Boire sous terre 464

Boire sous terre 464

20 novembre 2021 carrières diverses Grottes Spéléologie 0

Boire sous terre      464 

Qu’elle soit dans une cavité souterraine ou dans son salon, une personne a besoin d’un équilibre hydrique qui ne peut varier qu’assez peu avant de provoquer des déséquilibres fonctionnels qui vont en s’aggravant si rien n’est fait pour rééquilibrer.

 Un corps humain est approximativement composé de 66% d’eau, (60 à 70 % selon les auteur(e)s), et nous en perdons en permanence…
– Par la respiration
– Par la sudation
– Par la miction
– Par la défécation
– Par l’émission de de diverses substances (crachats, rhinorrhée, larmes, menstrues, liquides sexuels…)

Cette déshydratation (en moyenne 2 litres évacués par jour) se traduit dans les faits perceptibles par la soif lorsque le phénomène est modéré, par plusieurs signes de fatigue, une sécheresse buccale et labiale, une raréfaction des urines qui deviennent très colorées quand les choses se corsent, et peut aller jusqu’à l’épuisement puis le coma et la mort en quelques jours. En conditions moyennes, la survie sans eau est de l’ordre de 3 jours…
Pour autant, ingérer trop d’eau peut aussi être très dangereux même si les reins vont tout faire pour évacuer le surplus, l’hyper-hydratation ne vaut pas mieux que la déshydratation…on le répète, c’est une question d’équilibre physiologique, un équilibre fragile.

Sous terre la forte hygrométrie souvent rencontrée tend à retarder et/ou atténuer le phénomène de la soif, ce qui complique un peu la gestion de notre équilibre hydrique.
Le port de combinaisons monopièces, plus ou moins étanchéifiées, voire de combinaisons en néoprène, ajouté à celui de port de gants bottes et casques perturbe l’organisme qui baigne dans la sueur. La sudation étant censée évacuer le trop-plein de chaleur (entre autres rôles) par son évaporation à la surface de la peau, ne joue plus vraiment ce jeu, ce qui va échauffer encore plus le corps et entraîner encore plus de sudation.
A contrario, en temps d’inactivité prolongé, la thermogenèse s’effondre, et la surface du corps se refroidit rapidement, il n’est pas rare de frissonner dès 15 à 20 minutes de station immobile dans les cavités fraîches (10 °C en moyenne).

C’est clair, les spéléologues DOIVENT s’hydrater, et autant que possible, régulièrement, sans attendre la soif qui, on le redit, n’intervient généralement que tardivement par rapport au réel besoin en eau de l’organisme.
Il est fréquent que l’on ne boive pas suffisamment, et/ou pas assez souvent, d’autant que certains et surtout certaines voient en cette restriction l’évitement des mictions irrépressibles qui obligent à se déséquiper et/ou se déshabiller.
Mais c’est bien à tort…
Comment gérer au mieux cette affaire…dès lors qu’on est dans le cadre d’une sortie qui va durer plusieurs heures voire plusieurs jours ?
Voici quelques considérations qui peuvent être utiles à nos lectrices et lecteurs qui ne se seraient pas encore bien documentés à ce sujet.

1) Avant la sortie
– Bien manger et bien boire de l’eau ou des boissons sucrées, ou encore du lait, mais pas en quantité exagérée (dépend de la masse corporelle) sinon il faudra aller uriner dans d’assez brefs délais et donc reperdre une bonne part de l’eau ingérée.
– S’il y a une certaine distance de marche, de la dénivelée, avant la cavité, prévoir de boire à nouveau avant de commencer sous terre.
– Avoir mis dans le sac une réserve correcte (par exemple 1 litre par personne) sauf si on est certain de trouver de l’eau facilement dans la cavité et qu’elle soit potable ou pouvant le devenir grâce à un traitement ou une filtration ultra-fine.
– Veiller à ce que le contenant soit très solide (bouteille en PET par exemple) très étanche, sérieusement fermé.
– Si on sait trouver des points d’eau dans la cavité, (donc être renseigné à ce sujet), se doter d’un filtre et/ou de pastilles de désinfection. (Le filtre est préférable) ce qui permet d’emporter moins d’eau à la fois, voire pas du tout… mais avoir quand même un contenant vide ( par exemple, bouteille PET d’un demi-litre.)
– disposer d’une « paille » qui peut permettre de sucer ou pomper de l’eau dans des interstices où une bouteille (ou la main) ne pourraient s’insinuer.
– Multiplier les contenants pleins si sortie de longue haleine et/ou très  exigeante physiquement…

