Célia, équipeuse et guide (1) ! 718

Célia, équipeuse et guide (1) ! 718

21 janvier 2024 Spéléologie 0

Célia, équipeuse et guide (1) !       718

Suite à une annulation d’un séjour vosgien pour cause de météorologie trop inadéquate aux activités prévues, une sortie fut improvisée, visant au perfectionnement technique de la progression sur corde, à l’équipement des grottes, et à une petite découverte subterranologique ajoutée à une randonnée au soleil enfin revenu dans l’Est français…températures restant franchement négatives, cependant.

Quelques échanges de courriels amènent rapidement à une première journée spéléologico-subterranologique  9h/22h30, avec bivouac souterrain jusqu’à 9 h soit 19 h TPST, suivi de petite marche champêtre ou forestière de 13 km, 10h30/13h30.
Célia est donc censée gérer l’affaire en quasi-autonomie, son équipier ne devant avoir qu’un rôle classique de second, celui qui seconde !
La route ayant été très bien dégagée, mais avec un froid relativement marqué proche de -5°C, on décide de développer les préparatifs au « chaud » à 10°C sous terre. Quinze degrés d’écart, c’est sacrément appréciable quand il s’agit de manipuler 100 m de corde et de nombreux éléments métalliques.

Les sacs sont préparés selon les préconisations sécuritaires habituelles, avec les petits suppléments souvent bien utiles, dont quatre sangles moyennes, et deux lampes de rechange, ce que l’on néglige trop souvent dans le cadre d’une équipe en duo.
Car en cas de « pépin », et/ou de séparation du duo même brève, chacun se retrouve en « solo », avec une seule lampe…vraiment pas conseillé !
Nous voici donc partis avec nos deux sacs pour une courte mais jolie grotte, essentiellement verticale, quelque peu arrosée, présentant une demi-douzaine d’équipements de têtes de puits variées, tous en roche bien propre, luisante d’aspersion aqueuse.

 

 

Mais la déambulation s’agrémente de quelques observations dont un superbe puits d’extraction lourdement concrétionné et une impressionnante descenderie bordant une voie ferrée d’extraction mécanisée.

On y ajoute une petite chasse visuelle de Chiroptères, essentiellement des Murins ou des Rhinolophes, petits ou grands, (à ne pas déranger) et de quelques inscriptions ou dessins à caractère historique.
Grâce à un balisage aussi discret qu’efficace on atteint sans faillir l’entrée…de la grotte, la vraie.
Elle se présente sous la forme d’une grande bouche édentée et d’un gosier…

 

 

On rampe sur la « langue » et on se faufile entre les « piliers gutturaux », sous les « arcs palatoglosse et palatopharyngien », la luette ayant disparu ! Nous voilà ingérés…

Célia repère facilement les belles broches inoxydables qui ont peu à peu remplacé des (trop) nombreuses chevilles auto-perforatrices, la plupart désormais inutilisables, branlantes ou à pas de vis foireux.
Dans un premier temps impressionnée, elle trouvera vite les bonnes postures à adopter pour « travailler » efficacement.
Joli noeud de « Mickey » au départ, trois « bateliers » et un nouveau « Mickey », un peu d’équilibrisme au-dessus d’un beau vide dans lequel on entend un ruisseau s’écouler…et c’est parti jusqu’à un resserrement entre deux banquettes de paroi, faciles à aborder.

 

 

 

La suite part sur une ancienne installation, datant d’une époque où on ne lésinait pas sur la matière employée, d’autant qu’il s’agissait souvent de matériaux de récupération à usage détourné, en l’occurrence un bout de rail à double-tête, très ancien, très solidement scellé dans les parois, additionné d’un long piton en gros fer à béton et à maillon de chaîne soudé…pas forcément pour y confier sa vie mais pratique pour suspendre les sacs en attente.

