L’extraordinaire Salamandre tachetée 564

L’extraordinaire Salamandre tachetée 564

9 juillet 2022 Spéléologie Zanimos 1

L’extraordinaire Salamandre tachetée     564

Bien que son nom soit connu, bien que quelques légendes la concernent, bien qu’elle ne soit pas encore d’une espèce animale trop raréfiée, (malgré de nombreuses atteintes directes et à ses biotopes), bien qu’elle ne soit ni très petite, ni discrète, ni rapide à s’enfuir, les gens qui ont pu rencontrer Salamandra salamandra bien vivante dans son milieu naturel, au moins une fois dans leur vie, ne sont pas si nombreux que cela…
Si c’est peut-être bien mieux comme ça pour elle, c’est aussi bien dommage pour eux, car vraiment, voilà présentement un animal extraordinaire, admirable, et cela de bien des points de vue…
Cette salamandre tachetée (ou terrestre) est un vertébré (qui a un squelette interne) amphibien (qui peut vivre dans l’eau ou dans l’air soit concomitamment soit successivement durant sa vie) urodèle (qui porte une queue).
Il existe des espèces voisines ou des sous-espèces dont on ne parlera pas dans cet article.

1)Extraordinaire par sa livrée
La salamandre tachetée est classiquement vue noire tachetée de  jaune, mais la variation est extrême, allant de spécimens presque entièrement noirs (à ne pas confondre avec une espèce montagnarde toute noire)  à presque tout jaunes, voire des albinos presque blancs. De plus, cette coloration peut être partiellement liée à celle du milieu, les teintes jaunes étant alors plus pâles ou plus marquées, et le nombre, la répartition, les dimensions des zones jaunes étant quasiment uniques d’un individu à l’autre.
Ces animaux mesurent entre 15 et 20 cm à l’âge adulte atteint en 2 ou 3 ans, et doivent muer, comme les serpents, ce qui est une épreuve délicate pour eux, certains s’étranglant avec leur propre mue, et étant vulnérables durant cette opération.
Qui plus est, il n’est pas rare qu’ils mangent leur exuvie (peau morte rejetée).

2) Extraordinaire par sa toxicité

La salamandre tachetée est couverte d’un mucus qui rend sa peau luisante. Celui-ci contient trois poisons dont un dominant, le samandarin.
En arrière de la tête, deux zones excrètent majoritairement ce venin, et peuvent même le « cracher » en cas de détresse. Ce produit est extrêmement désagréable au goût, et est neurotoxique, provoquant de graves troubles voire la mort pour de petits animaux.
Pour l’Homme il peut être  toxique s’il est mis en contact avec des plaies ouvertes, avec la surface des yeux ou dans la bouche…mais ne peut traverser la peau. (Très dangereux pour des animaux qui les prendraient en bouche, les mordraient…ce qui arrive parfois à chats et chiens)
Du fait de sa livrée très voyante donc très reconnaissable et identifiable comme « non comestible » par les carnivores sauvages, la Salamandre tachetée ne connaît pas de prédateur à l’état adulte, son seul ennemi restant alors l’être humain…et surtout ses voitures et camions sur les routes mouillées.
En revanche, à l’état larvaire ou juvénile, divers animaux peuvent s’en repaître…

3) Extraordinaire par son pouvoir de régénérescence
Très rare pouvoir chez les vertébrés et à ce point, la Salamandre tachetée est douée de la capacité à voir se régénérer diverses parties de son corps qui seraient abîmées, mutilées, arrachées…notamment la queue, les pattes, le bout du museau, et même un œil…Pour autant, tout doit être fait pour lui éviter de tels ennuis, car malgré ce pouvoir, les blessures la font souffrir, la régénérescence demande des mois durant lesquels l’animal est affaibli et handicapé, donc plutôt en survie…
Gare à nos pas brutaux sur les pierres mobiles dans les parties proches des issues, surtout si humides, boueuses, et même bien plus loin dans la cavité si un flux d’eau a pu les y emporter.

 

4) Extraordinaire par son caractère amphibien
Les larves sont délivrées dans un milieu aquatique, et ont d’abord une respiration branchiale, puis sortant de l’eau lorsque dotées de leurs quatre membres, passent à une respiration pulmonaire l’air étant mis en circulation par des mouvements de la bouche, et complétée par une respiration épidermique à l’état adulte !
De ce fait la peau doit rester humide, et cet animal est dépendant des milieux qui le lui garantissent…d’où sa propension à habiter les cavités diverses, soit par choix et y restant donc libre, soit par accident et y restant alors souvent prisonnier.

 

 

5) Extraordinaire par sa reproduction
Les accouplements, qui restent externes, se produisent du printemps à l’été…et la femelle peut stocker les spermatozoïdes durant des mois voire des années dans une spermathèque interne. Lorsqu’elle ovule, il se déroule une fécondation interne qui produit des œufs qui se développent en larves dans le corps de la femelle jusqu’au printemps suivant, enveloppées dans des membranes et du liquide, ce qui ressemble fortement à un développement d’embryon de mammifère dans un utérus ! Mais, différence fondamentale, il n’y a pas d’organes similaires à un placenta et un cordon ombilical !
Lorsque la femelle libère ses larves dans l’eau, ces membranes éclatent. Ce phénomène de porter ses larves en développement plutôt que pondre ses œufs  est une larviparité…unique chez la Salamandre !

