Une ancienne carrière reconquise…(1) 307

Une ancienne carrière reconquise…(1) 307

13 juin 2020 carrières diverses Spéléologie 0

Une ancienne carrière reconquise…(1)     Le Grand Tunnel.  (GT)

Pour des raisons bien connues de toutes et tous, aucune localisation ou dénomination de cette cavité ré-ouverte ne pourra apparaître dans cet article, notamment par souci de sécurité, car il s’agit d’une  carrière présentant de nombreux secteurs très menaçants.
Sa description commentée se fera en plusieurs articles car on compte près de 2000 m de développement encore visitables et les points d’intérêt ne manquent pas.

Là encore, tout un travail d’étude de documents et de prospection sur le terrain furent nécessaires pour dénicher l’ex-entrée, laquelle, comme pour la quasi-totalité des anciennes exploitations souterraines, a été volontairement fermée, de façon massive, par foudroiement de la galerie d’accès, les puits d’aération comblés ou condamnés par des obstacles indestructibles et indéplaçables sans un engin de chantier.


Un assez long travail de désobstruction a été mené par deux équipes de groupes différents (77 et 95), avec succès, donnant un passage relativement facile vers un superbe tunnel voûté plein cintre en briques pleines rouges.
Le matheux de l’équipe comptera environ 350 briques au mètre linéaire de tunnel… !
Ceci pour 3 m de largeur et 2,3 m de hauteur, les briques montées au mortier cimenteux, sachant qu’une entreprise de cimenterie était implantée à proximité.


De fait, cette carrière démarre à une altitude de 60 m environ, dans les strates de calcaires et marnes calcareuses dont on tirait de la chaux.
Ce grand tunnel était doté d’une voie ferrée permanente en rails minces écartés de 74 cm, et montés sur des traverses de chêne espacées d’environ 80 cm en moyenne.

Il ne s’agissait donc pas d’une installation légère amovible de type « Decauville ».
La voie déportée laissait libre un cheminement piétonnier à main droite en entrant, et une vingtaine de niches refuges permettait la mise en sécurité lors du croisement ou dépassement d’un train.
Dans les tronçons les plus humides, ce cheminement est dallé pour éviter l’embourbement.

Niche…mais pas pour chien !

Il est intéressant de comparer les niches entre elles, car elles témoignent de l’évolution technique mais aussi de la progression dans les strates, car, globalement, une légère pente régulière durant environ 600 m permet de remonter la série stratigraphique et de passer des calcaires grossiers à la seconde masse du gypse.
Ainsi donc, les premières niches sont-elles montées en briques, comme le tunnel, puis en moellons de calcaire, puis taillées dans la masse du banc calcaire, puis montées aux moellons de calcaire et plâtre, puis de gypse saccharoïde et plâtre ou taillées dans la masse de gypse.

 

Si on se porte sur le ciel de carrière, dans ce tunnel, en moyenne entre 2,5 et 3 m de hauteur, on rencontre une variété de techniques elles aussi en lien avec l’époque et les éléments les plus aisément disponibles.
Les caractéristiques géologiques font qu’ici les ciels sont constitués de roches très fissurées, fracturées, voire morcelées, et qu’il était indispensable de voûter rapidement pour continuer à progresser sans trop de risque.


Ainsi donc le tunnel était-il, selon toute apparence, creusé par portées n’excédant pas une dizaine de mètres, sur 3 à 3,5 m de hauteur et un coffrage en bois au gabarit voulu était-il mis en place pour monter une première voûte, soit en briques, soit en moellons, appareillés au mortier cimenteux ou au plâtre.

Ce gabarit était fort astucieusement dimensionné de sorte que deux ouvriers pouvaient travailler en vis-à-vis dès le départ pour former des arches de 1 à 2 m de longueur environ, ou bien travailler côte à côte « à reculons ».
Ensuite, une seconde voûte plus grossière était développée au-dessus de la première, pour la renforcer, avec ajustement au ciel naturel de carrière.
Dans ce long tunnel moins de 10% du ciel est fait de roche en place, tant la fracturation est intense. Ceci a amené des voûtages et soutènements assez variés…sur des hectomètres !

