Canyonisme à…Jobourg ! 679

Canyonisme à…Jobourg ! 679

31 août 2023 Canyon 0

 

Canyonisme à…Jobourg !      679

Canyon : dérivé d’un mot espagnol au Mexique, « canon » signifiant « gorge d’un cours d’eau », généralisé en orientant la précision, par la suite, pour désigner une gorge profonde de torrent.
Parler de canyon en Normandie pourrait donc prêter à sourire, au vu du régime hydrographique et d’une topographie se prêtant mal au développement de profondes vallées encaissées et marquées de verticalité.
Parking (P) Sémaphore (Sem) Descente Ratournettes (DR) Anse de Senival (AS) Zone des Grottes (G) Nez de Voudries (NV) Canyon de Senival (CS)

 

 

Néanmoins, il existe quelques zones géographiques, notamment côtières, où de petits cours d’eau font leur chemin directement vers la mer plutôt que sagement se rejoindre vers une rivière plus importante s’écoulant tranquillement sur des dizaines de kilomètres voire centaines, avant de s’y jeter.

S’ils sont souvent mineurs, intermittents, leur existence plurimillénaire a fini par creuser de petites vallées, à la déclivité plus ou moins marquée, parfois proche de la verticale quand on se trouve près d‘une côte escarpée.
C’est presque toujours bref, peu encaissé, mais c’est bien un canyon selon la définition originelle !
Disons que l’on se fait plaisir en utilisant ce terme dans un coin de France où on ne l’emploie quasiment jamais, sur le terrain.
Quitte à se faire plaisir, on choisit les falaises les plus hautes d’Europe…environ 130 mètres ! Elles sont à Jobourg, village dans le Cotentin.
Tout le monde connaît ou a pu entendre parler de Jobourg, soit parce que très voisin du site de retraitement des déchets nucléaires de La Hague, soit du fait de ces fameuses falaises et du Nez de Jobourg, justement, soit encore parce que se trouvent à ses pieds marins les renommées Grottes de Jobourg…

Mais personne ne connaît le canyon de Jobourg, et, pour éviter une multiplication du toponyme, il sera désigné par nos soins « Canyon de Senival » car c’est au creux de l’Anse de Senival, au nord du Nez de Jobourg, que débouche le ruisseau artisan du creusement, notamment à une très lointaine époque où il était certainement bien plus important en volume et beaucoup plus actif.
Plutôt intermittent de nos jours, presque à sec en été sauf en cas d’intempéries soutenues, bien sûr, sa trace est modeste, d’à peine un mètre de largeur, et fort encombrée d’une abondante végétation profitant de l’arrosage qu’il lui procure.
Il a pris à un de nos membres l’idée de faire une « première » en descendant ce canyon dans la partie inférieure de son cours, soit dans les cent derniers mètres. Cette initiative n’a engagé que lui, le club SJV n’ayant pas intégré et programmé cette excursion, ni couvert de sa responsabilité.
Une bonne heure de route suivie d’un quart d’heure de marche sur un sentier dit « de douaniers » et le voici à pied d’œuvre, dans le creux du chemin au-dessus de l’Anse…altitude restant encore d’environ 70 mètres.
Mais laissons-le continuer avec son récit personnel de cette aventure…sous sa seule responsabilité, répétons-le, car l’histoire se déroule dans une zone protégée du Conservatoire du Littoral où il vaut mieux ne commettre aucune dégradation !

J’arrive avec mon barda, dans un bon gros sac à dos et un sac spéléologique bien plein que je me refuse à nommer « kit-bag », par principe de privilégier la francophonie lorsque que l’usage d’une autre langue n’apporte rien de plus.
Soigneusement préparés, l’un et l’autre, la veille, j’en vérifie tout de même les contenus car m’engageant seul dans cette histoire, il serait vraiment bien dommage qu’elle soit compromise par l’absence d’un ou plusieurs éléments utiles à la bonne menée de l’aventure.
Un cuissard « complet », une combinaison toilée mince, et des bottes à mettre sur le bonhomme. J’ai sciemment éliminé le casque, le terrain ne comportant pas de zone pierreuse, même si je sais bien qu’il peut aussi servir en cas de pluie ou de chute sévère…je suis parti dans l’idée que cette dernière n’aura pas lieu, c’est un pari (Très peu risqué).