2) Durant la sortie
– Boire régulièrement par petites gorgées, notamment en profitant des attentes si on est plusieurs…ce qui suppose de scander la progression. Par exemple toutes les heures ou demi-heures. Même si on n’a pas (encore) soif.
– Partager l’eau entre membres de l’équipe
– Si plusieurs sacs, répartir l’eau entre les sacs…ceci peut éviter la perte de toute la réserve, mais aussi évite que certaines et certains manquent d’eau parce que le ou les sacs sont dans les mains d’autres qui sont éloignés (et qu’on ne peut ou ne veut pas arrêter ou attendre)
– Encourager les réticentes et réticents à boire un petit peu à chaque pause « biberon ».
– Boire lorsque l’on mange.
– Si la sortie sera longue, la réserve en plusieurs bouteilles pourra être « semée  » de façon pertinente sur l’itinéraire de retour (au lieu de tout porter tout le temps).

3) Trouver de l’eau si sortie durable ou blocage imprévu…ou encore perte de tout ou partie de la réserve.
– Cette situation est généralement rare, voire rarissime, mais tout à fait envisageable.
– Rivière, ruisseau, flaque, gour…bien sûr, seront des « sources », mais a priori d’eau non potable (c’est un a priori prudent), bien que certaines cavités puissent laisser penser que la meilleure eau qui soit coule en elles. Un filtre efficace (bougie céramique par exemple) sera bien utile ici.
– Godets de paroi, ruissellement mince, stillation peuvent aussi donner le précieux liquide, mais là, il faudra ruser un peu pour collecter l’eau. Une simple paille (logée dans un casque par exemple) peut s’avérer salutaire !
– On peut généralement trouver de quoi créer un filet d’eau saillant en posant un objet contre une paroi ruisselante, il faut un peu de patience…
– Dans le pire des cas de pénurie d’eau captable, lécher une paroi humectée peut être la seule solution.
– On citera aussi la possibilité, en dernier recours et en situation extrême, de boire sa propre urine (d’où l’utilité répétée de disposer d’un contenant dès le départ), mais très rapidement après son émission. Cette pratique ne peut être salutaire que sur un court terme, le rapport avantages/inconvénients étant bénéfique une , deux ou trois fois puis devenant de plus en plus maléfique…De plus, en état de déficit hydrique, la production d’urine diminue très fortement, elle est donc de plus en plus concentrée en déchets toxiques.
Elle peut être ajoutée à une quantité d’eau qu’on aurait par ailleurs pu récupérer quand même ailleurs, mais en trop faible quantité pour s’en satisfaire, ce qui limite les effets indésirables de cette consommation.
– Dans tous les cas être très solidaires les un(e)s des autres, et partager l’eau. Une équipe reste une équipe et ce d’autant plus que les conditions deviennent défavorables. Tenir compte des particularités physiologiques et psychologiques de chacune et chacun.
– Rester le plus calme possible, éviter d’amplifier et accélérer la respiration (perte d’eau importante) et la sudation (idem).

Dans ce qui précède, on arrive progressivement [en 3)] à des cas de plus en plus aigus, a priori de plus en plus improbables, mais…
Les précautions les plus élémentaires restent de disposer d’une réserve d’eau correcte au départ, de s’être bien hydraté auparavant, et d’emporter un filtre si la durée de sortie est importante (et/ou si nombre élevé de personnes).
Bien tenir compte des particularités hydrologiques de la cavité visitée…et des endroits où l’on sait pouvoir trouver de l’eau (a priori…)

Buvez donc un coup (d’eau) à notre santé et à la vôtre !

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *