétaux que les embruns vernissent.
On retrouve alors la passerelle du sentier de départ…la fête n’est pas finie pour autant après ces trois heures vécues tranquillement, avec le temps de réfléchir, de faire attention aux espaces où l’on met ses bottes, de réaliser de bons montages, et bien sûr, d’admirer !
Jolie petite course, du premier pas au dernier, avec une paix royale, et une météorologie agréable,  ce n’est pas si fréquent…mais la suite nous attend, et nous l’attendons aussi, nous avons donc un nouveau rendez-vous, mon co-équipier et moi, avec Elle…la Nature !

Kiki des forêts.

 

 

 

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