Le Bois du Moulin des Marais 686

Le Bois du Moulin des Marais 686

17 septembre 2023 Randonnée 0

 

Le Bois du Moulin des Marais            686

Lors de ses sorties, le club SJV fait toujours une large part à la découverte des milieux, des choses et des gens, au-delà des seules technicité et sportivité.
Il est très fréquent qu’au retour, des recherches de documentation soient effectuées, et que leurs fruits soient partagés entre membres qui se sont posé les mêmes questions sur les mêmes sujets. Et, quand l’intérêt semble dépasser les seuls individus à l’origine du questionnement, nous sommes heureux de pouvoir en faire profiter nos lectrices et lecteurs.
A l’occasion de récentes promenades locales, nous avons concentré notre attention sur le Bois du Moulin des Marais, sur le territoire de Mitry-Mory, à quelques kilomètres seulement du siège de notre association.

Cette appellation englobe un très grand espace boisé, à l’origine, qui agrégeait les actuelles forêt de Mitry et forêt de Claye-Souilly. (280 ha environ)
Mais depuis la création du Canal de l’Ourcq, ( 1800/1820) qui les a largement séparées d’un couloir liquide de 6 m flanqué de deux berges de 4 ou 5 m en moyenne, force est de constater que deux entités ont été créées…même si la voie des airs reste unificatrice !
Nous ne considérerons donc ici que la partie restant au nord de ce canal, totalisant environ 125 ha.

Elle est elle-même pratiquement étranglée selon un axe est-ouest qui compartimente à nouveau, bien que de façon moins sévère, et détermine une partie nord (57 ha) dans laquelle existait physiquement un moulin dans le haut des marais, et une partie sud, (65 ha),  très marécageuse, qui s’étire tout au long de la rive gauche du canal.

La carte 1950 ci-contre présente clairement ces deux compartiments, et positionne des bâtiments désormais disparus.
En A, existait une sorte de ferme avec dépendances, dont on parlera plus loin.
En B existaient deux bâtiments constitutifs du Moulin des Marais, qui devint un manoir et fera l’objet d’un petit développement, plus loin aussi.
A cette époque, pas moins de cinq sources, (1 à 5 en jaune) étaient identifiées donnant chacune naissance à un petit ru, dont quatre étaient affluents du ruisseau majeur venant du nord, le Ru des Cerceaux. (en bleu pointillé blanc)
Actuellement, après des réaménagements, la source 1 semble tarie, et la 2 a été reliée à la 4, formant les sources et le Ru des Abîmes.
Elles donnent lieu à un petit étang confidentiel en sous bois. (1500 m² quand même !)
La source 3  dite Fontaine Gravière, est probablement une exurgence de type artésien car dans certaines conditions elle forme un petit geyser bouillonnant dans l’étang (il faut qu’il ait beaucoup plu et durant plusieurs jours !). Cet étang couvre environ 4000 m².

 

Toute cette eau de nappes superficielles ou profonde s’écoule vers la Reneuse (ou l’Arneuse) alimentant au passage une grande partie marécageuse…

De divers écrits « piochés » dans Internet, on peut citer quelques éléments d’information présumés fiables :

– L’extrême nord comptait une ancienne propriété agricole, d’une teneur de 30 ares, avec un corps de ferme et des annexes.

Elle a été habitée jusqu’en 1946, par la famille Zazie, oranaise,  dont 4 filles et 1 fils. Trois des filles seulement y ont résidé durablement, durant 25 années.
Réputées « disparues », leur maison a fini par devenir un lieu abandonné où les adolescents venaient jouer, développant toutes sortes de récits imaginaires à base de fantômes, de romans policiers, de poèmes…

 

Cela jusque dans les années 80, puis elle fut rasée pour raisons de sécurité, entre autres.
Cette propriété a été reprise et réaménagée par la municipalité et l’AEV, figurant désormais l’entrée urbaine du nord du Bois du Moulin des Marais.