 

Quant à la pluie, elle n’est pas du tout au programme météorologique, ciel d’azur intense, température prévues autour de 35°C au soleil.
Un jeu de cordes semi-statiques de 10 mm 40/20/10 + une rallonge de fortune de 12 m en polyéthylène 12 mm, de quoi faire râler voire hurler tous les puristes cordistes de tous horizons ! Mais je sais très bien ce que je fais…
Huit sangles pas du tout homologuées pour cette activité, soit issues de ceintures de sécurité automobile, soit rescapées de manutention de matériaux, mais sans aucune « blessure » ni marque d’érosion… 2500 daN pour les premières, 2000 daN pour les secondes, je ne risque pas grand-chose avec mes 80 ou 90 daN même pas suspendu à la verticale !
Dix mousquetons et des agrafes de sol, trucs rarement utilisés et confectionnés moi-même avec du fer à béton de 8 mm.

 

J’en ai dix de 270 mm X 6 et cinq de 500 mm X 10, très fiables, à planter à la massette de 500 grammes.
Ces amarrages n’affectent pas l’environnement, sont presque toujours récupérables après la sortie et réutilisables de nombreuses fois…ce sont les seuls à mettre en œuvre  quand il n’y a ni arbres ou arbustes, ni roche affleurante, ou autre ancrage fiable disponible sur place.
Soigneusement plantées jusqu’à l’arceau où on installe une sangle avec une tête d’alouette, ces agrafes, ultérieurement sanglées, économisent l’usage d’un mousqueton, éliminent les frottements de corde.
Rien n’empêche cependant de les utiliser avec des mousquetons en direct, comme des amarrages classiques.

Ces agrafes sont dotées d’une petite dragonnette pour les transporter en dehors du sac et les assurer à la ceinture. Leur installation est à étudier avec circonspection, comme pour tout amarrage…ici c’est la qualité du terrain qu’il convient d’analyser et d’estimer.
Très rapidement posées, peuvent souvent être doublées, soit en parallèle, soit en série, et même triplées dans les cas défavorables…

 

L’irréprochabilité ne peut être ici garantie, mais très approchée en agissant intelligemment et avec la compétence requise.
Mais là, si on a six tiges de 8 mm et 50 cm de longueur dans un sol qui ne suffisent pas encore, c’est qu’il est temps de renoncer à y mettre sa vie !

On ajoute à ce matériel lourd une martelette à pointe et tranchant, un sécateur, un couteau de canyonisme, une bouteille d’eau et un peu de nourriture, un appareil photographique, de quoi prendre des mesures et des notes, papiers de voiture…
Tout cela va chercher dans les 25 kilogrammes…
Les inquiets de nature, parfois appelés aussi « prudents », ajouteraient un téléphone portatif, « au cas où ». Mais je suis un optimiste… ou un inconscient diraient certaines…

 

 

Je commence par m’équiper un peu en contrebas du G.R., à une dizaine de mètres, dans une couverture végétale peu commode, faite d’ajoncs, d’orties, de ronces de genêts et de lierre, car je veux éviter d’encombrer le sentier relativement fréquenté et/ou de m’exhiber…on est dimanche !
Quelques randonneurs se sont sans doute interrogés quant à mon état mental, certains on pu croire à un départ en parachute…je m’en amusais.
Une fois harnaché, j’effectue un court déplacement vers le canyon et je vais le démarrer à + 60 mètres environ, la partie en amont étant sans aucun intérêt et trop proche du sentier 223…il ne faudrait pas inciter quelqu’un à se risquer sur la corde, qui la prendrait pour une simple main courante, ni tenter le diable des récupérateurs et autres kleptomanes qui verraient là de jolis mousquetons à « emprunter » pour leur collection.
Ca c’est déjà vu…
Les deux premières agrafes plantées en tête de descente, dans une grosse touffe terreuse très résistante à la traction, dûment sanglé et encordé, je démarre…

