La Carrière du Grand puits 781
La Carrière du Grand puits 781
Voici encore une cavité remarquable, initiée au XVIIe siècle selon les informations disponibles, et très officiellement autorisée en souterrain vers 1830.
Et quel souterrain !
La région étant celle d’une transition géomorphologique et stratigraphique, la couche de gypse de première masse, très souvent préférée à l’exploitation, est ici bouleversée, irrégulière, et d’un gypse très impur, marneux, posant des problèmes tant à l’extraction qu’à la dessication nécessaire ensuite pour en faire du plâtre.
Les « gypseux » se rabattent alors sur la seconde masse, plus profonde, moins épaisse et comptant des intercalations marneuses, mais restant bien rentable malgré tout.
Pour l’atteindre à moindre coût technique, moindre coût temporel, moindre coût de main d’oeuvre, le mieux restait d’amorcer l’affaire sur un flanc de colline suffisamment creusée par une rivière pour permettre l’affleurement de la strate convoitée.
De plus, la rivière en contrebas offrait l’opportunité du transport fluvial tout proche.
Dans le cas présent elle n’est qu’à 750 mètres et 40 mètres en contrebas, soit une pente moyenne de 5%
Plus précisément, la descente des produits suivait une première pente de 15 à 10 % sur 300 mètres, puis 2 % sur les 450 mètres restants.
Après 1820 la navigation et le transport fluvial furent possibles sur le Canal de l’Ourcq encore plus proche, 500 m environ.
Dès lors, l’exploitation partait souterraine et en tunnel, vers 81 mètres d’altitude, lequel souterrain donnait ensuite naissance à des galeries latérales, et pouvait aussi bifurquer, chaque branche de la fourche donnant des galeries secondaires, le tout dessinant une sorte d’arborescence.
L’organisation spatiale des galeries orthogonales, plus récente, ne s’y observe pas, même si, dans les parties les moins anciennes, on constate que les galeries mineures sont amorcées àangle droit.
Dans une carrière de seconde masse, d’une puissance limitée à 5 ou 6 mètres (contre 12 à 15 en première masse !) où sont superposés des lits de gypse saccharoïde, de gypse « pied d’alouette », de marne claire litée, on ne peut se contenter que de parois naturelles.
Les confortements pariétaux et/ou apicaux y sont donc très représentés dès qu’une galerie s’élargit et gagne en hauteur de vide. La section des galeries n’est que faiblement trapézoïdale.
Les parois d’un très long tunnel sont ici faites de blocs de gypse montés au mortier de ciment ou de plâtre.
L’aspect en est relativement esthétique, voire décoratif, car les cristaux scintillent un peu partout et le « pied d’alouette » se présente sous diverses dimensions, du centimètre au décimètre, sous diverses orientations de l’architecture cristalline, et sous diverses colorations, du « crème pâle » au « rouille brique », toutes choses que les éclairages « Led » font miroiter…
La strate de seconde masse est théoriquement surmontée de 14 m de première masse hétérogène, 15 m de marnes supragypseuses, 7 m de marnes vertes et quelques mètres de l »Horizon de Brie » .
Cet « Horizon » est un ensemble sableux-limoneux-argileux avec blocs et débris de meulière), au plus haut des reliefs.
Au total, on a donc une couverture de 5 à 45 mètres
La formule simplifiée de Pigott Z = 3H : (F-1) applicable ici pour des Hauteurs de galerie de 4 m au plus, et un coefficient de Foisonnement de 1,3 amène à considérer que Z sécuritaire égale 40 mètres de couverture pour neutraliser totalement l’effondrement des plus hautes galeries.
Ceci démontre le risque de formation de fontis (qui ne serait ni bien étendu ni bien profond) dès que l’on passe sous l’altitude 120 m, potentiellement dangereux sous l’altitude 100 m…et sous la condition de se trouver à la verticale d’une galerie large et majeure, c’est à dire une occurrence statistiquement très faible.
Entrons donc dans ce tunnel…
L’entrée est masquée par un tertre artificiellement édifié, quelque peu tassé sur lui-même avec le temps et ayant rendu un passage humain assez facile.
.
A quelques mètres des derniers végétaux pionniers, une large porte en bois à deux battants interdisait l’accès (avant que le tertre fût mis en place) mais qui ne résista pas aux assauts de plusieurs conquérants curieux au fil des années…