 

C’est en moyenne 30 larves par femelle et par an…beaucoup seront mangées par certains gros insectes dont carabes, des poissons (dont la truite) d’autres larves carnivores (libellules Æschnes) voire certains rongeurs et mêmes des oiseaux.

6) Extraordinaire par ses adaptations
Les larves précédemment citées peuvent se développer dans toutes sortes de points d’eau, parfois très petits, que l’eau soit claire ou trouble, alcaline ou acide, vive ou stagnante, froide ou tiède, végétalisée ou non…dès lors que cette eau demeure présente au moins deux mois.
En cas de nécessité, les larves peuvent différer leur développement de plusieurs mois
Les adultes se contentent de toutes sortes de milieux et cachettes dès lors que l’humidité de leur peau peut être assurée, car s’alimentent de petites larves, de vers, de petits mollusques, ou petits insectes capturés à la langue ou à l’assaut, à la lumière car détectés au mouvement par les grands yeux noirs hypersensibles, ou détectés dans l’obscurité par l’odeur, grâce à un organe sensoriel spécial près des narines.
Les adultes peuvent d’ailleurs se livrer au cannibalisme en cas de disette, en consommant leurs larves ! C’est une adaptation  particulière !!!
Si les adultes ne savent pas nager, ou très mal, ils sont capables de surnager puis de s’agripper à tout ce qui flotte ou permet de remonter, c’est souvent le cas dans les grottes.
L’hibernation est aussi une adaptation, d’octobre à mars, généralement semi-enterrée dans tout ce qui peut servir d’abri tranquille…

7) Extraordinaire par les légendes et symboles rattachés…selon les régions, les pays, et les époques.
Susceptible de vivre un demi-siècle (mais plutôt limitée à 20 ou 25 ans dans l’exigeante nature…) la salamandre tachetée a bien sûr inspiré pas mal de monde, ne serait-ce que par son originalité d’aspect dont ses  grands yeux noirs…
On l’a crue immortelle dans les flammes…ou capable d’en cracher vu son apparence de dragon miniature, ou même de naître dans les cendres des feux , le noir et jaune voire noir et orange vif de certaines y étant pour quelque chose !
Le roi François premier en avait fait son emblème.
Sa peau avait la réputation d’être ininflammable et incorruptible, et censée porter des poils…!


La salamandre secrétait le plus puissant de tous les poisons connus, capable d’empoisonner un puits pour des mois si une salamandre y tombait (ou y était jetée par volonté de nuisance)  ou de gâter tout un arbre fruitier si elle y grimpait !
On lui a attribué un souffle délétère susceptible de tuer un homme ou une vache (qui éclataient par gonflement).
Censée ne respirer qu’une fois par jour, la seule façon de la tuer était de l’enfermer hermétiquement dans un récipient, plus d’une journée, pour s’assurer de son auto-empoisonnement.

 

 

8) Et même extraordinaire par le plaisir qu’on peut avoir à la rencontrer lors de nos sorties…et par son niveau de protection légale !!!

Se pose la question alors de la ressortir de cavités (ou non), si elle n’y est visiblement pas venue d’elle-même,  la réponse n’étant pas si évidente que cela.
Certaines et certains diront que la Nature a ses règles, et que la salamandre arrivée dans une grotte, un puits, un regard technique… par accident doit s’en débrouiller, quelle que soit l’issue de son aventure.
D’autres verront les choses plus anthropomorphiquement en jugeant de sa capacité à y vivre ou survivre correctement ou, au contraire, de sa souffrance et de sa mort assurées si le milieu lui sera trop « hostile ».
Dans le premier cas, laisseront l’animal vivre sa vie dans un écosystème estimé tolérable, dans le second, veilleront à son salut en l’exfiltrant et le remettant dans un lieu estimé plus favorable.
Attention cependant…animal totalement protégé par la loi, (comme 80%  des espèces de reptiles et amphibiens de France) sa capture, son transport, et bien sûr son commerce sont sévèrement réprimés, de même que la destruction et la dégradation de ses milieux de vie, de reproduction, d’hibernation…

Liste :  https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043113964     (lien non actif)

 En cas de non-respect :  3 ans d’emprisonnement et 150.000 euros d’amende…ça fait cher !
Donc, en cas de sauvetage, il y a intérêt à ne pas balader l’animal trop loin, (notamment dans une voiture) à ne pas faire de photos quand il est dans les mains ou dans une boîte, a avoir des témoins … bref, à pouvoir établir sa bonne foi de sauveteuse ou sauveteur !!!
Reste à ne pas l’ écraser sur les routes, car c’est son principal facteur de mortalité au XXIème siècle…

 

Une réponse

  1. Anne dit :

    Un plaisir de lire ce bel article sur la salamandre que j’aime tant! Merci!

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