La corde  de 20 m, généreuse, vient se nouer directement au rail, ayant alors un usage de main courante, assurant la continuité.
Ce sera une occasion de réaliser un noeud de chaise sur ganse
On fixe luxueusement deux belles sangles rouges au rail, pour une nouvelle tête de puits, avec une économie de corde car on la sait « ric-rac », en effectuant un unique noeud de huit sur ganse, sur deux mousquetons croisés.
On retrouve alors le cours du ruisseau, aujourd’hui paisible, mais déjà suffisant pour arroser un peu si on n’équipe pas hors-crue.
Les trois amarrages intermédiaires sont respectés mais à corde presque tendue et avec des « Bateliers », nœuds économiques…mais à éviter sur des mousquetons dont le fil est à section ronde, faute de quoi les desserrer ensuite s’avère souvent difficile !

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Et il apparaît, après un peu d’escalade et deux pas de haute-voltige, que cet équipement hors-crue ne sera pas réalisable sans manquer de corde en bas et se trouver en plein sous la chute d’eau.

C’est ici le lieu et le moment, pour Célia, de peaufiner la technique de progression en opposition en usant de tout ce dont le corps humain dispose pour exercer des forces d’appui et de frottement suffisantes pour contrebalancer celle du poids, tout en autorisant les manipulations nécessaires à l’équipement ! Et de se maîtriser…car le passage n’a rien de « naturellement évident » !
On va donc se contenter du « demi-crue », aucune augmentation du débit de l’eau n’étant à craindre connaissant les prévisions météorologiques, eau de surface fortement gelée et aucune précipitation liquide attendue.
Mais même cela nécessitera une adjonction de sangle pour créer un double amarrage suspendu, économisant ainsi 1,5 mètre de corde.

 

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Ce fut un bel exemple de gestion de corde trop courte ( l’idéale doit faire 20 mètres)  sans devoir rabouter, sans devoir remonter, sans perte de temps, sans insécurité même brève, et la mise en évidence de l’intérêt d’une sangle d’appoint à avoir sur soi.
Célia poursuit son investigation, qui voit la nécessité d’utiliser des plaquettes pour franchir un ressaut bien dans l’eau.
Les essais des chevilles en place en révèlent trois sur cinq devenues inutilisables, et imposant une tête de main courante oblique un peu trop basse.
Ne disposant pas d’une trousse à « spiter » vu que la cavité est réputée « entièrement brochée », et sommes donc partis optimistes, on devra se contenter d’une installation pas tout à fait académique !

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La troisième corde ( 20 mètres)  sort alors de son sac, un bon noeud « Mickey » au départ et on arrive presque immédiatement au beau puits suivant dont l’approche sur deux margelles opposées, très confortables, pourrait presque faire oublier de poser des amarrages intermédiaires de main courante…mais on ne l’oubliera pas, ce jour-là !

Les nœuds « Bateliers » s’enchaînent, pour arriver à la création un beau « Mickey » bien réglé surplombant environ 12 m de vide et où le ruisseau génère une cascade bruyante, produisant une bruine abondante.
La descente révèle alors une corde trop courte de 2 m…Bigre !
Profitant d’une large margelle à la bonne hauteur, Célia s’y réfugie, sous peu de pluie, détend la corde permettant ainsi à son second (dont c’est un des rôles normaux) de modifier l’équipement pour récupérer deux précieux mètres…
Là encore, une sangle d’appoint va redonner un bon mètre cinquante, complétés par un gain de près d’un mètre en retendant la main courante. Le feu vert est alors donné à Célia, qui patiente près de la cascade, pour repartir et atteindre le fond en quelques secondes.

 

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Un nouveau cran de descente apparaît alors, à gérer avec une corde de 25 mètres, supposée permettre d’aller jusqu’au dernier cran de dénivellation.
Une plaquette permet de démarrer bien en arrière et un nouvel équipement tout à fait classique est à nouveau aisément mis en place.
Le franchissement est très facile et rapide.
Il s’agit maintenant de faire le point quant à la suite…

Le second de Célia s’insinue dans un méandre étroit, avec la corde, et constate quelques mètres plus loin qu’elle ne permettra pas d’aller au terme de la course prévue, faute de longueur suffisante.
De retour, une horrible opération chirurgicale devra alors être menée à coups de pierre pour couper la corde par écrasement, méthode primitive et brutale, mais très rapide et évitant de tout déballer pour sortir le couteau d’un bidon étanche…la poche de combinaison ne permettant plus son transport avec suffisamment de fiabilité, suite à un grignotage intempestif de souris alléchée par un reste de biscuit émietté…souris coupable d’une perforation de ladite poche !