Au-delà de cette porte, un petit bric-à-brac accueille le visiteur, principalement constitué de quelques reliquats de chantiers, notamment des carrelages et des décamètres de bande de caoutchouc de jointoiement, quelques morceaux de bois, seaux, bidons, bassines. Mais finalement peu de choses et pas de déchets ou ordures.
La suite livre une galerie tout à fait classique dans la région gypsifère, c’est à dire presque rectiligne et qui s’enfonce loin dans la colline, sub-horizontale au gré des faibles pendages des strates, et donnant naissance cà et là à des galeries secondaires, le terme « secondaires » ne signifiant pas pour autant qu’elles soient de faible importance dimensionnelle.
En période hivernale, cette cavité artificielle abrite bon nombre de chiroptères, essentiellement des Murins.
On les rencontre jusqu’à 300 mètres de l’entrée. Certains ne survivent pas à leur hivernation comme peuvent l’attester de rares cadavres trouvés au sol.
En l’occurrence, on a ici affaire à un tracé principal d’environ 650 mètres ! Grossièrement vers E-N-E soit environ 60°. Cette voie d’accès et de distribution est souvent tunnellisée, les portions « brutes » alternantes et disséminées.
.
Le plus souvent, on a affaire à un tunnel à voûte « romane », très majoritairement bâti de blocs de gypse pied d’alouette, grossièrement alignés, appareillés au mortier, parfois au plâtre banché.
Un court passage est guindé de zinc, sans doute une zone souvent arrosée d’infiltrations d’eau.
Les portions de section rectangulaire ou légèrement trapézoïdale sont fréquemment étayées au ciel par des rails, dont l’agencement offre des variations intéressantes selon les tronçons.
Soit guidé par l’orientation des principales diaclases, soit par une rationalité orthogonaliste toute simple, soit par économie de rails ou de temps de tronçonnage, soit par une forme de normalisation quel que soit le contexte géologique. Dans les galeries les plus récentes, des explosifs bourrés dans des forages mécaniques ont été utilisés.
On n’observe que très peu d’inscriptions ou dessins, même dans les espaces les plus faciles d’accès.
Un gros codage chiffré professionnel se trouve régulièrement peint sur les parois, indiquant soit des secteurs, soit des galeries, soit des distances… Que nous n’avons pas cherché à décrypter !
A environ 130 m de l’entrée, juste après une première fourche, on trouve à gauche un puits descendant vertical, à bouche rectangulaire (1,5 m X 1,2 m) et actuellement profond de 17,5 m, certainement bien plus à l’origine.
.
En effet, le fond est encombré de nombreux blocs de roche jetés là du temps des carriers peut-être, mais plus probablement durant la fin du XXe siècle et début du XXIème.
Difficile d’en affirmer l’utilité entre puits à eau (Bien plus profondément ?) ou puits d’accès à des galeries inférieures et dans quel intérêt (?) les troisième et quatrième masse du gypse n’étant guère rentables à l’exploitation, et la seconde masse étant ici immensément étalée. (?). Ce puits est doté d’une solide paire de rails surplombants, supportant des traverses dont une avec potence oeillée pour manoeuvres.
Il n’a pas été observé de vestiges permettant de penser qu’il s’agissait d’un puits à escalier « quart-tournant ».
Au mieux y aurait-il eu des échelles fixes avec un demi-palier de sécurité tous les 5 mètres (?)
Son accès étant en pleine paroi et protégé par une haute rambarde, il ne pourrait s’agir d’un puits d’extraction.
On reste donc sur un grand questionnement ! Peut-être simplement un puits de prospection des 3ème et 4ème masses potentielles ?
La plupart des galeries adjacentes sont actuellement réduites à des portions de 10 à 20 mètres, toutes fermées par des effondrements qui semblent, du fait de leur positionnement systématique, avoir été provoqués pour limiter les incursions « sauvages ».
Plusieurs présentent 1 à 5 piliers à bras dès leur naissance.
La première fouche notoire à 130 m de l’entrée, donne une galerie elle-même fourchue, livrant encore environ 80 mètres, à peu près plein Est.
La seconde fourche offre une longue galerie orientée à 120°, sur 400 m environ. Elle butte sur un front de taille, peu avant lequel démarre une galerie de près de 200 m orientée à 20 °, gravement atteinte par une descente de ciel majeure.
Au-delà, une galerie démarre, dégageant encore 300 m et descendant jusqu’à un niveau de nappe. Mais, de ce fait, l’exploitation n’a pas excédé 50 mètres linéaires.
