Le baptême d’Aratinga 627

Le baptême d’Aratinga 627

15 février 2023 Canoë 0

Le Baptême d’Aratinga      627

Comme chacun ou chacune sait, l’eau est une matière minérale multi-symbolique, en plus d’être l’élément vital et fondateur de notre planète bleue…rien de plus spontané qu’elle ait été choisie comme l’élément essentiel du baptême religieux.
S’agissant des navires, le baptême (religieux ou laïc) est normalement marqué par le bris sur eux d’une bouteille de vin, champagnisé ou non, ce qu’un proverbe souligne bien en guise d’avertissement … « Un navire qui n’a pas goûté au vin goûtera au sang ».
Un kayak de mer homologué DIV 245 étant considéré comme un navire par les autorités maritimes françaises, doit être immatriculé, porter un nom, ce qui va devoir être le cas de celui offert par Toto à Kiki, dans le cadre d’un échange de biens et services.
Sa parure « or et sang », qui va du soleil de midi au couchant, lui a valu d’être appelé ARATINGA, par rapprochement avec un magnifique oiseau vénézuélien, la Conure soleil  (Aratinga solsticialis).

 

 

Quelques gouttes de vin ayant été versées sur sa proue, lors d’un rituel confidentiel, le voici amené à l’eau, pour la première fois depuis sa création par rotomoulage de polyéthylène réticulé…
Récit du pagayeur affecté à cette opération baptismale laïque  :

Lever 6 heures, mais avec deux heures de préparatifs la veille, car Aratinga n’était pas doté de drisses de poupe et de proue, ni de caoutchouc de maintien de bidon étanche.
On n’oublie rien des accessoires et d’un minimum de sécurité…pagaie, eau, grignotage, petit change vestimentaire, gilet flotteur et sifflet, couteau… notamment.
– 2°C affichés au départ, on ajoute bonnet,  tour de cou, gants en néoprène. Des bottes en caoutchouc réduites étudiées pour l’occasion, dans lesquelles les chaussettes de néoprène n’entreront malheureusement pas, remplacées par des classiques en laine.
Et c’est le chargement sur la voiture, 28 kg à hisser sur les barres de galerie artisanales, sans toucher à la carrosserie…on ficelle bien tout ça, le petit chiffon rouge à l’arrière, on enfourne tout le reste dans le break, et c’est parti à 6h30, petit déjeuner engouffré.
Arrivée sur site à 7 heures, comme prévu.
L’objectif étant une mise à l’eau de nuit et avant l’entrée en service de l’écluse. Mission secrète !

Aratinga va connaître sa première immersion partielle à 7h20, en partant  sur des herbes que le frimas local (- 3°C dans cette dépression naturelle qui ne voit presque pas le soleil de toute la journée) a rendu très glissantes !
Un éclairage artificiel se met en fonction automatiquement 30 minutes avant l’ouverture du service d’écluse, créant une ambiance particulière…comme pour un baptême officiel !
Une péniche dort tranquillement un peu plus loin, en attendant son éclusage.

Le jour est naissant, la lune encore bien visible, le décor est très particulier sur ce miroir de canal bordé d’arbres et de taillis hivernaux défeuillés…mais voici le premier pont routier de Coupvray.
1200 m parcourus, dont une partie en fonction « brise-glace »…on retrouve les origines esquimaudes du kayak !!!
Le gouttes projetées par la pagaie gèlent en quelques minutes et forment peu à peu une plaque luisante ou une mosaïque perlée sur la coque.

 

Peu après, apparaît la grande passerelle de 34 m, tout en bois mais suspendue à des câbles d’acier sur piles de béton, de fin de XXème siècle. On note : 1500 m
Le jour commence à se lever, les mains refroidissent sur le manche d’aluminium, malgré une petite couche de plastique protecteur.
Voici le dock à gauche, sans péniche à quai, et le pont ferroviaire d’Esbly…2100 m au compteur.

 

C’est qu’il est temps de dire ici que la navigation des embarcations sans moteur n’est pas autorisée sur ce canal de Chalifert à Meaux ! D’où la nécessité de pagayer tôt le matin ! (Ou très tard le soir !!!).
Comme il n’y a que 3,2 km à y parcourir, ce jour-là, le faire en étant discret et avant la navigation commerciale reste une pseudo-tolérance tacite, mais pas autorisé pour autant !  Nous n’encourageons donc pas les lectrices et lecteurs à y mettre à l’eau une embarcation non autorisée.