 

 

 

Le club aura donc désormais deux cordes de 12,5 m au lieu d’une de 25 !
Célia se faufile prestement « à l’égyptienne »dans le méandre va alors aborder un équipement un peu plus délicat, avec peu d’espace d’évolution, et en partie exposée au vide de quelques mètres encore, qu’une bonne douche fait luire de toutes parts, très vilain endroit pour porteurs de lunettes non munies d’essuie-glaces !  
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Cela prend un peu de temps et lui fait faire des grimaces, mais une de ses lignes philosophiques personnelles s’inspire de « Le Lion et le  rat » de Jean de La Fontaine : « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage »…
Ce qui, de fait, illustrera bien la citation, avec une petite main courante et un « Mickey » assez bas placé qui laisse présager des difficultés à la remontée…
Mais nous voici au terme prévu de notre course du jour, avec une belle salle, haute de plus de trente mètres, où se jette une magnifique cascade au cœur d’un puits majestueux taillé dans des strates formant des saillies en anneaux sinueux, d’où jaillit une perspective fort agréable au regard. Cavité totalement lavée par les flots, les embruns, le ruissellement…presque un auditorium où le ruisseau et les cascatelles créent la musique.

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Nous grignotons quelques provisions sucrées, buvons un bon coup, observons, admirons quelques minutes, marquons un temps de respect à l’égard d’un spéléologue décédé en ces lieux, puis repartons car le froid humide commence à se manifester sur nos corps en sueur, malgré nos sous-combinaisons « polaires » et notre armure de PVC !
C’est à la remontée que vont prendre tout leur sens ces fameuses combinaisons, dites « Les Jaunes », boudées par beaucoup de gens car lourdes, raides, très raides quand elles sont froides, et qui font suer abondamment en grottes sèches « chaudes »…mais ô combien louables dans une cavité mouillante, arrosante, surtout si la progression y est longue et lente !
Un fabricant au moins en produit encore un modèle, et il fait bien…(Oversuit Warmbac).

 

 

C’est justement la première remontée qui se trouve bien exposée à la pluie, avec une sortie un peu délicate, comme précédemment supposée à la descente…et un peu d’entraide entre équipiers n’est pas interdite pour accéder au palier, de même qu’exercer une rétention ponctuelle de l’afflux d’eau pour limiter l’aspersion.
Cette petite difficulté passée, tout va s’accélérer, même dans le méandre serré.
On enfourne les équipements sans les modifier, appliquant ici une des théories sécuritaires qui prévoit que conserver les montages en l’état peut permettre, en cas de nécessité de rééquiper, un gain de temps considérable pour intervenir plus bas.
Cordes, mousquetons, sangles voire plaquettes, sont ainsi bien rangés dans l’ordre de leur usage, prêts à être remis en place sans avoir à réfléchir ni à chercher…

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Les remontées suivantes sont sans histoire particulière, le fonctionnement en duo étant particulièrement fluide et efficace.
Célia, bien rodée aux manipulations et très attentive, déséquipe en veillant soigneusement à sa sécurité, voire à son confort d’intervention, et, peu à peu, les sacs se remplissent et s’alourdissent de cordes trempées.
Il n’y aura aucune difficulté particulière, la gestuelle et les processus étant très bien assimilés et mis en action, la bonne coordination du duo évitant tout risque de perte de temps ou de matériel.

 

On usera de la technique du lestage de corde, évitant au spéléologue de se traîner avec un sac lourd et gênant. Il suffit de hisser ce dernier en fin de course, là encore avec une entraide bien « huilée ».
Lorsque le contexte et l’équipement le permettent, il n’y a pas lieu de s’en priver.