Grosse grille de fer, 400 m d’allées stabilisées en relation avec deux rues du village dans le quartier des Acacias.
On peut y admirer une rare arboriculture : un joli bois d’Aubépines sur 7000 m² ! Lequel est magnifique au temps de la floraison, et encore superbe au temps de la fructification !

 

 

 

Mais aussi un bel alignement de Charmes, et un autre de Marronniers. Sans oublier un mégalithe mimant un menhir, dont personne ne semble connaître le rôle ou la signification, passant de la stèle géante (6 à 7 m) au gnomon de cadran solaire, par un  totem de pierre, voire un pilier vestigial unilatéral d’un ex-portail géant !
En partant vers le sud-ouest, le chemin de la Bougie (ou de Bougy) longe le bois.
C’est dans ce secteur que se situent les sources des Abîmes (le Petit et le Grand). On trouve aussi un très grand pin et un tremble impressionnant couvert de boules de gui qui semblent bien lui être de plus en plus nocives.

 

 

 

 

La source du Petit Abîme, devenue très difficile d’accès, donne une belle eau limpide courant sur un lit de graviers et de sable fin, colonisée par des Aches Faux-cresson d’un beau vert, mais hélas non comestibles !

 

 

Ce ru nourrit un joli étang de 1500 m² environ, quand il est plein,  redevenant peu à peu sauvage, car niché dans une partie du bois assez dense et non desservie par un sentier. Batraciens nombreux sur les rives boueuses.

 

Il va finir sa course en confluant avec le très pollué Ru des Cerceaux, lequel charrie tous les effluents de l’aéroport de Roissy, de plusieurs entreprises et, pour finir, les rejets de la station d’épuration malheureusement connue pour être une des plus défaillantes de l’île-de-France…
Son eau est d’aspect lessiveux avec des irisations douteuses, très opaque, et le lit est fait de dépôts gluants, d’une vase noirâtre nauséabonde si on la remue. Des rapports d’expertise listent des polluants dangereux, dont divers métaux et solvants organiques.

 

 

 

Revenant au chemin de  Bougy, on finit par trouver l’accès oriental du Bois Régional, en lisière de champ.
On gagne ainsi la zone de la Fontaine Gravier, son grand étang de 4000 m², plusieurs fois modifié et aménagé durant quelques décennies, derniers travaux en date de 2020. Il est précédé d’une large zone de cariçaie, où les touradons formés par les Carex cespiteux sont impressionnants

 

Pour donner l’ampleur à cet étang, il a existé un petit ouvrage de rétention de l’eau, en aval d’une partie remarquable formée d’un puits artésien ancien.

 

 

 

Il a une formation anthropique avérée, circulaire, d’une dizaine de mètres de diamètre et d’une profondeur de 4 m environ, qui permettait de créer une zone d’eau pure ou presque car émanant de la nappe profonde.
Il est maintenant rare de voir réellement cette eau surgir, car il faut que la nappe génératrice soit haute…ce qui réclame beaucoup de précipitations durant plusieurs jours.
La retenue d’eau étant supprimée, l’étang est redevenu bien plus modeste. Une opération d’élimination des plantes aquatiques et semi-aquatiques invasives a été récemment menée, censée permettre la recolonisation par des espèces indigènes.
Le Ru de la Fontaine Gravier qui en sort fait transiter un mélange d’eau de nappe superficielle issue de l’aquifère des sables bartoniens (environ – 40 millions d’années)  et de la nappe profonde, il coule toute l’année, et finit par se jeter lui aussi dans le Ru des Cerceaux, diluant un peu sa pollution globale.

 

Ce ru est longé par un agréable chemin ondulant et bosselé, sur toute sa rive gauche, qui aboutit à une vaste clairière où exista le fameux Moulin des Marais.
Un peu au nord de cette clairière, un autre espace dégagé permet d’observer un vieil If, hélas très dégradé, probablement centenaire !
la grande clairière, dite « De la Fontaine Bonne-eau », témoigne encore de ce que le moulin à eau fut transformé en demeure bourgeoise de type manoir, enrichi de plantations d’espèces d’arbres majestueux, tels Séquoïa, Pin, Platane, Cyprès…au XIXème siècle, le tout propriété de la Famille Dulac…un nom prédestiné pour aménager une petit étang de pêche, qui sera même orné d’une « île », avec promenade en barque !
Ce manoir abandonné, très dégradé, fut fortement secoué par la tempête de 1999, ce qui lui valut sa destruction complète.
L’essentiel de la forêt alentour fut la propriété privée de la famille Brunet, qui en assura l’exploitation en bois d’œuvre et bois de chauffage.