Le lit est très creux, sur de la roche mal lavée, un peu terreuse car le débit est réduit à un filet d’eau…on est à la mi-août. Très vite je constate que la végétation envahissante puissamment implantée sur les deux rives et dont les longues feuilles s’entrecroisent, va entraver ma progression. Mais pas question de la dégrader, il faut dont écarter gentiment tout ça pour s’y faufiler.
Le ruisseau coule en effet dans un chenal profond de quelques décimètres, et les touffes de végétaux forment des tumuli qui développent un conduit tourmenté, on y est jusqu’à la taille voire jusqu’au cou ! Ça ressemble un peu à des touradons de marais.
Il est difficile de bien observer où et dans quoi on met les pieds, d’une part, et il y a un mélange sournois d’orties et de ronces dans l’épaisse et touffue couverture végétale qui impose une lente évolution pour faire du ménage sans rien briser, sans rien écraser…marcher là où l’eau coule, sur de la roche.

 

 

 

J’ai pris un sécateur, mais je me refuse à l’utiliser, sauf en cas de situation désespérée, sachant interdit et jugeant inutile de dégrader cet environnement quasiment vierge plus que mon seul passage forcé pourrait le faire…même si c’est franchement négligeable voire nul, vu toutes les précautions prises et la lenteur « escargotesque » de ma progression !

Je profite de cet instant dédié à la pensée naturaliste pour me rappeler que je dois me méfier un peu quand même de l’éventuelle rencontre avec une faune peu fréquentable dans ma situation exposée d’humain sans défense ou presque…Vipère ? Guêpes ? Frelons ? Moustiques et grosses fourmis rouges ?…
C’est donc avec grandes prudence  et lenteur que j’aborde le sujet…
J’ai pris le parti, bien que très confiant dans les amarrages de tête, d’en rajouter un ou deux à peu de distance, d’autant qu’un replat se présente.
J’ignore en effet tout de ce qui m’attend plus bas, peut-être sera-t-il très compliqué de trouver un terrain propice au planté d’agrafes,  ce qui amènerait à porter tout l’effort sur les premières… Mieux vaut quatre que deux, même pour un optimiste ! (Mais qui pèse lourd sur la corde…)

Par endroits, la roche schisteuse est à nu, mais cela reste rare, ce qui autorise à tirer un peu de longueur, car les rares frottements s’exercent sur une épaisse couverture végétale protectrice.

 

Néanmoins, le même raisonnement précautionneux que précédemment m’amène à poser des amarrages lorsque le contexte naturel s’y prête bien, d’autant que j’arrive déjà au bout de la corde de 40 m.
Je vais devoir rabouter avec 20 mètres.

Me situant alors à une sorte de petit palier, la roche bien à jour, j’entrevois la possibilité d’insérer une agrafe à la faveur d’une fissure. Bien que très méfiant face aux schistes par nature feuilletés et qui se délitent volontiers, je tente l’affaire…
Au premier planté, je sens que ça faiblit et sais alors que ça ne tiendra pas.

 

J’en tente un second, bien plus dans la masse, et la sonorité rendue par le fer qui tinte sous les coups de massette donne une impression de sécurité.
Je teste, je reteste…ça paraît bon, mais je reste sur la défensive, et crée un fractionnement presque sans boucle de mou…si ça lâchait, le décrochement serait minime.

La pente s’accentue sensiblement, sans toutefois atteindre la verticalité, sauf par petits ressauts espacés.
Je vais raccorder la corde suivante, une jolie bleue presque neuve, plutôt dynamique, et pose un amarrage supplémentaire à cette occasion.