  • Voûtage entièrement en briques pleines, doublé de calcaire.
  • Voûtage de calcaire, doublé de calcaire
  • Voûtage de gypse doublé de calcaire ou inversement
  • Voûtage discontinu en arches
  • Soutènement par piliers de briques et gros rails
  • Soutènement par piliers à bras et petits rails
  • Soutènement par un réseau de rails architecturé
  • Soutènement par des rails en faisceau
  • Soutènement par des IPN transversaux
  • Soutènement par des « corbeaux » en fer scellés
  • Soutènement par poutres de bois.

L’ajustement et les réglages étaient réalisés soit au plâtre, soit avec des calages de biseaux de bois.
Les parois du tunnel sont presque toujours parées et maintenues par des montages de briques, de moellons, et on remarque un superbe « soufflage » symétrique dû à la poussée des marnes gonflées d’eau. Un autre a fini par lâcher, permettant de constater cette marne et faisant la démonstration du phénomène.

On trouve à la base des puisards de collecte des eaux de ruissellement pariétal, qui n’étaient vraisemblablement pas abondantes, car très peu de traces de dépôts ou d’érosion, pas plus que de ravinement. Il n’y a rien d’étonnant car le pendage des strates conflue avec la pente ce qui permet l’évacuation régulière et  très étalée des aquifères.
Ces puisards avaient en outre un rôle d’abreuvoir à chevaux. Leur dimension à peu près constante est de 0,8 m de largeur, 0,6 de profondeur et environ 1 mètre de hauteur dont près de la moitié  à vocation de citerne…soit près de 200 litres par point d’eau.
On en a relevé cinq sur cinq cents mètres, ce qui faisait une réserve potentielle de 1000 litres d’eau .


Si cette carrière est remarquablement exempte de tout détritus et ne compte que de très rares tags à connotation sexuelle, très peu de dessins, aucune insulte, elle présente d’assez nombreuses inscriptions de visiteurs (Aucune visiteuse dénommée, apparemment, mais plutôt de rares prénoms de dulcinées restées à l’extérieur), noms et prénoms, souvent datés.
La grande majorité a été tracée au noir de fumée, chandelle ou lampe à acétylène. Quelques-unes à la peinture (pinceau ou bombe), à la craie, ou gravées.

Très peu d’animaux ou traces visibles sauf dans les premiers mètres depuis la réouverture, et que des insectes volants, du moins pour un temps.
Très rares champignons (hormis moisissures) sur les bois pourris.

« la gare »

Le grand tunnel prend fin après un parcours sinueux d’environ 700 mètres, donnant sur un croisement important de galeries, formant élargissement, que nous avons nommé « salle de la Table Carrée », car il s’y trouve une installation rustique à base de dalles de gypse.
Cette salle est contournée par une galerie en arc  de 45 m qui servait de voie de garage et de croisement des trains, lesquels étaient formés de 3 ou 4 wagonnets en planches.

 

Le Grand Tunnel, à lui seul représente une extraction d’environ 3500 m3 de roches diverses, soit 8000 tonnes…presque tout à la main et à la force animale 

Les seules traces de machine sont des perforations de 30 ou 40 mm de diamètre destinées à contenir de la poudre noire pour faire éclater la roche.
Les blocs de roche (calcaire et marnes pour les cimenteries, gypse pour les plâtrières) étaient acheminés jusqu’à l’extérieur puis jusqu’aux usines. Les produits finis étaient acheminés par charrois routiers  mais surtout livrés sur des péniches que la rivière toute proche poussait jusqu’aux grandes villes .
Il y avait une grande ingéniosité à « attaquer » les bancs de roche à flanc de coteau, de façon à ce que la galerie ait cette petite inclinaison permettant aux trains chargés de circuler selon la gravité, des fronts de taille jusqu’au cours d’eau.
Les chevaux de trait de petite taille qui n’avaient à l’aller qu’un rôle de frein et de régulateur, remontaient alors le train vide.

Le Grand tunnel donne lieu au départ de deux galeries latérales à main droite et de deux cheminées gagnant un niveau de carrière supérieur. Il s’achève à la Table Carrée ancienne salle de convergence de voies ferrées, où il est aussi doublé par une voie de garage et de croisement dite « La Gare ».

La suite… « Galeries principales et secondaires » dans l’article suivant (2) du même titre.

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