Voici le pont de la D5, d’où beaucoup d’automobilistes et piétons peuvent facilement voir le bel Aratinga et ses couleurs flamboyantes sur l’eau, la discrétion n’étant plus possible…les derniers 900 m à y pagayer seront donc  plus rapidement parcourus, sans pour autant négliger l’embouchure du Canal latéral du Grand Morin, visiblement désaffecté,  ni le petit pont réglementé d’Esbly suivi de l’ancien moulin en rive droite…qui est desservi par le bras mineur du Grand Morin, surmonté donc d’un petit pont-canal.  (de 1840, environ)

C’est là que l’on débarque…3250 m. Il est 8 heures.
Le moulin est très dégradé dans sa partie inférieure, les vannes inutilisables, mais l’accès au bief inférieur reste très facile.
50 m de portage en descente suffisent pour remettre à l’eau, avec un peu de courant cette fois.
Un escalier facilite le ré-embarquement, mais les bottes raccourcies montrent leur limite…c’est à ras de l’eau !
Pour cette fois, on échappe à leur remplissage involontaire…

L’ambiance est immédiatement différente, ce diffluent circulant entre de hautes berges, très boisées.
L’envol de trois Martins-pêcheurs et leur plumage bleu qui s’enfuit me raviront !

Ce nom de « Martin-pêcheur » vient de martinet-pêcheur, qui était l’ancienne dénomination française de cet oiseau, dont le vol ressemble à celui de l’Hirondelle-martinet, lorsqu’elle file près de terre ou sur les eaux. Ce n’est pas en rapport avec le prénom d’un « Martin qui serait pêcheur !

Ce parcours du bras mineur a été choisi plutôt que par le bras majeur, malgré le beau pont canal à multiples voûtes de ce dernier, réduisant de 800 m la navigation sur le Canal, évitant la proximité d’habitations, et réduisant le parcours sur la Marne de 2 km en offrant la diversité agréable de ce petit cours d’eau.

De fait, outre un léger courant porteur d’environ 2 Km/h, une largeur moyenne de 6 m, très « humaine » donc, on s’offre une suite de virages doux et d’obstacles juste assez marqués pour ne pas bloquer le passage mais impliquant un peu de manœuvres.
Point négatif, hélas, beaucoup de constructions à ras des berges, dont bon nombre sont dégradées voire en ruines, ce qui nuit au coup d’œil.

 

Beaucoup d’arbres penchés et quelques originalités dont une petite passerelle privée en fer.
De rares embâcles dont un nécessitera quand même un peu d’efforts pour passer au-dessus !
Beaucoup de ponts pour seulement 1800 m de cours…
Petit pont du Chemin du Bac à 3450 m…
Pont SNCF à 3850 m…
Pont de la D 5 à  4400 m…
Passerelle privée vers 4750 m…
Pour atteindre la Marne à 5250 m !

Et là, surprise ! Une rivière entièrement nimbée de brume épaisse que le soleil naissant colore de ses feux.
La Marne présente ici une largeur avoisinant 55 m, et s’y retrouver tout seul, dans le silence, sur un esquif perdu dans cette atmosphère cotonneuse a quelque chose d’insolite ! Scène de film « gothique » attendue !

 

Très bon début pour Aratinga, qui, de plus, est jonché de débris végétaux suite au stage de « bûcheronnage » inclus dans le parcours, ce qui est très classique dans les sorties nautiques de SJV, canyon ou canoë !
La Marne est calme, aucun vent, courant estimé à 1 Km/h.

C’est parti pour gagner le barrage de l’usine élévatoire de Trilbardou.
On atteint d’abord la ligne à Haute tension vers 7500 m, puis le petit pont de Trilbardou, portant la D 89, vers 8350 m, ouvrage d’art d’une seule travée, tablier en jolie courbe se reflétant, du plus bel effet.
Plusieurs canards et cormorans seront visibles sur ce tronçon.

Le barrage a été réglé pour laisser le flot passer sur son aile gauche, dans un large (12 m)  déversoir bétonné, susceptible de recevoir des « aiguilles » pour réguler le débit.
D’ordinaire, c’est sur toute la largeur du barrage que l’eau s’écoule…soit environ 45 m !

 

On y découvre alors un cours violent, marqué par deux grosses vagues remontantes successives, fort bruyantes, et dans lequel il n’est pas question de se lancer seul, en hiver, assuré, sinon de dessaler, de se retrouver trempé.
Le débarquement et le portage s’avèrent donc indispensables, mais ils étaient prévus.