 

A peine l’agrafe plantée, je me sens brusquement décrocher…eh, oui, le schiste du dessus a cédé, fidèle à sa réputation !
Je vois l’agrafe qui pendouille piteusement au bout de la sangle supérieure, rien de grave.
De ce fait l’amarrage en cours d’installation devient plus important, et ce sera une grande agrafe doublée d’une petite qui va être mise en œuvre.
J’en suis à six sangles et huit amarrages.
Je raboute une corde dynamique de 7 mètres et non pas directement la corde de polypropylène qui suffirait à aller en bas, car bien connue pour son hyperstaticité.
De ce fait, en cas de chute, l’amortissement dynamique serait apporté par sept mètres de corde supérieure, ajoutés à la plasticité du terrain et la possible déformation de l’agrafe, puis, si choc vraiment violent, encore 20 mètres de corde dynamique au-dessus en sus de tous les frottements sur les végétaux…La question de la force-choc et de ses conséquences brutales est donc réglée.

Je passe en 12 mm…il me reste environ 10 mètres à descendre.
Du fait de la verticalité et de l’exposition aux embruns salés plus grande, plus fréquente, la végétation est bien moins fournie, la roche plus présente, assez fracturée, et heureusement purgée par le ruisseau lors de ses épisodes torrentueux.
A quelques décamètres de là, de part et d’autre, des cônes d’éboulis récents illustrent bien ce que serait une descente sur les pentes nues : un déluge de caillasses !

Mais dans ce vague vallon, l’incroyable fouillis végétal cramponné dans une épaisse couche de terre et de cailloux mélangés, le tout se tenant mutuellement, point de chute de pierre à craindre, ni de décollement de terrain massif, sauf peut-être lors d’épisodes de gros orages successifs.
Une observation soigneuse des pentes ne laisse d’ailleurs voir aucune trace de tels accidents naturels, ou bien très, très ancienne.
Me voici sur les galets surmontant une jolie plage entre deux promontoires rocheux, c’est l’Anse de Senival.
Ayant démarré 2 heures après la marée haute j’ai déjà dépassé la mi-marée, et c’est bien ce que je visais pour me permettre une belle récompense en allant visiter les grottes de Jobourg, du moins les plus grandes.

C’est un véritable plaisir que de pouvoir le faire par beau temps, et sans autre présence humaine…j’avais vérifié que l’association « A La Découverte De La Hague » (ALDDLH) ne serait pas présente ce jour-là avec sa cohorte de touristes.
Je remonte vers le Nord, et rejoins le bas du sentier officiel de la descente des Ratournettes, censément interdit mais pas pour l’ALDDLH…
Interdit à la descente, mais pas à la remontée, le cas échéant, car ce chemin reste tout de même la seule échappatoire raisonnablement praticable en cas d’isolement dans ce secteur aux marées hautes de vives-eaux.
Je repère de loin les petits aménagements successifs apportés à ce passage, de plus en plus praticable et assuré par de nombreuses broches en inox dans lesquelles il suffit de passer ou mousquetonner une main courante pour assurer au mieux les quidams dotés de simples ceintures à longes doubles.

Âge minimal de 10 ans, 5 € par jeune de 10 à 16 ans, 10 € de 16 à 100 ans…je ris.
Je connais certain(e)s centenaires qui pourraient encore le faire seuls et sans assurance passive, mais très lentement.
Pour autant, l’ALDDLH n’est pas inutile ni à dénigrer, ce qu’elle peut apporter au commun des mortels et lui permet de découvrir et comprendre les lieux n’est pas négligeable, divers commentaires, légendes et anecdotes s’ajoutant à la simple visite physique.
Mais c’est une autre aventure, une autre ambiance, un autre contexte.

Je trotte et sautille alors de rochers en rochers, sur cet immense amas qui me fait penser à la Chaussée des Géants, jusqu’au promontoire granitique saillant qui annonce le passage « clé » peu après une grande grotte-faille un peu en hauteur, que je connais bien et que j’ai décidé d’ignorer aujourd’hui. Elle recèle très souvent des objets naufragés…plusieurs bouées ont rejoint notre stock au fil des années !!!
Là, il y a deux voies possibles selon le niveau de la mer et selon les personnes.