C’est après environ 4 heures d’efforts et de maîtrise personnelle que Célia et son second ressortent, boivent un peu d’eau, et repartent à leur camp du soir, un confortable bivouac à 10°C sur lits de camp moussés.
Sans ignorer que ces lieux sont riches de concrétions délicates ou puissantes…

 

 

 

 

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Quelques manœuvres transports et manutentions plus tard, le campement de luxe est mis en place, avec petite salle d’eau naturelle ( mais pas réputée potable), chambres individuelles faisant figure de « suites » immenses, coin cuisine, tabourets, éclairage aux chandelles.
Repas chaud…ce qui n’est pas toujours le cas ! Disons-même, pas souvent le cas !!!

Ensuite, en guise de veillée,  on s’est offert une visite guidée de plusieurs endroits de cette immense carrière, notamment les vestiges d’installations des champignonnistes…

 

Sanitaires, locaux administratifs, salle de stockage de matériel, tableau de comptage de production, salle de broyage, de tri…
Atelier de production et de sélection des espèces mycologiques, salle de chauffe, conduits et gaines…
Citerne géante et réseau d’adduction d’eau, chambres de terreau et de craon, chambres de culture et innombrables bâches de cloisonnement en plastique, traces des traitements au sulfate de cuivre, puits d’aérage, réseau électrique, puits d’extraction…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La nuit entière ne suffirait pas à découvrir le tout, d’autant que toute une partie de la carrière est désormais interdite d’accès aux spéléologues ! Il faut donc se faire une raison et permettre à nos organismes de se reconstituer…

Couchage double-duvet, dans un silence total et un air immobile.
D’autres groupes, susceptibles de débouler en soirée/nuitée pour le lendemain ne viendront même pas nous déranger, comme on pouvait s’y attendre.

 

 

SOIR et…..                                               …   MATIN !!! 
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C’est le lendemain, après une belle et longue nuitée de près de 10 heures et un petit déjeuner aux crêpes cuisinées par Célia, que les groupes sus-évoqués sont arrivés, dans une parfaite coordination avec notre sortie, presque fait exprès !
Il ne restait plus qu’à ranger et gratter la glace des vitres de voiture…la partie spéléo-subterranologique toucha alors à sa fin.
L’article suivant (719) narre la petite journée de marche extérieure aux alentours…
Ce fut un vendredi humainement agréable et techniquement fructifère, tel qu’on pouvait l’espérer et avons pu l’apprécier…
Equipement confortable : 20m + 20m + 20m +15m + 15m
3 sangles moyennes, 3 ou 4 plaquettes, 35 mousquetons

 

Célia, un peu fatiguée, a bien voulu rajouter quelques lignes…

Le week-end initialement prévu dans les Vosges étant annulé, c’est l’occasion pour moi de découvrir une carrière de calcaire transformée en champignonnière dans la Meuse après obtention express de l’accord pour y accéder.
Au programme, descente du gouffre de l’Avenir.
C’était une chouette descente puis remontée, avec juste ce qu’il fallait d’eau pour ne pas sortir trempés tout en ayant cette sensation de canyon souterrain assez particulière.

Une occasion aussi pour moi de pratiquer l’équipement de voie et de voir quelques astuces lorsque la longueur de corde vient à manquer. Le soir, balade dans la carrière, où l’on a découvert que le club local a construit un radeau pour accéder à un nouveau gouffre.

Célia.

Radeau de l’ASHM
Permet d’accéder au Gouffre de la Citerne, exploré et décrit en décembre 2022.
La citerne peut aussi  être franchie à pied avec salopette de néoprène ou encore tout nu avec habillage/rhabillage, si on veut s’amuser ou jouer au »dur » !!!
On peut aussi apporter son kayak gonflable…ou remettre au goût du jour l’usage des « canards », c’est à dire une grosse chambre à air dans laquelle on s’offre un bain de fesses et on rame avec les mains…
Bref…on peut se distraire (ou s’entraîner) tant qu’on ne dégrade et pollue rien !!!

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