Le Tunnel-aqueduc du Chapître 711

Le Tunnel-aqueduc du Chapître 711

8 décembre 2023 carrières diverses Randonnée 0

Le Tunnel-aqueduc du Chapître (dit aussi « de l’Epine »)    711

N’apparaissant nulle part sur Internet, ni article, ni citation, ni photographies publiées, ni cartes postales anciennes, ce petit ouvrage d’art du début du XIXème siècle nous a paru mériter un article pour le faire connaître.
Il entre dans la famille des divers tunnels qui passent sous le Canal de l’Ourcq, soit pour laisser libre cours aux eaux de rivières et rus dont il coupe les vallées, soit pour livrer passage à des humains ou du bétail, lorsque cela est plus simple, plus rapide, plus durable  et plus économique que de créer un pont , une passerelle ou un aqueduc.
Situé sur le territoire de la commune de Varreddes, la raison de sa création et ses rôles ont été, initialement, dès 1820, de servir d’aqueduc d’évacuation des eaux en cas de fortes précipitations en empruntant le tracé d’un chemin menant à des carrières appartenant à l’évêché de Meaux que le canal traverserait.

 

Secondairement,  il facilité les déplacements des carriers nombreux à venir de Varreddes, de Poincy, de Trilport, voire de Congis, évitant un long détour par un pont que le canal aurait créé, ou la nécessité d’établir un « bac ».
Puis ce sont des champignonnistes qui passeront par là, dès 1860

Ses dimensions ne permettent que le passage d’hommes ,de femmes et d’enfants, ou de petits animaux domestiques, voire petits animaux de ferme, notamment des ânes, ou, plus récemment, le passage de cyclistes ou vététistes, pied à terre.
Large de 80 cm et haut de 1,65 m au sommet de sa voûte, il a été entièrement réalisé avec des blocs de calcaire plus ou moins siliceux, appareillés au mortier bâtard, pour les parties épigées.
Les entrées sont réalisées en pierre taillée, dont des blocs de grandes dimensions, à géométrie tridimensionnelle complexe.
Le toit arbore une voussure plein-cintre, les parois sont verticales.
Le sol est agencé en caniveau central, réalisé en pavés de grès
Parfaitement rectiligne et quasi horizontal, il mesure 35 m, le canal ayant ici une largeur d’environ 10 m et à peu près autant pour chacune de ses berges augmentées de talus raides.

La construction du canal ayant duré 20 ans de 1802 à 1822, et s’étant déroulée de l’aval vers l’amont, on peut risquer une extrapolation et estimer la construction de ce tunnel de 1810à 1820, mais cette estimation n’engage que nous.

Plusieurs chemin ruraux convergent vers lui, venant globalement du Nord-Est du Canal, les carrières étant plutôt au Sud-Ouest
– Chemin de Poincy à Congis
– Chemin du Plat-Cul
– Chemin d’Avoine
– Chemin de Varreddes à Trilport (Pointillé bleu)

Ces quatre chemins donnent sur le Chemin des Carrières (Pointillé noir) qui collectait les employés et ouvriers et les drainait vers le tunnel puis vers les carrières, dont la principale presque en face, la Carrière du Chapitre de Meaux.
S’y ajoutait :
– Chemin de halage (en rive gauche du Canal)
En rose, la zone d’activité des quatre ex-carrières connues. (toutes fermées)

 

 

Outre ce tunnel aérien, il existe un tunnel souterrain qui était encore accessible avant 1985, qui fut creusé plus tard, en sous-minage, un peu plus au sud. (En aval donc)

Ce  second passage desservait une carrière adjacente. Il aurait même existé un troisième passage encore plus en aval avec lui aussi un rôle d’aqueduc d’évacuation, pour une troisième carrière. Il n’en reste pas trace visible au dehors.

Ce tunnel-aqueduc du Chapitre (dit aussi « de l’Epine ») est actuellement dans un état de conservation remarquable, ne présentant aucune détérioration du fait du temps ou de l’usage

 

Pas de lézardes, pas de pavé déchaussé ou descellé, aucune infiltration d’eau, sol sec sans boue, et plutôt respecté (Pas d’ordures, pas d’inscriptions diverses…).

 

 

Seules ses ouvertures sont un peu encombrées de végétation ou de rejets de coupes forestières d’entretien des berges, mais laissant encore le passage.

Une pancarte ancienne en métal émaillé rappelle que l’accès des carrières est dangereux dès l’entrée orientale du tunnel.
Son rôle d’aqueduc n’est pourtant plus d’actualité depuis des décennies, sa conformation actuelle ne permettant plus les écoulements, et l’abondance relative des pluies potentielles n’étant plus suffisante pour créer une nappe d’eau qui dépasserait les talus terreux formés des deux côtés, notamment le talus occidental.
L’observation attentive des lieux montre l’absence totale de sédimentation en milieu aqueux, l’inexistence de ligne de dépôts de flottaison, et l’installation de végétaux colonisateurs qu’aucun flux d’eau n’est venu perturber depuis très longtemps.

