Arion-la-limace se promène sous terre…. 415

Arion-la-limace se promène sous terre…. 415

11 juillet 2021 Spéléologie 0

Arion-la-limace se promène sous terre…. 415

Salut la compagnie !
Il vient de m’arriver un truc, j’vous dis pas ! Un truc, mais un truc incroyable !
Je grignotais tranquillement le limbe vert tendre d’une petite roncette des bois, un soir à la brune, dans une doline fraîchement humectée quand survinrent cinq ou six olibrius du genre Homo, à une heure indue, et l’un d’eux jeta son sac à dos brutalement sur le sol…un peu plus à gauche, et j’étais occise…Vraiment mal éduqués ces Homo ptétendument sapiens…Pfff ! Savent même pas que quinze kilogrammes expédiés sur le dos d’une petite limace noire comme moi représentent à peu près 1 tonne qu’on balancerait sur le leur…et ça ferait quoi, hein ?

Bon…disons, en circonstances atténuantes, que pour 3 cm et noire, à la tombée du jour, je ne sois pas vraiment remarquable !
Ils furent bientôt rejoints par une autre tribu, et se mirent à dîner autour d’un feu de bois, ce dernier élément que je déteste particulièrement !
Pendant leur festin, j’entrepris l’escalade du fameux sac…je n’ai pas besoin, moi, de tout un matériel pour ça, ma sole pédieuse enduite de mucus me suffisant largement pour adhérer partout et en toutes positions ou presque !

Alors que j’allais m’endormir, confortablement installée sous une poche de ce sac, je me suis soudain sentie emportée dans les airs puis dans une caverne géante où je vais me promener de temps en temps, mais pas bien loin car il n’y a rien à manger pour moi !

Alors là, j’ai vu, du bout de mes tentacules, une scène assez extraordinaire de la part des Homo…
D’ordinaire justement, ils passent par là, font des photos et repartent rapidement. Mais là, ils ont sorti un tas de lits de camp, de mousses synthétiques, et même des bougies ! Moi qui suis sensible à la lumière, j’ai trouvé cette caverne plutôt jolie éclairée comme ça, différente de ce qu’elle est sous les faisceaux des lampes à diodes électroluminescentes où à ampoules filamenteuses.
Et puis, après des bavardages à n’en plus finir, tout a été éteint, le silence habituel de mes nuitées est revenu, j’ai rétracté mes tentacules…

 

Des bruits de voix et des rires m’ont tirée de ce repos, et je me suis à nouveau sentie fermement embarquée, pour retrouver le jour, et comme je n’aime pas beaucoup être longtemps à l’air libre par temps sec, j’ai fini par quitter ce sac pour un truc qui traînait juste à côté, bien ombragé, tout vert, même si ce que je vois n’est pas ce que voient les Homo, mais que j’appelle « vert » quand même…
Un truc bizarre, un peu rond, dont une Homo a fini par s’emparer vivement pour l’installer sur sa tête après y avoir fixé une lampe…Hou là !

Là j’ai compris que j’étais partie pour une aventure dont je ne reviendrais peut-être jamais vivante, mais comme j’étais déjà à 1,5 mètre du sol et que je risquais très fort d’être piétinée, je ne me suis pas rétractée pour tomber exprès au sol…vaille que vaille, morte pour morte, autant vivre l’aventure des Homo, alea jacta est comme l’aurait dit mes lointains ancêtres romains…et d’ailleurs, je crois bien que mon Homo porteuse a un prénom  de romaine !

Bon…où va-t-elle donc aller ? Wouahou ! Nom d’une limace des jardins…c’est un gouffre ! Enorme…au moins 10 mètres de diamètre et presque autant de profondeur…si je tombais là-dedans je n’en ressortirais peut-être jamais, même moi, grimpeuse sans les mains !
Je ne manquerais ni de nourriture ni d’eau, mais je deviendrais vite neurasthénique sans toutes ces plantes succulentes de la prairie, et surtout sans mes copines ! Et même planquée là, il se trouverait bien encore un vilain prédateur pour me faire la peau, tant ils sont nombreux…
Bref…

Mon Homo bricole je ne sais quoi avec une corde et un bidule bleu et rouge métallique…ça doit être une dingue, car elle va se jeter dans le vide…Je ferme mes yeux…mais finalement, non, ça descend doucement, et j’arrive près du sol, boueux comme je l’aime, humide comme il me le faut, jusque là, je survis, car l’air est lui aussi très humide.
Ça avance, je vois cette caverne comme je ne l’aurais jamais  imaginée sous moi quand je batifole dans les herbes, très grande, avec des concrétions partout, du sol au ciel, des grosses et des très fines, des blanches et des rouillées, il y en a des milliers ! Mon Homo paraît se plaire ici, et même s’amuser, tout le monde parle et rigole, ça grimpe et ça descend, on se faufile, et parfois je sens que ce n’est pas facile pour mon taxi à deux pattes !
Après être passées dans une chatière mon Homo sapiens (que je vais appeler HS désormais) et moi, on descend dans une forêt de stalagmites, que je ne pensais pas pouvoir exister sous terre comme celles d’arbres que je vois d’habitude. Çà me paraît impressionnant.
Brusquement, HS se baisse et s’enfourne dans une sorte de tunnel très bas où elle s’échine à progresser à quatre pattes ou à plat-ventre, si ça continue, elle va se transformer en grosse limace ! Qu’est-ce que je m’amuse !
Mais tout ça ne dure pas longtemps, nous voici déjà dans une énorme salle avec de gigantesques stalagmites où les voix résonnent beaucoup mais je n’en perçois que les très fortes vibrations du casque que j’ai colonisé…car c’est bien un casque !
HS et ses copains recommencent à ramper et vont à moitié se perdre dans une galerie pentue très glissante…et je m’y connais !