Un gros arbre en rive gauche a créé une petite crique, et une belle souche facilite le débarquement. On est à 9220 m.
Il n’y a pas intérêt à lâcher le kayak ou une pagaie, car ça filerait vite vers les seuils de flux !
Une reconnaissance pédestre va s’imposer…à peine 60 à 70 m de portage sur terrain facile, tout en béton et large, pour déboucher sur un quai final de 2 m de hauteur, aisé à passer.

 

Cette zone est en retrait, et héberge un contre-courant actif, qui a créé une plage, avec des remous et  la « laisse » de débris… avec le bruit de l’eau furieuse, on se croirait en bord de mer !
Il faut passer à l’exécution de ce franchissement, en veillant à ne pas esquinter Aratinga, qui n’aime pas du tout le béton, même lisse ! Ses 30 kilos, bidon inclus, et ses 4,5 m, réclament un peu de travail !
Mais tout se passe bien, et il ne reste plus qu’à rejoindre l’écluse aval du Tunnel de Chalifert.

 

 

C’est la partie la plus longue à couvrir sans obstacle… 14 km d’une traite.
Vers 11800 m on découvre l’alignement des maisons de Précy-sur-Marne, à flanc de coteau longeant le Canal de l’Ourcq, puis vers 14 500, l’île aux Vaches dont on ne cherchera pas le contournement, suivie du grand dock de chargement de péniches,  de l’île Henriet  vers 15000 m pour se repérer au grand pont de béton de la LGV de la SNCF, à 15500 m.

 

Sur ce parcours, on peut rencontrer des péniches, car la Marne y est remontée fréquemment jusqu’aux docks de Précy.
Ce fut le cas pour une première, avec de belles vagues derrière, renforçant cette idée de bord de mer précédente !!!
Voici alors le débouché du Canal 01 de la Beuvronne (cours artificiel) vers 16000 m suivi à moins de 100 m de celui de la Beuvronne (cours naturel).

Bientôt, l’élégant pont d’Annet-sur-Marne, d’une seule portée, va apparaître, avec quelques pêcheurs à la ligne.
On en est à 17000 m.
Une grosse ligne à haute tension, vers 17400 m précédée une imposante bâtisse en rive droite, sur l’Impasse de l’Île Demoiselle (qui n’en est pas une).
Seconde péniche croisée, et, peu après, une agréable rencontre de trois grands cygnes muets, dont un jeune avec une partie de son plumage brun de juvénile encore bien visible.
Compte-tenu de la fidélité monogamique légendaire de cet oiseau (Cygnus olor), il est probable qu’il s’agisse d’une famille…

 

 

Reprenant la rivière, on longe la Base de Jablines située de l’autre côté de la rive gauche, puis la belle forêt de Vallières en rive droite, et après avoir croisé une troisième péniche, c’est le nouveau pont SNCF de Chalifert qui se présente…à 23000 m, immédiatement suivi par l’ancien pont SNCF, et ses grands piliers avec voûtes  romanes .
Les derniers 500 mètres permettent de longer le petit port accolé à l’écluse aval, de remonter jusqu’aux portes du sas, où, malheureusement, l’escalier de berge est trop près du mur…imposant de revenir un peu en arrière pour trouver un bas de berge plus facile à aborder. Le bas seulement, car la suite est très raide !

 

Aratinga va connaître alors son troisième hissage hors-norme…fort heureusement garni d’épais végétaux protecteurs de sa coque.

Pour lui, ça s’arrête là, il est à peu près midi.

Mais le pagayeur va devoir se charger du bidon et de la pagaie, et parcourir 1 km pour rejoindre la voiture du départ.
Ce petit kilomètre compte une gentille côte à 45° ou presque, dénivelant 30 m, suivie d’un raidillon en descente et d’une petite route vers l’écluse amont.
Après un rapide changement d’habits mouillés contre des secs, il va s’agir de rallier l’écluse aval, ce qui s’avèrera bien moins simple que prévu sur la carte, du fait d’une suite de sens interdits et de prises de renseignements erronés auprès de trois personnes successivement… et d’un camion citerne en livraison sur une route étroite…mais ça finira par passer !

Encore un peu d’efforts pour récupérer Aratinga, le charger, l’arrimer, et une demi-heure de route…et voilà, 13h30, l’affaire est terminée en 7 heures, beau baptême en eau douce pour un kayak… de mer !

 

Mais il est bien clair qu’avec 10 ou 15°C de plus, le soleil, les feuilles vertes, les petites fleurs et les oiseaux qui chantent, cette promenade nautique ne peut être que bien plus agréable encore !

 

 

 

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