 

Un passage inférieur supposera une immersion plus ou moins complète sur 20 mètres à peine, en évitant toutefois les jours où la mer est agitée car grand serait alors le risque d’être balloté et de percuter violemment les rochers anguleux et très abrasifs.
C’est ce que je vais privilégier car ce bain « forcé » va me rafraîchir ! Sac au-dessus de la tête, ça passe en vingt secondes et c’est bien agréable !
J’appelle ça le « passage Indiana Jones » !!!

Un passage supérieur dit « Passage de Tarzan » supposerait un petit peu d’escalade facile (beaucoup de prises, rochers positivement inclinés, peu de hauteur) et de passer à sec, mais il ne faut pas se casser la figure car un sauvetage ne serait pas commode.
De plus en vives-eaux et avec du vent, le passage supérieur n’est plus vraiment à sec !

Suit une belle fracture rocheuse, avec des paysages superbes sur la mer entre blocs immenses, plusieurs enclaves dans la falaise dont certaines livrent des roches colorées dans une gamme complète de couleurs, plus ou moins spectaculaires selon la position du soleil et l’éclairage qui en résulte.
A défaut, des éclairages artificiels peuvent déjà rendre service ici.

Il n’y a pas long à parcourir pour découvrir l’entrée de la Grotte du Lion, la plus connue pour sa conformation, sa profondeur, et son décor intérieur. Défendue par un gros bloc vaguement cubique à escalader (facile).
Je m’y introduis, car c’est mon second objectif de cette sortie après le canyon de Sennival.
J’espère pouvoir y faire des photos meilleures qu’à ma précédente visite…en veillant bien à ne rien abîmer.

Dès l’entrée, il y a en effet des jeux de couleurs étonnants sur les roches humides, variant selon l’angle formé avec le soleil.

 

 

Le couloir d’amenée, tapissé de galets, est en lui-même assez esthétique.
Voilà qu’après ce bref tunnel, jamais très étroit, je débouche sur une petite salle oblongue d’environ 10 m X  2 à 4 m X quelques mètres de hauteur.
Coup-d’œil à droite, sur un resserrement rapide et relativement banal.
Coup-d’œil à gauche, sur la partie la plus vaste, et là…c’est l’émerveillement attendu : parois tapissées d’une pellicule vivante qui renvoie la lumière des Leds dans une gamme d’ors très étonnante, et qui laisse pantois pour qui ne s’y attend pas.

Un écrin doré pour explorateurs fiévreux !
A ce jour je n’ai trouvé nulle part les résultats d’une étude sérieuse approfondie déterminant exactement à quels êtres vivants on a affaire…car ce n’est manifestement pas minéral, ou pas seulement minéral. Ne surtout pas toucher, se frotter…
A priori pas de lumière y accédant ou bien en quantité infime et détectable par la vision humaine, d’autant que la zone la plus représentative est aussi la moins susceptible d’en recevoir. Algues, lichens, film bactérien, champignons, zoo-plancton fixé… ???
Il faudra chercher !

 

 

Je photographie au mieux avec mon pauvre petit matériel, et ma pauvre petite technicité, ma vue de presbyte dans l’objectif, une condensation sournoise dès qu’on exhale de l’air pulmonaire…tout pour ne pas réussir !   Je ris…
Ressortir n’est pas sans plaisir, réservant de jolis coups d’œil, reflets mouillés, contre-jours et clairs-obscurs au programme…

J’ai prévu d’aller voir aussi la plus grande et majestueuse de ces grottes marines, , dite « Grande Eglise » ou « La Cathédrale », à une centaine de mètres plus loin.
Pas déçu…Trois belles entrées convergentes, grande flaque d’eau miroitante au centre, une moquette de belles laminaires ambrées arrachées…je photographie un peu.

