La Beuvronne des ballons 582

La Beuvronne des ballons 582

3 octobre 2022 Canoë 0

La Beuvronne des ballons      582

C’est bien connu, tout organisateur d’activités de pleine nature a tout intérêt, voire l’obligation, de reconnaître l’itinéraire, les sites, les règlements…et autres paramètres de son projet avant d’y lancer des gens, bien que tout ne peut jamais être totalement prévu, en laissant une petite part à l’inconnu et à l’aventure. Cela sauf si un consensus bien clair est établi entre membres d’une équipe qui assument tous leur engagement face à tout imprévu, donc.

Ce jour-là, j’évoluerai seul…car je sais que la promenade ne sera pas toujours plaisante.
Il s’agit de mener une reconnaissance de rivière sur à peine trois kilomètres, c’est peu en apparence, mais selon les difficultés de terrain, ça peut prendre beaucoup de temps et d’énergie !

J’arrive en voiture, et, première déconvenue, la petite route qui dessert le pont entrevu pour accéder au cours d’eau est barrée et gardiennée par un vigile et son chien… Incroyable ! Une route qui ne mène à aucune habitation, aucune entreprise, aucun chantier en cours, aucune installation « sensible », bénéficiant d’une telle protection (???)
Bon…je gare le véhicule à 100 mètres, et entreprends l’approche à pied.
Le passage du cours d’eau est totalement invisible de la route, dont les abords sont fournis d’une végétation très dense où abondent des espèces piquantes et urticantes engoncées dans un taillis d’épinettes, et sauf à consulter la carte précise dont je me suis muni, on ne peut savoir qu’une rivière coule ici ! C’est une rivière canalisée, dite « Fossé ».
Descendre jusqu’à la rive sera déjà une petite épreuve de jonglerie et de contorsionnisme entre ronciers, bardanes et grands chardons, pour découvrir l’eau assez sale sortant d’un pont en tôle et béton, très laid !
Un tronçon de 400 mètres est envisagé, au début dans une peupleraie où croissent des milliers d’Orties dioïques, en rangs très serrés, dont beaucoup d’individus dépassent les deux mètres…bien que moins urticantes que les Orties brûlantes (Urtica urens) qui sont aussi trois fois plus petites, je rabats les manches longues et progresse les bras en l’air, il n’y a plus guère que les mains qui dépassent du champ !!!

Je contrôle le « Fossé », qui ne présente que de rares obstacles qui seront aisément contournables ou pourront être déplacés ou sciés, car le lit mesure quand même trois à quatre mètres de largeur, pour faire passer des embarcations de 80 centimètres, ce qui laisse une bonne marge !
Dès le premier embâcle mineur, je trouve deux ballons de football !
Parvenu à la limite de la peupleraie, après  200 mètres d’immersion végétale, menacé par des armées de trichomes urticants et leurs dards siliceux, je découvre une laie forestière qui rejoint la berge et va la longer sur deux  hectomètres, ce qui me rendra la vie plus facile, après avoir échappé à l’injection multiple du redoutable cocktail chimique des « grièches » de nos aïeux…
Visiblement, c’est un aménagement pour la chasse car j’y vois des « miradors » qui ne sont pas anciens.
Je me trouve alors coincé dans l’angle que forment le « Fossé »et un petit affluent dont l’aspect ne me dit rien qui vaille…bien large de 4 mètres aussi, mais avec un faible débit d’eau sur un fond noirâtre fort vaseux…qu’un petit test au bâton révèle très mou et très épais !
Je vais y laisser les bottes, c’est sûr…voire pire !

La carte montre que c’est un cours d’eau intermittent, mais qu’en fait il s’agit bel et bien de la vraie rivière d’antan, et l’eau d’aujourd’hui qui ruisselle ne provient sans doute que des quelques pluies de la semaine précédente.
Je m’en vais quérir quelques branches mortes et autres objets susceptibles de produire de bons appuis dans cette fange peu ragoûtante, les dispose de sorte à pouvoir y conserver un peu d’équilibre…et c’est la tentative !

 

En dépit de ces supports répartissant la charge, ce sera encore à mi-bottes que je franchirai ce large fossé, et encore suis-je passé aussi rapidement que possible ! Mais j’ai échappé à l’enlisement…
Un petit retour vers la rivière canalisée voulue m’amène à découvrir une berge d’entretien bien moins difficile à arpenter que celle en pente raide que je viens de quitter, et je constate que deux ou trois arbres et branchages couchés nécessiteront l’usage de scies ou sécateurs, mais ce ne sera ni très long ni bien difficile.
Surprise ! Un débouché de souterrain apparaît alors en rive gauche…mon sang de spéléologue ne fit même pas un tour que je me penchais déjà dessus pour en sonder la nature et la profondeur…où y déterminer l’existence d’animaux pas forcément hospitaliers.