 

 

Quant au moulin, il semble qu’il y ait eu un précurseur dès le IXème siècle !
Il y eut évidemment plusieurs remaniements et modernisations  en quelques siècles, la dernière version ayant cessé toute activité en 1838.
Il était sis à une altitude d’environ 55 m, alimenté par le Ru des cerceaux, qui, en ce temps-là, recevait toutes les eaux de son bassin versant et celle des sources diverses.
Le point bas des marais avoisine 52 m et il est intéressant de noter que cela le place près de 1,5 m en dessous du niveau du Canal de l’Ourcq.
Pour ce moulin, créer une retenue d’eau en amont eut été une gageure car il n’y a qu’une faible déclivité et une large ampleur…un véritable lac serait né !

 

Il a donc été plus judicieux et plus facile de créer une chute en aval, d’où le creusement notoire du lit du Ru.
Il n’a pas été rapporté de façon certaine à quel usage ce moulin fut destiné (farines diverses, jus de pomme, jus de raisin, lin, scierie… ?).

 

Ces marais ont aussi été des tourbières alcalines, et leur exploitation est avérée, soit pour amender des terres pauvres, soit pour alimenter des fourneaux ou des foyers domestiques. Les fourneaux étaient ceux de briqueteries cuisant des marnes à usage artisanal (briques, tuiles, buses…).
Ces tourbières ont été productives de la Révolution Française à 1832, soit un bon demi-siècle !

Les lieux des Fontaines ont aussi été exploités commercialement, soit comme sources d’eau minérale vendue sous étiquette « La Bonne-eau » jusqu’en 1945, soit comme cressonnières désormais disparues.

 

La Bonne-Eau du Moulin des Marais de Mitry-Claye, mise en bouteilles et vendue par un particulier après que la Ville a renoncé à le faire, paraissait être une véritable panacée !
Censée traiter les maux de cœur, des reins, de l’estomac, des intestins, des nerfs, de la vessie, et même « des maladies de femmes », et en cela, recommandée par la « Faculté » (de médecine sous-entendu).
Détail amusant, la consigne, appelée « gage » ici, ne signifiait pas un transfert de propriété du contenant qui restait le bien de « La source ».
Eau minérale des plus agréables et hygiéniques et la plus ancienne contenant du…RADIUM !

 

 

Enfin, diverses cultures ont été implantées, notamment des peupleraies (depuis 1920) très étendues auxquelles on reproche maintenant d’avoir asséché les marais, d’avoir étouffé nombre d’autres végétaux, d’avoir détruit en grande partie la biodiversité en obscurcissant le ciel vu la densité d’occupation.

 

Mais aussi en alimentant le sol forestier d’une masse considérable de leur feuilles, mono-spécifiques, durant des décennies.
Il est actuellement question d’éliminer ces peupleraies, au moins en partie, et il n’y a plus de plantation depuis 1990.

Nous sommes dans une zone humide et même aquatique de longue date, et une étude toponymique des différents plans parcellaires ou cadastraux des communes de Mitry et Mory vient en témoigner , en sus de l’existence d’un moulin à eau !
« Mare Jacquière », « prés neufs », « Fontaine bonne-eau », « Tourbières », « Fontaine Bernard », « Fontaine Gravier », « Cressonnière », « Source Renard », « Fontaine de Boursière », « Fontaine des Renards », « Fontaine du Vivier », « Etang Rond », « Fontaine du Croult-cul », « Le Pré de la Culée », « Mare Farinée », « Fosse Malzard » ou encore « marais du Pré Berson ».