 

 

Et c’est le retour. Avec quelques prises de vue à nouveau…en marche arrière, c’est toujours différent !
Si j’avais opté pour le passage mouillant à l’aller, je prends le passage montagnard au retour, d’une facilité déconcertante ! (Mais pas « séchant » pour autant !)
J’admire cet environnement protégé, impressionné par tous ces énormes blocs de roche roulés, formant un troupeau de multiples bosses blotties les unes contre les autres et où on s’amuse bien…sans toutefois rester conscient que se casser une « patte » là-dedans en étant seul(e), en zone submersible même à petites marées, ça ne laisserait pas beaucoup de chances de survivre !
Mais j’incarne l’aventure et l’évasion, solitaire ou non, et depuis un bon demi-siècle, ça ne m’a pas porté malchance…

 

 

Je rejoins peu à peu mon bas de corde.
Ayant refait les sacs, remis tout le matériel sur moi, bu un grand coup, il va falloir s’attaquer à la remontée.
Si déniveler 60 m sur corde est a priori un jeu d’enfant, même avec  trois raccordements de cordes et cinq fractionnements, il va en être autrement dans les présentes conditions d’exercice…
La fameuse végétation qui était repoussable des pieds, avec du temps et de la patience pour ne pas l’abîmer, est bien plus difficile à appréhender avec tête et mains en avant…et avec la gravité contre soi.
Les grandes feuilles laminées qui abondent sont, de plus, légèrement coupantes sur les bords. Le soleil tape au maximum…falaise exposée à l’ouest !

 

Une véritable « lutte » s’engage alors, sur une corde à-demi enfouie dans les herbes, dont plusieurs sont fructifères et m’inondent de minuscules fruits secs qui virevoltent, j’en prends dans les yeux, les narines, la gorge si j’ai le malheur d’ouvrir la bouche…
Ouh là ! Ca tousse, ça éternue , ça renifle, ça pleurniche tout ça  ma pauvre petite Madame !
Mais qu’elle est belle, cette nature sauvageonne dans laquelle je m’immisce et m’immerge…me fonds et me confonds. Je finis presque par ramper au creux du canyon, préservant ainsi totalement la végétation. Et moi avec !
Totalement invisible du sentier 223 !

Les appareils de remontée s’encombrent régulièrement de feuillage qui limite leur fonctionnement, la pédale disparaît régulièrement dans le fatras végétal et dans les anfractuosités de la roche…saute sans cesse du pied !

 

Il me faudra plus d’une heure pour remonter cela, en comptant les démontages d’amarrages et de nœuds. Et plusieurs petits arrêts à l’abri du soleil, blotti dans les creux du canyon humide, m’offrant un peu de fraîcheur.
L’une des agrafes résistera un bon moment à mes efforts d’extraction, preuve supplémentaire, s’il en était besoin, que quand ça tient, ça tient !

 

 

Grand rangement une fois revenu au sentier des douaniers, et à cette heure-là, il n’y a plus grand monde…car je réalise que beaucoup de temps a passé, et c’est un brave touriste qui me le confirmera en m’indiquant qu’il est…19 h !
Retour rapide au véhicule, route avec deux petits égarements en secteur urbain…arrivée à domicile à 20h30.
Une jolie petite promenade qui aura réclamé plus de 8 heures dont 2 sur la route. Aucune trace visible de mon passage.

Mais l’objectif principal est atteint : oui, il existe bien au moins un « canyon » dans le Cotentin, et oui, il est « praticable », et oui il donne sur un des sites les plus remarquables de cette péninsule…et oui il offre une école technique intéressante, tout en permettant d’accéder aux fameuses grottes sans passer par le sentier officiel réservé à l’ALDDLH.

Mais attention, la zone reste sous le coup d’un arrêté préfectoral de biotope, préservant le site durant la période de nidification des oiseaux de mer soit du 15 février au 15 juillet.
L’accès aux grottes, ouvert dès 1910 par le TCF, réaménagé en 1923, dégradé en 1950 par un accident de terrain, fermé définitivement en 1960, a été rétabli par une autre voie ancienne, dite Descente des Ratournettes, fortement améliorée par des bénévoles, dès 1995.