Heureusement il y a une grosse voix qui les ramène dans leur droit chemin…et c’est reparti par une chatière, un long couloir bas avant une jolie salle où abondent à nouveau des concrétions de toutes sortes, avec, en plus, de petits gours et leur eau limpide qui fait miroir.
HS se glisse entre eux et je sens qu’elle fait tout pour ne pas troubler cette eau jusqu’à parvenir à une petite salle qui ressemble un peu à une salle de bain décorée comme les aiment les Homo.
Après cette visite, on repart perchés contre une paroi avec un grand vide à côté…il ne s’agirait pas de faire un faux pas ! Je vois que HS est d’un genre prudent car elle s’accroche à une corde, descend puis grimpe, et finalement s’insinue dans un boyau gluant où elle a tout juste la place de passer…elle est courageuse HS ! Pour moi, le gluant, c’est courant et même permanent, mais pour elle…

Plus loin, c’est encore un couloir et on débouche dans une très grande galerie avec un ciel étonnamment voûté, que HS appelle « métro »…sans doute parce que ça lui fait penser à quelque chose qu’elle connaît par ailleurs.
Alors là, c’est grand et c’est beau. Un équipier de HS a un projecteur puissant qui permet de bien voir et tout voir comme si on était à côté et en plein jour, et vraiment, ça m’a plu !
On a marché pas mal de temps dans ce magnifique décor, et HS devait se méfier tout le temps pour ses pas, car ça dérapait facilement ! Moi au moins, je n’ai jamais eu ces problèmes de faux pas dans ma vie, grâce à mon unique pied qui se moule et colle à tout !
Il y a eu un petit lac très tranquille qu’on a franchi par une vire ou en escalade, pour atteindre un très bel endroit, avec des gours miroitants, des bouquets de stalactites très blanches, et un ensemble de stalagmites, colonnettes, piliers, coulées calcitiques scintillantes de toute beauté…Du coup HS et ses équipiers et équipières ont décidé d’y manger et de s’y soulager les vessies !!!

Comme les Homo ont vite froid quand ils ne bougent plus s’il ne fait que 10°C autour d’eux, contrairement à moi, hétérotherme, qui m’en fiche éperdument tant que ça ne gèle pas, HS est repartie pour explorer plus avant, et moi, ça commence à bien me plaire que cette promenade, pour peu qu’on ressorte ce soir… même si je peux rester sans manger plusieurs jours.
On va rencontrer encore beaucoup de superbes concrétions dans cette vaste galerie, des flaques d’eau ou de boue, des passages où il faut se glisser entre des parois serrées, des précipices à franchir avec attention, jusqu’à une sorte de tunnel plein de graviers où HS s’est mise à genoux pour pouvoir avancer puis ressortir dans la suite de la grande galerie.
Moi, je pensais qu’elle allait s’arrêter et revenir lorsque j’ai vu que la suite était une sorte de terrier de blaireau avec de l’eau boueuse et des graviers anguleux qui font mal au dos quand on s’y vautre…mais non !
Avec ses copains et copines, HS a fait un jeu que seuls les Homo inventent, vider un trou pour passer dedans en attendant qu’il se remplisse à nouveau !!! Sont vraiment bizarres ces Homo…
On finit par passer là-dedans, pas trop difficilement et tout ça pour quoi ? Pour retrouver la même chose 5 mètres plus loin…non mais, qu’ont-ils dans la tête ?
Et rebelote, les voilà qui jouent avec leurs petits seaux…pour franchir une voûte boueuse en forme de grand « U », et parvenir dans une autre galerie.

Là, je dois dire que le paysage peut être charmant, et que tout me paraît bien moins sale et surtout bien moins abîmé…il faut croire que moins les Homo évoluent quelque part, et mieux on se porte, y compris les concrétions, dont beaucoup très délicates ici.
Mais ce n’est pas fini…encore un passage très bas et mouillant…là je sens que certaines équipières de HS commencent à hésiter…mais finalement, tout le monde se meut quand même dans ce passage dit « laminoir », et découvre une suite encore plus belle et spectaculaire, qui fait oublier tous les efforts et inconvénients connus pour y arriver.
Les Homo font plein de photos, j’en ai les tentacules supérieurs tout éblouis !
Et là, enfin, je les vois faire demi-tour…j’ai bien cru qu’ils allaient encore avancer, car ça continuait !
Il allait leur falloir repasser par tous ces endroits, mais je pus constater sur le terrain que ce fut bien plus rapide qu’à l’aller !
Tout s’enchaînait tranquillement, et à quelques erreurs de pilotage près, la troupe revint assez rapidement sur ses pas, dans la joie et la bonne humeur !
Je revis avec bonheur la lumière naturelle qui me sied si bien du crépuscule vespéral à l’aurore, et HS remonta sur une corde avec tout un attirail métallique coloré, non sans efforts, ce qui serait pour moi un jeu d’enfant…mais pas rapide !
Enfin arriva le moment que je guettais…celui ou HS enlèverait son casque et le poserait au sol…et, coup de chance, elle le fit sur un coin herbeux…et le temps qu’il lui fallut pour se débarrasser de ses oripeaux crasseux, se pouponner, et renfiler du propre me suffit amplement pour regagner mon territoire préféré, semé de Chicorées sauvages dont je raffole !
Ouf ! Je sais que j’ai joué gros aujourd’hui, mais je ne regrette rien…quand même, ça vaut le coup, de temps en temps, de prendre des risques et de quitter son petit confort !

Allez, on se quitte…enfin, surtout moi !

Bisous bien baveux,
Signé : Radula, alias Arion hortensis

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