 

 

 

 

Dans ce grand espace classé ENS on trouve ou retrouve malgré tout toute une flore et faune, dont une avifaune diversifiée, nicheuse ou non (environ 100 espèces d’oiseaux identifiées).
Les amphibiens et les reptiles sont malheureusement très peu représentés ( 3 espèces de grenouilles, 1 espèce de crapaud, le lézard des murailles et l’Orvet fragile…c’est peu !)
Nous nous contentons de la liste des Mammifères, animaux que l’on a de réelles chances de pouvoir observer et identifier , encore que pour les Chiroptères ce ne soit pas si facile !!!

On rencontre, heureusement, bon nombre d’insectes, arachnides, et mollusques, mais les listes sont longues, l’identification peu aisée pour beaucoup de ces espèces, dépassant largement le cadre de notre article.

 

Les lectrices et lecteurs désireux d’approfondir leurs connaissances concernant ces lieux trouveront de quoi lire et s’instruire dans deux rapports d’expertises de 2011 et 2016 dont lien internet suivants : (respectivement 240 et 170 pages !!!)

https://www.iledefrance-nature.fr/wp-content/uploads/2020/08/2011_AEV_PROLOG_Moulin_des_Marais_abiotique_flore.pdf

https://www.iledefrance-nature.fr/wp-content/uploads/2020/08/2016_AEV_Alise_Moulin_des_marais_faune_flore.pdf

 

 

Mais ce sera surtout aller s’y promener et beaucoup observer, écouter, qui devrait procurer un réel plaisir !
C’est ce que SJV souhaite à toutes et tous, après cette petite lecture de vulgarisation !

Un petit plan de repérage suivi de nombreuses photographies actuelles des lieux…publiées sans autorisation de l’AEV, qui nous le pardonnera certainement.
Après ces photos, nous publions une petite collection de cartes postales anciennes copiées, seules traces d’une vie passée qui fut humainement et socialement riche, en ces temps où on savait et aimait s’immerger dans la nature et le romantisme…

1) Petit bois aménagé, aubépines, charmes, marronniers, mégalithe et bancs
2) Source du Petit Abîme
3) Etang des Abîmes
4) Etang de la Fontaine Gravier
5) Ru de la Fontaine gravier
6) If remarquable et petite clairière
7) Grande clairière de la Fontaine Bonne-eau, cyprès, séquoïa, platanes, érables, buis
8) Station d’épuration
9) Quartier des Acacias
10) ligne TGV
11) ancien moulin, ancien manoir, disparus.
12) Chemin de traverse historique, très encombré.

 

 

 

Images du temps passé…elles pourraient permettre aux actuels promeneurs et randonneurs de se représenter ce que pouvait être la vie des gens en ces endroits très chargés d’histoires humaines, qu’il s’agisse des propriétaires, des travailleurs de la tourbe, des meuniers, des arboriculteurs, des éleveurs, des cultivateurs, des charbonniers, des bûcherons, des chasseurs, des visiteurs, des gamins, des amoureux, des poètes, des écrivains, des photographes…

Mais aussi, des fables, des légendes urbaines, une maison hantée, des fantômes des galopins en école buissonnière, des braconniers, des contrebandiers, des malfrats en tous genres, des disparitions inexpliquées, voire des criminels peut-être …
On peut aisément y imaginer des tableaux vivants, des scènes de vie… et même se lancer à y écrire un roman, inspiré du site et de ses habitants, humains, animaux, végétaux ou minéraux !
Les cartes postales ci-après reproduites datent du début du XXème siècle, selon les timbres-poste repérés (on en a ôté plusieurs), mais les prises de vues peuvent être bien plus anciennes.
En effet, les « cartes de correspondance » existent depuis 1869, et ont été admise par l’administration postale à compter de 1873…à partir de ce moment, les prises de vues se sont rapidement multipliées (la photo en couleurs existait déjà depuis 1861 et le support en papier albuminé au nitrate d’argent depuis 1850 !)
Les seuls vestiges matériels connus encore conservés sont les quatre médaillons sculptés d’un des murs du manoir.

 

 

 

 

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