 

 

Il s’y est peu à peu établi une forme de monopole d’usage, renforcé par un APB de 1995, une interdiction d’accès au sentier pour le public autonome, c’est à dire au public non « encadré », même s’il est tout à fait capable, équipé et compétent !
De plus et en théorie, l’accès au littoral au pied de ces falaises est censément interdit en permanence depuis 2014 par le Conservatoire du Littoral, mais on n’a trouvé aucun texte à ce sujet et cela paraîtrait abusif, l’estran restant accessible par voie de mer…et les marées hautes le recouvrant !

Curieusement, « Explorations Sports Environnement » (Exspen) est une association sportive et dite « environnementale », qui, en plus de l’ALDDLH se voit autorisée à balader là des dizaines de personnes quotidiennement durant l’été…par « tolérance au vu de l’activité professionnelle ». L’écologie et la protection environnementale sont donc à géométrie variable, les oiseaux étant apparemment plus dérangés par trois randonneurs autonomes tranquilles compétents en passage furtif que par un bon gros grand groupe gesticulant et bruyant, s’attardant en pleine falaise ou sur l’estran rocailleux. Cherchons la logique…Bref…

 

En cas de visite décrétée a priori clandestine, donc, mieux vaudra rester discret, notamment vis-à-vis de la faune, pratiquer à des heures peu courues, et entre septembre et janvier de préférence ! Ne rien abîmer ni prélever.
En cas d’interpellation par un garde du littoral ( Deux gardes pour le secteur Hague et 12 pour toute la Manche, intervention hautement improbable dans ces conditions) soit par ces forces autorisées dument assermentées, adopter un profil bas, même en établissant qu’il n’y a eu aucun préjudice réellement causé. Ne pas jouer à l’imbécile ou à l’ignorant(e). Un amende de 5ème classe (contravention de grande voirie) est ici risquée si une dégradation environnementale est établie.(1500 €)

(rouge = Ratournettes,  Bleu = Canyon ) Sentier GR223 en surplomb. )

 

Il ressort de l’essai, outre une faisabilité pratique bien établie, quitte à assumer une illégalité, qu’une dizaine d’agrafes, sangles et mousquetons sont suffisants, et que 80 mètres de corde d’une traite ou deux fois 40, (NDLR : le tout réductible à 4 agrafes, 4 sangles, 4 mousquetons et 70 mètres comme dit ci-après)  peuvent convenir. On ajoute la massette, un sac et de l’eau !
Un unique sac suffirait d’ailleurs, réduit à 12 kilogrammes au départ, voire moins.
L’équipement individuel restant conventionnel…casque en sus, pour l’exemple.
Mais, ne rien dégrader, ce qui réclame patience et vigilance.

 

Une formule intelligente (car non provocatrice) et efficace peut être de réaliser la descente du canyon à l’aube, avec une corde directe d’une seule portée (il ne faut aucun noeud pour pouvoir la remonter ensuite !), amarrée sur quatre agrafes largement réparties,  à marée descendante, visiter les grottes en allant vers le nord, puis continuer jusqu’à la grande Baie d’Ecalgrain ou même seulement l’Anse du Cul Rond, soit 1500 m à pied environ, au pied des falaises, où l’on peut trouver plusieurs autres grottes, mineures mais jolies, très rarement visitées… Avec un joli parcours sauvage et très « tranquille »…très rares passant(e)s !!!

Tout y est très rare donc, y compris les gardes du littoral !
Le retour se faisant alors au sommet des falaises par le GR 223, avec une petite pointe pour aller récupérer la corde et les quatre amarrages restés en haut de canyon.
Mais ceci ne peut être entrepris qu’en veillant à ne pas se faire surprendre par la marée montante.
Prévoir du temps pour la tranquillité d’esprit, la progression prudente en milieu accidenté  donc accidentogène, et le meilleur profit des lieux, dont temps photographique.

 

SJV vous donne ici des informations, voire des conseils, mais vous restez responsable(s) de tout ce que vous entreprendriez, en toute connaissance de causes et d’effets.
Sinon, payez 10 euros et contentez vous de l’ordinaire…

Bonne expédition, bon courage, bonne chance !

 

 

 

 

 

 

 

 

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