Des fûts en plastique ont servi d’embarcations…peu stables !
Revenant à la galerie principale, on accède à une troisième fourche, avec une nouvelle galerie importante à 140°, d’environ 230 m et qui semble connectée à la précédente, dans une zone très chaotique où il serait dangereux de s’aventurer pour découvrir cette connection…
La quatrième fourche se démarque peu avant le terminus de la galerie principale, elle aussi à 120° et sur 300 mètres s’achevant à son tour sur un front de taille. Mais, à 50 mètres de son début, elle donne naissance à une galerie orientée à 30 ° sur près de 100 m.
Cette galerie recèle encore plusieurs rails ou travées de rails. Elle est marquée par une large inscription à la peinture donnant la limite d’exploitation officielle où l’on est ( à 13 m) et celle de l’exploitation voisine ( à 30,5 m) distance mesurée d’une ligne tracée au ciel (repère 1220) à l’axe de la galerie dite « A Bourdon »
Assurément, elle débouche dans ce qui fut une exploitation concurrente.
En effet, cette galerie de jonction entre carrières voisines est marquée par un sas à deux grilles parallèles, délimitant un volume de 10 m x 5 m sorte de zone commune.
A la faveur des objets métalliques ferreux, (rails), on peut fréquemment observer le développement de concrétions ferriques bivalviformes, certaines remarquables par leur forme intégrale bi-convexe et leur taille…près de 4 cm de diamètre pour quelques-unes !
Elle croise alors la grande galerie « A Bourdon » à nouveau globalement orientée à l’Est sur près de 700 m et qui donne dans un secteur un peu complexe encore mal topographié par nous.
La « Bourdon », à l’opposé, part globalement vers le Nors-Ouest
Quelques plaques métalliques émaillées et chiffrées caractérisaient certaines galeries (ou secteurs) on n’en a trouvé que cinq encore en place… il est probable que plusieurs autres ont pu faire office de « souvenirs » de visite à certain(e)s !
Un exemplaire, la « Deux », est en,core en place dans cette dernière voie de 500 m butte sur un mur de parpaings scellés laissant penser à une sortie extérieure condamnée par un coulage de bentonite
Ces quelque 3 kilomètres explorés, qui ne représentent pas tout ce qui peut l’être, loin s’en faut, sont ponctués de plusieurs belles cloches remontant suffisamment pour dégager la strate à fers de lance et au-dessus, strate abondamment pillée à coups de burin et, malheureusement, avec des dépôts de déchets liés aux festivités des pilleurs ! Cloches dangereuses, bien entendu…
Par ailleurs, on rencontre à plusieurs endroits de superbes alignements de piliers à bras dont un de 50 éléments espacés d’à peine 2 m, tout à fait remarquables.
Toutes les galeries importantes ont été garnies de voies ferrées dont il ne reste que peu de traverses et quelques petites portions de lignes, dont les parties courbes, moins faciles à ressortir !
De rares niches d’évitement sont observables, qui permettaient aux carriers de se mettre à l’écart au passage des berlines.
On n’observe aucune trace d’électrification.
Rien ne semble attester de l’utilisation de chevaux ou d’ânes pour le déplacement des berlines chargées ou non, on peut donc supposer que ce travail fut intégralement assuré à force d’hommes.
On ne rencontre quasiment aucun endroit où un croisement de berlines fut possible, et très peu d’aiguillages, malgré la grande longueur des voies principales. Il faut donc supposer soit que des voies secondaires furent utilisées comme voies de garage, soit que l’organisation du travail était telle que les berlines vides furent entrées le matin pour ressortir pleines le soir, (ou autre séquençage) , de façon coordonnée…(?)
Cette cavité ne doit pas être visitée durant la période d’hivernation des chiroptères ( novembre à février, voire mars) car elle en abrite quelques dizaines, de 5 espèces différentes au moins.
On ne rencontre guère d’autres animaux visibles à l’oeil nu, quelques Scolioptéryx et araignées tout au plus.

Galerie tunellisée

Petit puisard à eau


Superbe tunnel
tranches de strates de gypse
« pied d’alouette »

Ancienne sortie, condamnée par un coulage

Poisson d’avril de 1950 ?

Déformation des strates et effondrement

Petite salle à mlanger pour cinq !
Le Parisien (1973)

Traverses et rails en décomposition

Rare dessin pariétal

Descente de ciel progressive

Petit puits à eau
Murin au repos !