Et oui, ça va plus loin que le premier coup d’œil ne permet d’y voir clair…serait-ce enfin là l’entrée de la salle du Trésor des Templiers ? Je ris…
Je sors la compagne fidèle de tout aventurier : la lampe frontale…

Et là, je découvre un superbe conduit en pierres, dont la voûte est faite d’éléments bruts juxtaposés, d’une facture manifestement très ancienne et qui a résisté au poids des terrains comme à celui des âges.
J’entreprends l’investigation à quatre-pattes, disposant d’environ 70 centimètres de largeur et autant de hauteur, sur un sol terreux très sec qui semble masquer une hauteur originelle bien plus grande.
Rien de « sale » ou d' »hostile » n’apparaît, hormis quelques araignées dans leurs toiles, mais je me méfie d’un éventuel rat, ou renard, voire blaireau, et même d’un serpent qui surgirait de là (?). Car de fait, ce tunnel pourrait bien héberger un de ces animaux…
La hauteur se réduit après une dizaine de mètres, et je finis par ramper…ça continue plus loin, j’en suis à 18 mètres, mais c’est devenu plus étroit bien que le plafond soit intact. Il n’y a donc pas eu d’effondrement mais plutôt une sorte de remplissage volontaire (???) Question(s)…

 

L’éclairage se perd dans la profondeur sombre, ne laissant deviner ni une obstruction, ni un élargissement
On verra plus tard…Au passage j’admire un parterre de Linaires communes, ainsi que quelques Cirses…
Je reprends la visite de la rivière avec une relative aisance sur près de 500 mètres, le long desquels je constate que le courant se forme par séquences de quelques décamètres…je mesure une vitesse approximative de 3 km/h !

 

Sur ce tronçon quasi-rectiligne, les berges sont montées avec des gros blocs de roche, et on disparaît totalement de l’horizon dans une sorte de mini-vallée creuse. Beaucoup moins d’orties, qui ont laissé la place à une bordure de taillis et d’arbres, les berges ainsi plus agréables à l’œil.
Mais je découvre alors, dans ce fourré épais, une petite ruine qui jouxte un joli pont de pierre du XIXème siècle, visible sur la carte d’Etat Major de cette époque. Tout chevelu de lierres, encore bien solide, il précède une bifurcation.
En rive droite s’échappe un bras qui apparaît mineur, mais qui constitue finalement le cours historique naturel de la rivière, laquelle alimentait un moulin à 400 mètres en aval. Le bras qui apparaît majeur est là encore une rivière canalisée, où le plus gros de l’eau est absorbé par la création d’un seuil de 20 cm. C’est ici la « cascade » !!!

 

Elle est encadrée d’une installation simple qui permettait de réguler le débit dans le bras du moulin…trop faible on glissait des planches, trop fort on en retirait.
Ce canal sera donc la voie à suivre avec les bateaux, l’autre aboutissant au moulin en restauration.
il décrit étonnamment une chicane à angles droits, puis file tout droit sur 600 mètres mais pas sans obstacles !
Outre deux ou trois troncs d’arbres, on arrive en effet après 250 m sur un pont bas en béton supportant une petite route, puis un second pont beaucoup plus haut, à la sortie duquel l’eau passe sous des barres métalliques dont on comprend mal l’intérêt…sinon peut-être d’empêcher le gros gibier d’y pénétrer (???).
Mais ce dispositif n’empêchant pas le passage des bateaux à petit tirant d’air, la progression pourra continuer…
Les 300 mètres restants vont à nouveau m’imposer un champ de grandes orties sous peupleraie, et la section de rivière présentera trois petits seuils rocheux qui nécessiteront de descendre des embarcations sur quelques mètres.
La rivière part alors brusquement  vers le sud-est, et va désormais cheminer en creux entre des berges boisées où les orties et ronces sont bien moins présentes

Plusieurs petits embâcles livreront à nouveau des ballons…j’en compterai 8 ! Ce qui portera le score de la rivière à 10 ballons en tout, pour 2,5 km de cours… je remarque par la même occasion que cette petite rivière n’est que très peu chargée de déchets flottants et ne recèle pas d’ordures lourdes.
Quasiment aucune bouteille en plastique ou emballages divers ne s’y trouvent, et je m’en félicite !!!
Il reste 800 mètres à parcourir avant que tout cela ne se jette dans une grande rivière…
Auparavant, deux amenées d’eau vont venir grossir le débit, l’une est une sorte de petit canal que la carte décrit comme issu d’une station d’épuration, ce qui est bien regrettable pour l’agrément de la navigation, 500 mètres avant le débouché final, l’autre est un petit ruisseau 300 mètres avant la fin aussi, dont l’eau paraît très propre, et où croissent des plantes saines dont des lentilles d’eau.
De ce fait, le tirant d’eau s’élève un peu.

Dans ce parcours final, plusieurs oiseaux seront dérangés…dont un superbe Faisan de Colchide mâle, divers Canards, une Perdrix pour ne citer que les plus gros. Peupliers et cornouillers abondent tout au long de l’ultime ligne droite, et je débouche sous une passerelle métallique…
La descente de la « Beuvronne des ballons » est terminée !
Au retour, j’apprendrai que ce gardiennage (doublé car la route a deux issues) est justifié par la nécessité d’empêcher des circulations intempestives de motos et quads, d’une part, et de véhicules utilitaires visant à des décharges illicites de gravats et autres déchets !
Deux vigiles + véhicules +chiens tous les week-ends…très coûteux pour les contribuables !
Bref…
Il va falloir faire une promenade pédestre semi-nautique de « nettoyage » de rivière avant tout embarquement… !
Mais ensuite, ce sera peut être une petite descente sympathique…

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