Néanmoins, s’inspirant du principe du « risque zéro », et soucieuse d’appliquer le « principe de précaution », les Services des canaux de la Ville de Paris n’autorisent pas encore le franchissement de ce tunnel-aqueduc, à ce jour.
Mais rien n’empêche de se rendre jusqu’à ses entrées et d’y plonger le regard aidé d’une bonne torche ou lumière de téléphone.
La tentation sera forte de traverser…mais si vous y succombez, ce sera à vos risques et périls, non pas physiques car ces risques-là sont NULS, mais plutôt des risques juridico-administratifs si vous deviez être surpris par une personne assermentée dans ce passage durant les 30 secondes nécessaires à le franchir…!
Notre association ne peut évidemment vous y pousser, mais vous en informe…

L’ intérêt de cet élément architectural n’est pas seulement technique et historique, en temps que vestige industriel et élément du patrimoine varreddois. (voire Seine-et-Marnais).

Il s’y est en effet développé un cortège animal discret mais typique, essentiellement composé d’insectes (Moustiques et Papillons), d’arachnides (Araignées et Opilions), de mollusques ( Gastéropodes) et quelques crustacés terrestres (Cloportes).

 

 

 

Si vous deviez ignorer l’interdiction d’entrer, il convient de ne pas détériorer cette niche écologique en déambulant dans cet ouvrage de maçonnerie, en veillant à ne pas se frotter contre les parois et le « plafond », et bien  sûr, en ne dérangeant pas cette paisible faune, le plus souvent plaquée aux pavés ou abritée dans les interstices de maçonnerie.

Et de laisser les lieux en parfait état.

                                   

 

 

 

 

 

 

L’ouverture orientale est assez commode d’accès, le Chemin des Carrières y menant en pente douce, il en va de même du côté occidental.
En effet, le cheminement en sortant du tunnel se dirigeait normalement vers une large entrée de carrière située à une vingtaine de mètres, avec un passage aérien donc. (Ouverture visible mais totalement comblée de nos jours)
De cette large entrée part une rampe douce d’une centaine de mètres, qui s’élève peu à peu au niveau de la berge droite du canal, vers le Sud, rampe qui permettait d’acheminer les blocs de pierre jusqu’au bord, pour les charger sur des flûtes de l’Ourcq, petites barges étroites et de faible tirant d’eau.
Actuellement, cette rampe est encombrée de quelques petits végétaux et de quelques troncs d’arbres, mais sa praticabilité reste assez aisée.
Ses derniers décamètres étant encombrés d’une végétation pionnière d’orties et de petites ronces, mieux vaut s’en dégager en obliquant vers la berge, après 75 mètres environ.

 

Le Chemin rural des Carrières, allant vers Varreddes (ou en venant) est barré de nombreux arbres couchés, mais leur franchissement par en-dessous ou par au-dessus, selon les cas, reste facile…il ne dure que 60 mètres avant de déboucher en lisière des champs, chemin agricole très dégagé, Varreddes à 1500 mètres environ.
Il y a par ailleurs un court sentier d’accès, pentu, qui est en lien avec le chemin de halage.

Pour revenir à la rampe, elle débouche sur un large espace qui était le port d’embarquement.
Après la cessation d’activité des carrières, antérieure à la première guerre mondiale, cette large esplanade a vu la construction de deux maisons dont une dite « Maison Blanche » (mais qui n’a rien à voir avec celle des Etats-Unis !!!) qui disposait d’un petit lavoir au fil de l’eau du Canal. On n’en trouve plus que la petite descente maçonnée, avec quelques marches. (cercle blanc)

 

Ressortir à l’opposé de la rampe (vers le Nord) est beaucoup plus court et en terrain mal dégagé, réclame le franchissement d’un talus en pente raide, assez difficile, surtout si le sol est mouillé et la terre détrempée…mais tout à fait réalisable avec un peu d’efforts et de technique.

Enfin, de nos jours, ce tunnel pourrait être un passage original et être intégré dans quelques boucles de randonnées existantes en créant des variantes. Mais les Services de Canaux n’ont pas donné l’autorisation de l’utiliser.
Aucune publication officielle n’a donc été réalisée. Les passages fréquents observés ne sont donc que clandestins.

On n’en fera pas un monument historique, il ne sera pas classé par l’UNESCO…mais mérite un détour et surtout le respect du travail bien fait et de toute une époque aussi laborieuse de courageuse, voire glorieuse, ici évoquée.

Bonne visite, à l’occasion…visite de l’extérieur.

 

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